Guerre en Ukraine : comment la crise alimentaire va venir partout dans le monde ?

Guerre en Ukraine : comment la crise alimentaire va venir partout dans le monde ?


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À cause de l’invasion russe, l’Ukraine connait actuellement une baisse spectaculaire des récoltes, ce qui fait craindre une crise alimentaire à l’échelle mondiale, et ce pour de multiples raisons. Cette crise alimentaire va venir partout dans le monde, la famine menace de nombreux pays du monde et elle va toucher les plus vulnérables. Le Directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM), David Beasley, a déclaré mercredi 30 mars au Conseil de sécurité des Nations Unies que ce conflit pourrait engendrer la pire crise alimentaire mondiale depuis la Seconde Guerre mondiale.

Si les sanctions occidentales imposées contre Moscou continuent, le président Poutine avait déjà mis en garde que la Russie ne pourrait plus exporter d’engrais en déclarant : “cela entraînera des conséquences sérieuses (…) pour le secteur alimentaire dans l’ensemble, la hausse de l’inflation sera inévitable”.

Risques de pénuries de blé, de maïs et de tournesol

Considérée comme le « grenier du monde », l’Ukraine est actuellement confrontée à des difficultés sans précédent pour semer, récolter et exporter du blé et d’autres produits.

Pour rappel, l’Ukraine et la Russie comptent parmi les cinq premiers pays exportateurs mondiaux de blé, d’orge, de maïs et de tournesol. Mais le conflit qui les oppose a généré une forte perturbation au niveau de la production et de l’exportation.

Outre l’arrêt de la majorité des exportations ukrainiennes et russes, les hostilités devront avoir une incidence majeure sur la saison des semences en Ukraine, qui devrait commencer prochainement. Notez que la plantation du maïs et du tournesol a lieu au printemps.

Avec cette guerre, les agriculteurs ukrainiens sont confrontés à de nombreux problèmes. Ces derniers, notamment ceux qui se résident dans le nord et à l’est du pays, ne rejoignent plus les champs. D’autres ne peuvent plus utiliser leurs terres puisqu’elles sont occupées par des chars et des véhicules militaires… Selon certains témoignages, les soldats russes occuperaient ces fermes et emporteraient toute la nourriture et tout le matériel.

Quant aux agriculteurs dans les zones plus calmes, ils font face à des soucis encore plus importants qui pourraient faire baisser les rendements selon l’Ukrainian Agribusiness Club ou UCAB. On cite entre autres le manque d’engrais, le manque ou pénurie de carburant pour les véhicules agricoles, le manque de semences et de produits phytosanitaires.

A noter que la Russie fournit 30% des besoins en engrais azotés de l’Union européenne, elle pourrait aussi bloquer les importations. Le ministère russe de l’Industrie a déjà effectué une requête à ce sujet auprès de ses producteurs d’engrais. Le ministère russe de l’Industrie a déjà demandé la suspension d’exportations d’engrais.

Par ailleurs, l’UCAB estime qu’un tiers des terrains dédiés à la plantation de maïs et de tournesol ne seront pas utilisés. Tout cela va évidemment engendrer une baisse des récoltes. Pour le blé, les blés plantés en automne sont prêts à la moisson. Malheureusement, 40% de la récolte se trouve dans des zones de combat. Si les combats se poursuivent, il sera impossible de les collecter.

Selon l’UCAB, les agriculteurs ukrainiens ne pourront plus obtenir que 19 millions de tonnes de céréales au lieu de 32 millions de tonnes. Cette baisse de production aura un impact évident sur l’approvisionnement en blé, maïs et tournesol dans le monde.

Selon les estimations, 30% du blé et 20% du maïs dans les marchés mondiaux proviennent de l’Ukraine et de la Russie. Mais depuis le début des hostilités, le système d’exportation des produits est perturbé.

Des millions de tonnes de céréales sont bloqués en Ukraine, puisque les navires ne peuvent plus quitter le port. Les assureurs exigent des frais exorbitants, en raison des risques liés à la guerre. Pour rappel, nombreux sont les navires touchés par les tirs russes. De plus, en guise de riposte aux sanctions internationales, la Russie a aussi décidé de suspendre les exportations de céréales.

Avec la fermeture des ports et des sanctions, selon le PAM, environ 13,5 tonnes de blé et 16 millions de tonnes de maïs sont bloquées en Russie et en Ukraine. Cela représente respectivement 23 % et 43 % de leurs exportations pour la période 2021 – 2022.

Selon le PAM, avant l’invasion de l’Ukraine, 44 millions d’individus dans le monde étaient menacés par la famine. Suite à cette guerre, le nombre de personnes affamées va sans doute augmenter.

Les prix des céréales en forte hausse

Les producteurs agricoles en Ukraine ne sont pas les seuls à supporter les conséquences de la guerre en Ukraine. Avec la baisse de rendements et la difficulté d’exporter les récoltes, la sécurité alimentaire mondiale est fortement menacée d’après le président du Conseil agricole ukrainien, Andrii Dykun.

En effet, non seulement le risque de pénurie de céréales existe, mais l’inflation est aussi inévitable. Il ne faut pas oublier que la pandémie a déjà provoqué une hausse du prix des grains. Il va donc continuer augmenter si le conflit perdure, puisque les chaînes d’approvisionnement seront rompues pendant des mois.

Depuis cette guerre, selon l’indice des prix alimentaires de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), les prix mondiaux du blé ont connu une hausse de 21 %; l’orge, de 33 %; et certains engrais, jusqu’à 40 %. Le prix de l’huile de cuisson a augmenté de 36 % au Yémen et de 39 % en Syrie. Le prix de la farine de blé a connu une hausse de 47 % au Liban, de 15 % en Libye et de 14 % en Palestine.

Pour le PAM qui nourrit des millions de personnes, la tâche s’annonce difficile. Il sera obligé de trouver d’autres fournisseurs. Or, cela va générer des coûts supplémentaires et il sera difficile de trouver les ressources nécessaires.

Suite à la hausse des prix, le PAM a déjà été contraint de réduire les rations. Cela signifie que des millions d’enfants affamés dans le monde n’auront plus droit à un bol de céréales par jour.

Pour David Beasly, si le conflit en Ukraine continue, « le monde paiera un prix élevé ». Il a déclaré devant Conseil de sécurité de l’ONU « la dernière chose que nous voulons faire au PAM est de prendre de la nourriture à des enfants affamés pour la donner à d’autres enfants affamés. »

Les pays menacés par cette crise alimentaire

Les premières victimes de cette crise alimentaire sont d’abord les ukrainiens. Suite à la baisse de production, 45% d’entre eux ont peur de faire face à la famine selon le PAM. Par ailleurs, cet organisme des Nations-Unis prévoit d’envoyer des vivres pour venir en aide aux 3 millions d’Ukrainiens qui ont choisi de rester dans le pays.

Mais cette crise alimentaire va aussi s’étendre dans d’autres pays du monde. Il faut citer en premier lieu les régions du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. La Russie et l’Ukraine sont leurs principaux fournisseurs de grains.

En 2021 par exemple, les deux pays ont fourni 81 % des importations de blé de l’Égypte. La situation est aussi délicate pour le Liban et la Libye puisque l’Ukraine assure 50% de leur approvisionnement en blé.

Il ne faut pas oublier l’Afghanistan, la Syrie, l’Ethiopie et le Yémen. Notons que ces pays sont déjà fragilisés par des conflits internes et ils présentent un taux de pauvreté élevé. Hormis les 40 pays où le PAM intervient, l’Europe ne sera pas à l’abri de cette crise alimentaire découlant du conflit entre l’Ukraine et la Russie.

La sécurité alimentaire mondiale est menacée, et les pays les moins développés seront les plus affectés.

L’ONU avertit que “le risque de troubles civils, de pénuries alimentaires et de récessions induites par l’inflation ne peut être écarté, en particulier compte tenu de la fragilité de l’économie mondiale et du monde en développement à la suite de la pandémie de COVID-19”.

L’Organisation maritime internationale (OMI) des Nations unies demande la mise en place de « couloirs bleus » afin de permettre aux navires transportant les céréales de quitter la mer Noire en toute sécurité.

En France, pour aider les secteurs touchés par la guerre en Ukraine, comme le secteur agricole, le gouvernement  a déjà prévu un plan de résilience économique. Certains pays comme l’Espagne, les Pays-Bas et l’Allemagne dépendent des productions de céréales ukrainienne et russe. Pour les autres membres de l’Union européenne, la pénurie d’engrais est une menace constante, qui risque de faire baisser drastiquement les récoltes impactant sur son prix.


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