La France, puissance spatiale déchue à cause de la République des copains de Macron, par Veerle Daens

La France, puissance spatiale déchue à cause de la République des copains de Macron, par Veerle Daens


Partager cet article

C’est l’histoire d’un naufrage industriel maquillé en réussite politique, une fable moderne où l’incompétence est protégée par l’entre-soi. Alors que l’Allemagne annonce un investissement militaire colossal de 35 milliards d’euros pour militariser son espace et soutenir ses propres champions, la France contemple les ruines de son leadership spatial.

Comment le pays d’Ariane a-t-il pu se faire doubler par son voisin et humilier par SpaceX ? La réponse tient en deux mots, emblématiques du mal français : "connivence de la caste".

Car si Stéphane Israël (ancien patron d'Arianespace, et principal rouage de notre déclassement spatial) a pu régner pendant plus d'une décennie sur Arianespace (2013-2024) tout en accumulant les erreurs stratégiques, c’est moins grâce à ses talents de visionnaire qu’à son carnet d’adresses. S'il a précédé d'un an (rien... et beaucoup à la fois) Emmanuel Macron dans cette école de la reproduction sociale et des petits arrangements entre amis, il incarne jusqu’à la caricature cette « République des copains » où la fidélité au clan prime sur la réalité du marché.

D'ailleurs, Emmanuel Macron ne lui a-t-il pas décerné la Légion d'Honneur dès 2019 ? Et nous le savons tous, la Légion d'Honner, ordre créé par Bonaparte pour célébrer la bravoure militaire au service de la Nation, s'est transformée, au fil du temps, en temple du copinage le plus veule, le plus servile, le plus sordide, qu'il soit donné à un régime finissant.

L’aveuglement subventionné

Pendant que Musk réinventait la physique économique du secteur avec des fusées réutilisables, que disait notre élite d’État ? Stéphane Israël qualifiait la réutilisation de « rêve » et affirmait doctement en 2018 que ce n’était « pas la bonne solution » pour l’Europe, préférant le confort des subventions publiques et des commandes institutionnelles garanties. 

Dans un marché libre, un PDG qui rate le plus grand virage technologique de son industrie est remercié par ses actionnaires. En Macronie, il est maintenu en poste. Cette impunité managériale a coûté cher : elle a conduit au « gap » capacitaire actuel, laissant l’Europe sans fusée pour lancer ses propres satellites Galileo, obligée de quémander des tirs à... SpaceX. 

Le pantouflage comme porte de sortie

L'ironie atteint son paroxysme avec l'épilogue de cette gestion désastreuse. Après avoir chanté les louanges de la « souveraineté européenne » et réclamé toujours plus d'argent au contribuable pour combler les retards d'Ariane 6, où atterrit Stéphane Israël ? Chez Amazon. 

L'ancien chantre du patriotisme économique part diriger le cloud souverain d'AWS, filiale du géant américain qui, avec sa constellation Kuiper, est le concurrent direct des projets européens. C'est la signature finale de cette caste de hauts fonctionnaires : ils privatisent leurs profits de carrière et socialisent les pertes industrielles de la nation.

Pendant que la France joue aux chaises musicales entre l'ENA et les GAFAM, l'Allemagne, plus pragmatique, finance massivement son écosystème privé (Isar Aerospace, RFA) et s'arme pour le futur. La France n'a pas perdu la bataille de l'espace par manque d'ingénieurs, mais par excès de technocrates protégés par le Château.


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
Gaza : l'hiver accable davantage les habitants livrés à eux-mêmes
Photo by Wanman uthmaniyyah / Unsplash

Gaza : l'hiver accable davantage les habitants livrés à eux-mêmes

À Gaza, l'arrivée de l'hiver transforme la survie en calvaire. Les fortes pluies inondent des camps de déplacés où s'entassent près de 1,7 million de personnes. Derrière cette crise humanitaire, un mécanisme implacable se révèle : la famine devient un instrument politique dans un conflit qui ne dit plus son nom, sinon celui d’une tutelle forcée. Le constat des agences onusiennes est sans appel : la détresse à Gaza n'est pas une simple tragédie collatérale, mais le résultat d'un contrôle délibér


Lalaina Andriamparany

Lalaina Andriamparany

Guide de survie du gouvernement : l'orchestration de la peur pour mieux gouverner

Guide de survie du gouvernement : l'orchestration de la peur pour mieux gouverner

Le gouvernement publie un nouveau « guide pratique » pour préparer les citoyens aux crises. Ce "Guide pratique pour se préparer aux situations de crise" n'est pas un manuel de survie citoyenne, mais un outil de propagande de plus, détournant l'attention des véritables urgences économiques et sociales. Le gouvernement Macron vient de publier un énième "guide pratique pour se préparer aux situations de crise". Risques naturels, technologiques, cyberattaques, terrorisme... le catalogue des mena


Lalaina Andriamparany

Lalaina Andriamparany

Banque Populaire : Maigret au guichet et les voleurs gris, par Veerle Daens

Banque Populaire : Maigret au guichet et les voleurs gris, par Veerle Daens

Derrière les vitres fumées du siège de la Banque Populaire Rives de Paris s'est joué un drame bureaucratique d'une banalité effrayante. Pas de braquage, pas de gangsters en traction avant, mais un vol feutré, commis par des algorithmes et validé par des hommes en costume gris. La nouvelle est tombée comme un rapport d'autopsie : la DGCCRF a infligé une amende de 2,5 millions d'euros à la banque. Le motif ? Des « pratiques commerciales trompeuses ». En français courant : du vol. La banque a


CDS

CDS

Le mirage multipolaire : quand la réalité brise les rêves de l'Occident, par Thibault de Varenne

Le mirage multipolaire : quand la réalité brise les rêves de l'Occident, par Thibault de Varenne

Il est des lectures qui agissent comme un acide sur le vernis de nos illusions. Dans le confort ouaté des ministères parisiens, où l'on se berce encore de la "puissance d'équilibre" et de l'autonomie stratégique européenne, la récente recension par le Financial Times de l'ouvrage de Neil Shearing, The Fractured Age, devrait résonner comme un tocsin. Mais il est à craindre que ceux qui nous gouvernent préfèrent, comme à l'accoutumée, détourner le regard. Neil Shearing, économiste en chef ch


Rédaction

Rédaction