Chapeau bas. Il faut savoir reconnaître le génie politique, même lorsqu’il se manifeste sous sa forme la plus cynique et prédatrice. L’Assemblée Nationale vient de nous offrir une leçon magistrale sur la survie en milieu étatique : pour maintenir le système à flot, il faut identifier les victimes les plus dociles et les pressurer sans merci. Et dans la France d'aujourd'hui, cette victime est toute désignée : une jeunesse avachie (pour paraphraser Eric Verhaeghe !), anesthésiée et délicieusement conformiste.

Félicitations, donc, à la caste dirigeante pour cette démonstration éclatante d'intelligence stratégique. Les dernières mesures budgétaires ne sont pas des accidents, mais l'application méthodique d'un clientélisme parfaitement rodé.
Le maintien de l'abattement de 10% sur les revenus des retraités est un coup de maître. Pourquoi s'en priver ? Le retraité vote. Il est organisé. Il défend son pré carré avec la vigilance de celui qui sait que l'argent public est une manne à capter. Surtout, cette génération est l'architecte de l'endettement colossal qui hypothèque notre avenir. Elle a joui sans entrave d'un État-providence financé à crédit. Il serait politiquement suicidaire de demander aujourd'hui aux principaux bénéficiaires de la dette de passer à la caisse. L'instinct de conservation de la gérontocratie est admirablement efficace.

Mais la dette est là, et il faut bien que quelqu'un paie. C'est ici que le talent de la caste éclate véritablement. S'attaquer aux jeunes n'est pas seulement facile, c'est stratégiquement brillant.

La suppression des exonérations de cotisations patronales sur les apprentis est l'impôt parfait. Il frappe ceux qui débutent, ceux qui n'ont pas de voix, ceux qui incarnent l'effort et la formation. C'est le racket à la source de la productivité future. Pour parfaire le tableau, on majore les cotisations sur les ruptures conventionnelles, rigidifiant encore le marché du travail pour protéger les insiders (les plus âgés) et compliquer la vie des outsiders (les plus jeunes). Cohérent. Implacable.
Mais le véritable chef-d'œuvre réside dans la parfaite compréhension de la psychologie de la jeunesse française. Nos élites ont observé avec délice cet avachissement collectif, qu'elles ont largement modelé par une décérébration progressive mais sans relâche de l'éducation, et en particulier de l'Education Nationale. Elles ont fabriqué une génération biberonnée à l'idéologie de la résignation, parfaitement apolitique sur les questions économiques, et d'un conformisme moutonnier qui force le respect.

Cette jeunesse mérite, en un sens, le sort qui lui est réservé. Elle a déserté le champ de bataille de la liberté individuelle. Occupée à réclamer toujours plus d'État – plus de normes, plus de "protection", plus de subventions – elle ne réalise pas qu'elle applaudit la spoliation légale dont elle est la victime directe. On peut tondre un mouton qui regarde ailleurs. On peut surtout tondre un mouton qui ne comprend même pas qu'il possède de la laine.

En tant que libertarienne, je ne peux qu'admirer la mécanique de l'État dans ce qu'elle a de plus prédateur. Il ne s'agit pas de morale, mais de pouvoir. Le pouvoir a compris que la dette publique n'est pas un problème économique, mais un outil fantastique d'asservissement intergénérationnel.
Alors, bravo à la caste et à sa clientèle argentée. Vous avez réussi le casse du siècle : la captation de l'avenir. Vous avez su exploiter avec brio l'apathie d'une jeunesse qui a renoncé à être libre avant même de l'avoir connue. Le troupeau est docile, la tonte sera abondante.

