La BCE collabore avec 70 entreprises pour contrer Visa et Mastercard

La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé la création d’une « plateforme d’innovation » pour établir une collaboration avec environ 70 acteurs européens dans le cadre de la mise en œuvre du projet d’euro numérique. Les nouveaux partenaires incluent des universités, des banques et quelques startups. L’objectif est d’étudier ensemble les manières de réaliser les transactions automatiquement.

La Banque centrale européenne (BCE) lance une plateforme d’innovation avec 70 entreprises pour expérimenter l’euro numérique. Alors que l’Union européenne cherche à affirmer sa souveraineté monétaire, le choix entre une approche blockchain ouverte ou un modèle centralisé reste en suspens.
Pour une souveraineté financière face à Visa et Mastercard
La BCE a récemment dévoilé la mise en place d’une « plateforme d’innovation » réunissant 70 partenaires européens pour explorer les cas d’usage de l’euro numérique. Ce projet n’est pas un lancement officiel, mais une phase de tests techniques et fonctionnels, centrée sur des scénarios comme les paiements conditionnels — des transactions exécutées automatiquement une fois certaines conditions remplies (par exemple, la livraison d’un colis).
Cette plateforme comprend des acteurs tels que KPMG, des universités, quelques banques et de nombreuses startups. Fait notable, aucun grand nom du monde des crypto-monnaies n’apparaît dans la liste des participants, ce qui suscite des interrogations sur l’orientation technologique du projet.
La plateforme va étudier la mise en œuvre des paiements conditionnels en euro numérique sur le plan technique. Autrement dit, ils vont déterminer comment s’assurer que les transactions s’effectuent automatiquement lorsque des conditions prédéfinies sont remplies. Les nouveaux partenaires de la BCE étudieront également la manière d’utiliser l’euro numérique pour les paiements quotidiens.
Les travaux sont encore à leurs débuts. Pourtant, le membre du directoire de la BCE, Piero Cipollone, a déclaré en avril dernier qu’on approche de « la fin de la phase de préparation ». De plus, il faudra attendre le feu vert final du Parlement européen et du Conseil.
Cipollone estime que l’euro numérique est la clé de la souveraineté monétaire de l’Europe. La BCE justifie l’euro numérique par la nécessité de réduire la dépendance européenne aux infrastructures étrangères, notamment Visa et Mastercard, qui dominent les systèmes de paiement. Un enjeu géopolitique majeur, alors que les tensions commerciales pourraient, selon Cipollone, faire des paiements un « point de négociation » dans un monde fragmenté.
Cipollone compte beaucoup sur cette plateforme pour faire avancer les choses.
« L’ampleur et la créativité des propositions soulignent le potentiel de l’euro numérique en tant que catalyseur de l’innovation financière en Europe, y compris le développement de nouvelles solutions qui améliorent encore l’expérience de paiement des Européens et créent des opportunités de marché »,
a-t-il ajouté. Pourtant, malgré ces promesses, le projet en est encore à une phase exploratoire, après plusieurs années de débats.
La décision finale appartiendra au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne, qui devront se prononcer sur la suite du projet.
Face aux stablecoins en dollars, l’Europe cherche sa voie
En Europe, les espèces restent le moyen de paiement le plus utilisé. Pour Cipollone, l’idée n’est pas de les éliminer définitivement. En revanche, il pense qu’il est temps d’innover l’Eurosystème en lançant l’euro numérique. Mais la mise en place de ce nouveau système de paiement est devenue une source de débat. La question est : pourquoi ne pas opter pour les stablecoins ?

Aujourd’hui, le marché des stablecoins est largement dominé par les USDt (Tether) et USDC (Circle), avec une adoption quasi inexistante des stablecoins en euros. Alors que les États-Unis bénéficient de cette domination dans le contexte d’un dollar fort, l’Europe n’a pas su imposer sa propre monnaie numérique stable.
La BCE est donc confrontée à un dilemme :
- Une approche « crypto-native » : un jeton sur blockchain publique, émis par la BCE, avec des fonctionnalités de contrats intelligents. Cette option, inspirée de Tether, permettrait une intégration transparente avec l’écosystème crypto tout en conservant un rôle central pour la BCE.
- Un système centralisé « à la chinoise » : sans blockchain, opaque et contrôlé par la BCE. Efficace techniquement, mais peu attractif pour les utilisateurs habitués à la transparence des cryptomonnaies
Pour réussir, l’euro numérique doit convaincre à la fois les citoyens et les marchés. Un jeton émis par la BCE bénéficierait d’une crédibilité supérieure à celle des stablecoins privés, mais son succès dépendra de sa facilité d’utilisation et de son interopérabilité. En parallèle, des acteurs comme BlackRock (700 millions de dollars investis récemment) ou Dao5 (levée de 220 millions) rappellent que le secteur privé reste un concurrent sérieux.
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