Economie : Marine Le Pen et Mélenchon, même combat ?

Marine Le Pen est intervenue hier matin sur France Inter pour réagir à l'actualité et expliquer une partie de son programme. Dans le domaine économique, elle a répété qu'elle était pour le remboursement de la dette, mais sans austérité, simplement par le recours à des investissements publics qui créeraient de l'emploi et de la croissance. Ce programme, qui rappelle étrangement celui de Jean-Luc Mélenchon, prévoit toujours le retour à la retraite à 60 ans. La présidente du Rassemblement National promet qu'il n'y aura pas d'austérité ni de hausse d'impôts, à la différence de Jean-Luc Mélenchon. C'est leur seul vrai point de discorde, ce qui pose la question de la lucidité de Marine Le Pen elle-même sur le manque de sérieux des propositions qu'elle formule.
.@MLP_officiel, sur le remboursement de la dette : "Quand vous expliquez à vos créanciers que vous n’allez pas les rembourser, c’est difficile d’aller leur redemander un prêt derrière (…) [Les conséquences] pourraient être une hausse des taux d’intérêt" #le79Inter pic.twitter.com/mOfq8r8v0B
— France Inter (@franceinter) March 23, 2021
Le programme économique de Marine Le Pen répond-il aux critères minimum de ce qu’on appelle couramment un programme économique ? C’est-à-dire vise-t-il à formuler des propositions applicables dans la réalité avec un minimum de cohérence opposable à un tiers, ou bien se réduit-il à une pirouette et quelques slogans par avance impraticables en cas d’accession au pouvoir ?
En écoutant les propos de la présidente du Rassemblement National sur France Inter, on a forcément été pris d’un doute… et pas d’un petit…
Marine Le Pen et la tentation maduriste
On se souvient que Marine Le Pen a publié une tribune, courant février, plaidant en faveur du remboursement de la dette. Cette position qui se voulait réaliste, a surpris.
Elle mérite de fait d’être expliquée, et les détails donnés hier sur France Inter n’ont pas rassuré. La présidente du RN a confirmé qu’elle rembourserait la dette sans austérité, sans toucher aux retraites, simplement en augmentant les dépenses publiques.
On se rappelle ici le texte de sa tribune :
Ceci implique des investissements de long terme dans les infrastructures, les technologies clés, les secteurs de souveraineté industrielle, l’aménagement du territoire, la transition énergétique et environnementale. Leur financement sera vertueux, avec de la bonne dette et de vrais fonds propres. Le contraire d’une politique d’austérité mais avec une réelle maîtrise budgétaire dans la durée. Des investissements qui permettent des retombées économiques et sociales, des externalités positives, au bénéfice du bien commun mais aussi une lutte déterminée contre toutes les sortes de fraudes qui nuisent aux honnêtes citoyens.
Une lecture factuelle de cette tribune lunaire permet de comprendre que, pour les économistes du Rassemblement National, des « investissements de long terme », financés « avec de la bonne dette et de vrais fonds propres » permettront de rembourser la dette sans politique d’austérité. C’est tout juste s’ils concèdent une « réelle maîtrise budgétaire dans la durée », expression dont chacun aimerait comprendre la signification exacte, et la différence avec « l’austérité ».
La grande prouesse consiste évidemment à soutenir que des investissements de long terme auront des effets suffisamment rapides pour rembourser la « mauvaise » dette sans effort. Il est assez curieux que Marine Le Pen ne détecte pas spontanément qu’il y a là un point de faiblesse qui va se révéler problématique dans sa campagne électorale.
La croyance maduriste dans l’investissement public
Au-delà de ces invraisemblances structurelles (qu’un Mélenchon règle en annonçant d’ores et déjà des hausses d’impôt), c’est la croyance dans les vertus économiques de l’investissement public qui intrigue. Marine Le Pen soutient, dans une veine très mélenchonienne, que l’ultralibéralisme a régné en Europe et en France ces dernières années, et que la solution au problème consiste à relancer les dépenses publiques.
Mais enfin, le poids de la dépense publique en France depuis vingt-cinq ans « d’ultralibéralisme » n’a cessé d’augmenter, au même rythme que la bureaucratie et que la dette. La solution consiste-t-elle à en redemander ?
On comprend bien ici que tous les grands mots sur la souveraineté ne visent pas à relever le pays, mais à éviter les efforts et à prolonger l’illusion maduriste selon laquelle on peut surmonter une crise sans « austérité ». Et l’on comprend bien que le discours de Marine Le Pen ne se demande pas vraiment si des investissements de long terme vont réellement permettre de créer de l’emploi en France. Il cherche seulement à faire croire à des électeurs qu’on ne veut pas fâcher qu’il sera possible de vivre endettés aussi facilement qu’avant. Surtout ! votez pour moi, je rase gratis !
Le RN anti-communiste est bien mort
Reste que ce réflexe étatiste qui habite Marine Le Pen paraît un contre-sens absolu avec ce que fut l’épine dorsale du Front National à sa création. Beaucoup se souviennent encore des défilés de Jean-Marie Le Pen dans Paris, après l’attaque d’un avion sud-coréen par des avions soviétiques, aux mots de « communistes, assassins ». Cette époque-là est bien finie.
Désormais, la doctrine du Rassemblement National n’a rien à envier à l’étatisme soviétique d’un Mélenchon, que nous avons récemment détaillé. Le drame de cette affaire est probablement que Marine Le Pen ne l’a ni vu ni compris.
Dans la course à la présidentielle, cette profonde errance intellectuelle d’une candidate déjà taclée pour ses insuffisances face à Emmanuel Macron risque de coûter très cher.

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