La réindustrialisation de la France ne passera pas par la frite belge


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La réindustrialisation de la France est devenu le leit-motiv du moment. Elle devrait être au coeur du plan de relance que le gouvernement va présenter cette semaine. Sauf que, au-delà des revendications immédiates de souveraineté dans les « secteurs stratégiques », en réalité, personne ne veut une usine à côté de chez soi. La preuve par la frite belge.

La réindustrialisation de la France ! Il paraît que c’est le projet de Macron pour 2030, auquel il consacre toute son énergie et des moyens faramineux, dont une partie est apportée le fameux emprunt européen, qu’il a dépensé au moins dix fois avant même que son contenu exact et ses règles du jeu ne soient connues. Petit problème : si tout le monde trouve bien de « réindustrialiser la France », personne ne veut voir cette réindustrialisation arriver dans son jardin. La preuve par l’exemple.

La réindustrialisation de la France et la frite belge

L’affaire est rapportée par l’excellent magazine écologiste en ligne Reporterre, qui est de tous les combats en faveur de la décroissance et en défaveur du productivisme industriel. Un village proche du port de Dunkerque se mobilise contre l’installation d’une usine à frites, opérée par la société belge Clarebout Potatoes, géante de la frite surgelée.

L’usine devrait créer plus de 300 emplois et produire 500.000 tonnes de frites surgelées par an. Dans une région patatière comme le Nord, l’arrivée d’une usine de ce genre est non seulement logique, mais semble une bénédiction pour la région… fortement frappée par la désindustrialisation.

Et comme par hasard, une association locale se mobilise pour empêcher l’installation de l’usine. Ce combat est largement relayé par les écologistes, qui voient là une bonne occasion de dénoncer la pollution industrielle.

1001 raisons de refuser la frite belge…

Dans l’affaire Clarebout Potatoes, on retrouve tous les arguments habituels qui servent à dénoncer l’installation d’une usine : pollution sonore, olfactive, visuelle, conditions de travail inhumaines, etc. Ce qui est dit ici de l’usine à frite belge peut être dit de n’importe quelle usine :

« Comme le site de production de Warneton B fonctionne 24h/ 24, les congélateurs et la salle des machines émettent un bruit permanent qui devient très vite insupportable. Il y a aussi une nuisance olfactive en raison d’une odeur persistante de friture à laquelle s’ajoute celle de l’œuf pourri émanant de la station d’épuration proche. De plus, des pluies grasses tombent sur le voisinage, dans les jardins, sur le linge ou les parebrises des voitures. Cette usine fait l’objet d’une centaine de plaintes chaque mois. C’est pour ces raisons que nous ne voulons pas que Clarebout s’installe à Saint-Georges-sur-l’Aa. Ajoutons encore que de nombreux camions assureraient le transport de la matière première et des produits finis. C’est probablement plus de 500 navettes quotidiennes que les petites routes de campagne devraient supporter sans oublier les risques liés à la circulation de ces gros véhicules. »

30 ou 40 milliards pour le réindustrialisation ?

Le plan de relance devrait consacrer des sommes importantes à la réindustrialisation du pays. Mais on n’a pas bien compris le calcul final du gouvernement. Initialement, 40 milliards devaient être consacrés à l’affaire, dont 20 milliards de baisses d’impôts sur la production. Entre-temps, on est passé à 10 milliards de baisse seulement. Cela signifie-t-il que seuls 30 milliards iront à la réindustrialisation ? Il faudra suivre de près ce point dans le désormais fameux (et déjà controversé) plan de relance.

L’aversion française aux usines

La résistance que Clarebout Potatoes rencontre dans son installation en France augure mal de la suite des opérations pour Emmanuel Macron. Car, sur le papier, tout le monde est favorable à des créations d’emplois et à une souveraineté industrielle (entendez par là : à l’installation en France d’usines qui permettent de produire sans dépendance extérieure). Mais c’est la réalisation qui pèche : il faut trouver des sites d’installation, avec un voisinage qui accepte cette arrivée. Ou alors installer le site loin des habitations, ce qui oblige les ouvriers à utiliser la voiture pour se rendre au travail. Et là encore, les conséquences écologiques sont très discutables. 

Sur le fond, l’ère des grandes usines en France est clôturée depuis les années 80, et la forte sensibilité écologique qui domine dans l’opinion, surtout dans l’opinion du « monde d’après », n’est pas prête d’inverser le mouvement. Autant dire que la désindustrialisation est un phénomène assumé par les Français. Il a préfiguré une décroissance à la française. 

Réindustrialisation et écologie : l’injonction paradoxale

Ce qui n’est pas clairement dit, ni formalisé, par les pouvoirs publics, c’est l’injonction paradoxale qu’il y a à vouloir opérer une transition écologique, tout en développant une capacité industrielle sur le territoire. Car réindustrialiser c’est forcément polluer.

On le voit dans le cas de l’usine Clarebout : si la production ne génère pas forcément de gaz à effet de serre, elle entraîne du bruit, de la circulation routière, de l’agitation, et parfois d’autres externalités indésirables, comme des odeurs ou des déjections. Pour la « qualité de vie », le « bien-être », et autres valeurs à la mode, l’usine est donc l’ennemie à combattre, réchauffement climatique ou pas.

Prétendre que l’on peut à la fois réindustrialiser et assurer une transition écologique relève donc largement du blabla électoraliste et du populisme bobo. En vérité, personne ne sait quelle consistance donner au concept fumeux de « réindustrialisation par l’écologie ».

Le mythe de la réindustrialisation par l’écologie

Conscients de l’injonction paradoxale dont ils sont porteurs, les bobos propagent désormais le mythe d’une réindustrialisation par l’écologie. Les crânes de gauche se grattent pour donner corps au concept. On trouvera un bel exemple de cet exercice de science-fiction dans Alternatives Économiques.  Au fond, il s’agirait de refaire comme à l’époque du capitalisme industriel, mais sans polluer. 

Une thématique marxiste

On lire dans les Cahiers du socialisme une contribution de 2012 sur la réindustrialisation par l’écologie. Ce concept a influencé des gens comme Barbara Pompili, ministre récemment admise au gouvernement, qui fut écologiste en son temps. Rien n’exclut donc que la France ne passe de la théorie à l’essai pratique. On demande à voir.

Une expérimentation avec l’argent du contribuable ?

Jusqu’ici, la réindustrialisation par l’écologie n’a été tentée nulle part. On s’amusera de voir que l’Allemagne, par exemple, est encore de plein-pied dans l’ère du charbon et cherche à négocier des permis de polluer auprès de ses partenaires en échange d’aides financières. La France semble donc disposée à parier des sommes colossales dans des expérimentations dont personne ne semble maîtriser les contours, ni le contenu. À moins, bien entendu, qu’il ne s’agisse d’une manière simple d’amuser la galerie pour préserver des activités que les fonctionnaires comprennent : le fret ferroviaire, les usines à paracétamol qu’on avait externalisées en Inde ou en Chine faute de conditions favorables en France pour les maintenir (comme si ces conditions avaient pu s’améliorer depuis 20 ans). 

Dans cette hypothèse, vraisemblable, le plan de relance servira seulement à zombifier un peu plus l’économie française. Mais c’est pas grave : c’est l’État qui paie. 


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