L’affaire Pannier-Runacher, symbole d’une caste en pleine décadence

Il revient au site Politico d’avoir levé le lièvre de l’affaire Pannier-Runacher qui illustre comment, sous Macron, la classe politique française a sombré dans la vaudeville le plus ridicule qui soit. Ou comment la liste LREM dans les Hauts-de-France, région stratégique où Emmanuel Macron veut faire barrage à Xavier Bertrand, est mise en danger par une romance entre une ministre et son chef de cabinet, qui devient un nid à emmerdements. Il fut un temps où la vie politique française relevait de la tragédie grecque. La caste a désormais sombré dans le théâtre de boulevard.

Agnès Pannier-Runacher est une copine de promotion, à l’ENA, d’Alexis Kohler, de Fleur Pellerin, et d’Audrey Azoulay. Elle a commencé sa carrière administrative comme inspectrice générale des finances. Elle est donc une sorte de figure symbolique de la caste : ambitieuse, brillante, à plein dans la connivence des élites françaises. Elle ne peut ignorer ce rôle d’exemplarité qu’elle endosse lorsqu’elle devient ministre.
Mais ce souci-là, c’était avant…
Agnès Pannier-Runacher tombe amoureuse de son chef de cabinet
Mariée en 2001 avec un camarade de promotion lui-même sorti inspecteur général des finances, Agnès Pannier a eu trois enfants, avant de devenir ministre. Dès cette époque, on pouvait s’amuser de sa culture de l’entre-soi, qui suscite désormais un rejet viscéral de la part des Français.
En 2018, elle est parachutée à Bercy, forte des soutiens dont elle dispose dans l’entourage du Président de la République. En octobre 2020, elle recrute un conseiller politique venu du Parti Socialiste, un certain Nicolas Bays. L’homme n’est pas totalement inconnu. Il a été député socialiste du Pas-de-Calais sous Hollande. Il a été l’époux d’Aurore Bergé (vice-président du groupe LREM…) entre 2009 et 2015.
Nous sommes ici dans le plus parfait entre-soi parisien !
Et papatras ! on découvre chemin faisant que Pannier-Runacher et Bays filent un parfait amour… au point de décider de concubiner dans le Pas-de-Calais !
Du concubinage à la maladresse électorale
Au fond, personne n’aurait jamais rien su de cet épisode romanesque (ou, en tout cas, très peu de gens) si la ministre n’avait pas poussé le vice jusqu’à se présenter aux élections régionales dans les Hauts-de-France en se domiciliant… chez son nouveau concubin, et accessoirement ancien conseiller politique devenu chef de cabinet. Peut-être imaginait-elle que personne ne se poserait la question de ses attaches dans la région, qui doivent électoralement, juridiquement, administrativement, être prouvées ?
Ce genre d’amateurisme, tout entier dû au sentiment d’impunité que la caste nourrit à force de vivre coupée des réalités, montre combien cette République est mal dirigée. Car il faut désormais expliquer (ça s’appelle la démocratie) officiellement que la ministre a des attaches solides dans la région où elle candidate à une place non-éligible. Et là, on se pince. Car LREM est désormais capable de susciter un bad buzz pour une candidature qui n’a de toute façon aucune chance de déboucher sur un poste, puisque la belle Agnès ne juge pas le conseil régionale des Hauts-de-France susceptible de l’accueillir en bonne place, au point qu’elle se présente en position « non-éligible » sur la liste.
Mais qu’ont-ils dans la tête, dans l’état-major de LREM ?
Si la majorité avait voulu se discréditer auprès des électeurs des Hauts-de-France, alors même que son objectif était d’affaiblir un rival potentiel pour 2022, elle ne s’y serait pas pris autrement. Et on voudrait vraiment que Macron nous file les coordonnées du gars ou de la fille qui a pu orchestrer une opération aussi lamentable, car pousser l’amateurisme à ce point, cela relève vraiment de la prouesse.
Y a-t-il eu conflit d’intérêt ?
Toute la question est évidemment de savoir si cette accointance entre la ministre et son chef de cabinet a nui à l’intérêt général. La réponse à ce genre de question est forcément « poreuse », mais tout tient ici à la doctrine Macron. Dans la foulée de l’affaire Fillon, le nouveau président de la République avait en effet proscrit les relations intimes entre les ministres et les membres de leur cabinet. Et hop ! malgré cette interdiction, une ministre venue de la société civile sans le moindre mandat électif se met à concubiner avec l’un de ses conseillers comme si de rien n’était.
Est-ce à dire que les décrets reviennent à pisser dans un violon dès lors qu’il s’agit de la caste ?
Une seule réalité s’impose : la ministre est aujourd’hui coincée entre son devoir électoral de vérité sur son enracinement dans le Nord et sa loyauté vis-à-vis de la réglementation. Soit elle est réellement « nordiste » depuis bien avant les élections, et elle a dissimulé qu’elle avait désobéi aux consignes présidentielles d’indépendance « matrimoniale » entre les ministres et leur cabinet. Soit son concubinage est si récent qu’il met en péril la sécurité juridique de la liste LREM dans le Nord.
Dans le doute, choisissons le moindre des maux !
Il n’en reste pas moins que cette polémique de boulevard illustre l’implosion de la vie politique que Macron devait relever… Nous fûmes dans la tragédie. Nous sombrons dans le boulevard.
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