Coûts de l’énergie : le prix de la liberté ou de l’incompétence ? – par Jean-Frédéric Poisson

Coûts de l’énergie : le prix de la liberté ou de l’incompétence ? – par Jean-Frédéric Poisson


Partager cet article

Le président Macron nous fait-il payer le prix de la liberté de l'Ukraine ou bien celui de son incompétence. Entre factures de Gazprom non réglées et montée du prix de l'énergie partout dans le monde, le président français n'avait rien anticipé - ou bien il a voulu endormir les Français de belles paroles. Dans tous les cas, préparons-nous à un hiver de tous les dangers. Jean-Frédéric Poisson, président de VIA/La voix du peuple, nous aide à analyser lucidement le désastre qui vient. Un Français averti en vaut deux.

Gazprom suspend ses livraisons de gaz à la France pour factures non réglées

Nous y sommes : mardi 30 août dernier, le russe Gazprom a déclaré qu’il suspendrait complètement ses livraisons à la France pour « sommes financières dues[1] ». Comment en sommes-nous arrivés là ? En juin dernier, Emmanuel Macron nous assurait qu’il n’y aurait aucun risque de coupure d’électricité l’hiver prochain : « quand il y a des besoins, on s’approvisionne sur le marché européen[2] » expliquait-il. Le marché européen ne semblait pourtant pas en si bonne forme et certains prévoyaient déjà le pire. Mais qu’importe : les Français étaient rassurés pour un temps… Un mois plus tard, notre président prenait la parole au cours de la fête nationale. Il annonçait un plan de sobriété énergétique et demandait aux Français de fournir des efforts sur leur consommation devant l’urgence de la situation. Au même moment, Ben van Beurden, patron du groupe pétrolier britannico-néerlandais Shell intervenait pour annoncer une nouvelle hausse des coûts énergétiques et un « hiver difficile »[3] pour l’Europe. Aujourd’hui, tout se confirme : le marché européen ne sera pas approvisionné correctement et le risque de coupures d’électricité pendant l’hiver est bien réel. Gouverner, c’est prévoir, et surtout prévoir le pire ! Emmanuel Macron n’avait rien anticipé ou bien il a préféré ignorer le risque.

L’habituel manque de clairvoyance du Président de la République

Certes, nous sommes accoutumés à ce manque de clairvoyance venant de notre chef de l’État : en mars 2020, lors d’une représentation de théâtre, Emmanuel Macron invitait ses concitoyens à ne pas changer « leurs habitudes de sortie » avant de les confiner brutalement. Il nous a ainsi montré son incapacité à anticiper l’avenir (ou sa capacité à abuser de la confiance des Français). De fait, le précédent quinquennat est gorgé de ces sorties contradictoires consistant à rassurer les populations peu de temps avant de confirmer leurs pires craintes. Il n’y a aucune raison pour que ce nouveau quinquennat change les règles du jeu.

Aujourd’hui, plus de la moitié du parc nucléaire français est désormais à l’arrêt. Conséquences de quoi, des mesures mortifiantes sont annoncées pour tous les Français afin d’économiser l’énergie et payer « le prix de la liberté[4] ». C’est avec leur argent et en modifiant leurs habitudes qu’ils satisferont les délires bellicistes de notre président contre la Russie avec qui nous entretenions pourtant, avant la guerre, de fortes relations de dépendance énergétique. Lorsque l’on est dans cette situation de dépendance, il semble nécessaire de ménager son partenaire commercial. Mais il semble qu’Emmanuel Macron n’ait pas, non plus, pensé aux répercussions au moment de jeter de l’huile sur le feu du conflit russo-ukrainien lorsqu’il a livré des armes et de l’argent au président Zelensky. D’aucuns pourraient penser à un conflit alimenté opportunément pour camoufler les erreurs des véritables responsables de cette crise énergétique aux premiers rangs desquels figure notre président fraîchement réélu, mais aussi les bureaucrates français et bruxellois qui imposent l’injuste tarif ARENH à EDF, privé de capitaux nécessaires pour investir depuis plus de dix ans.

Elisabeth Borne renie les promesses d’Emmanuel Macron

Pour faire face aux difficultés d’approvisionnement et aux probables restrictions à venir, le Premier ministre, Élisabeth Borne, a annoncé un plan de sobriété énergétique : ainsi a-t-elle déclaré, alors que nous imaginions que nous ne pourrions pas tomber plus bas, qu’il y aurait « certainement des hausses du prix du gaz et de l’électricité en janvier 2023 »… Elle a également réclamé une réduction de consommation aux entreprises françaises en mélangeant habilement le souci de l’approvisionnement en énergies à celui du dérèglement climatique (sujet bien différent pourtant et qui ne se poserait d’ailleurs pas en France si Emmanuel Macron avait investi à temps dans les réacteurs nucléaires qui génèrent de l’énergie verte). Dans la droite ligne de ce plan de sobriété énergétique et contrairement à ce que notre président annonçait en juin, Elisabeth Borne a annoncé que des coupures d’électricité étaient envisagées dans les foyers français par quartiers pendant moins de deux heures[5]. Cette décision, à rebours de tous les engagements du gouvernement, aurait dû provoquer l’ire de nos concitoyens. Mais dans le même temps, notre Premier ministre a tenu à « rassurer » les Français : les ménages ne seront pas concernés par d’éventuelles coupures de gaz…

Si cette promesse est de la même teneur que celle d’Emmanuel Macron assurant qu’il n’y aurait aucun risque de coupure d’électricité cet hiver ou qu’il ne recourrait ni à l’endettement ni à l’augmentation de la fiscalité pendant son nouveau quinquennat[6], nous sommes en droit d’être particulièrement inquiets pour l’avenir.

[1] « Gaz : le Russe Gazprom suspendra ‘complètement’ ses livraisons à Engie dès jeudi, du fait de ‘sommes financières dues’ pour des livraisons », Franceinfo, le 30/08/2022.

[2] « Emmanuel Macron: ‘Il n’y a aucun risque de coupure’ d’électricité l’hiver prochain », BFM TV, le 03/06/2022.

[3] « Le CEO de Shell déclare que l’Europe va être confrontée à un ‘hiver difficile’ », L’Echo, le 14/07/2022.

[4] « Quand Macron exhorte les Français à accepter de payer «le prix de la liberté» pour l’Ukraine », Le Figaro, le 23/08/2022.

[5] « Énergie : les ménages ne seront pas concernés par d’éventuelles coupures de gaz, assure Élisabeth Borne », Francebleu, le 30/08/2022.

[6] « Ni dette, ni impôts supplémentaires, vraiment ? », Atlantico, le 25/06/2022.


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
Veerle Daens : "Comment j'ai compris que je n'étais pas dans le logiciel parisien"

Veerle Daens : "Comment j'ai compris que je n'étais pas dans le logiciel parisien"

Je me souviens de ce dîner dans un hôtel particulier du VIIe, où j’avais été conviée par un ami banquier — disons Pierre, parce que tous les banquiers parisiens s’appellent Pierre. Autour de la table, des visages lissés par le Botox et l’autosatisfaction, des conversations qui glissaient sur l’art contemporain, les last-minute à Saint-Barth, et, bien sûr, les people qu’on avait croisés par hasard la veille. Moi, naïve Flamande que j’étais, j’avais cru qu’on parlait pour échanger des idées. Erreu


CDS

CDS

Abattage massif : Macron face à la coalition des bannis

Abattage massif : Macron face à la coalition des bannis

Il y a quelque chose de pourri au royaume de la technostructure. Alors que la France périphérique s'apprête à passer un Noël anxieux et souvent dans la gêne, le gouvernement, dans sa tour d'ivoire, a décidé d'offrir au peuple un spectacle sacrificiel digne des heures les plus sombres du « quoi qu'il en coûte » sanitaire : l'abattage massif, bureaucratique et froid de milliers de bovins sains. La crise de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), qui ravage nos campagnes depuis juin 2025, n'est


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Blanche Gardin: quand la critique d'Israël mène au boycott culturel

Blanche Gardin: quand la critique d'Israël mène au boycott culturel

L’humoriste Blanche Gardin affirme être boycottée par le milieu culturel français après un sketch sur Israël. Entre mise à l’écart professionnelle et menaces, son cas interroge sur la liberté d’expression dans le secteur culturel. Blanche Gardin, humoriste connue pour son style tranchant, affirme subir un boycott professionnel et des menaces depuis un sketch évoquant l’antisémitisme et le conflit israélo-palestinien présenté lors d’une soirée militante fin 2023. Son témoignage, livré dans Arrêt


Lalaina Andriamparany

Lalaina Andriamparany

Interdiction des réseaux sociaux aux mineurs: une dérive liberticide déguisée en protection, par Eric Lemaire
Photo by Julie Ricard / Unsplash

Interdiction des réseaux sociaux aux mineurs: une dérive liberticide déguisée en protection, par Eric Lemaire

Emmanuel Macron a récemment réaffirmé sa volonté d’interdire l’accès aux réseaux sociaux aux mineurs de moins de 15 ou 16 ans. L’objectif affiché est la protection des enfants face aux effets délétères des plateformes numériques : addiction, anxiété, harcèlement, exposition à des contenus violents ou sexualisés. Le raisonnement est désormais bien rodé, politiquement vendeur, et largement repris par une partie de la classe politique, à droite comme à gauche. profonde, et infiniment plus politiqu


Rédaction

Rédaction