Colonel Legrier : « Pourquoi je ne partage pas la conception américaine de la guerre »

Colonel Legrier : « Pourquoi je ne partage pas la conception américaine de la guerre »

Ancien chef de corps du 68e régiment d’artillerie d’Afrique et commandant de la Task Force Wagram en Irak au moment de la guerre en Syrie, le colonel Legrier a affronté l’état-major français, totalement acquis à la conception américaine de la guerre. Celle-ci repose largement sur des bombardements massifs et des destructions à distance, sans égard pour les populations civiles. Le colonel Legrier nous a expliqué ses divergences de vue avec cette stratégie.

Le Courrier entame une nouvelle collection de capsules dédiées à la guerre et à la France comme grande puissance, intitulée « France de toujours ». Le colonel Legrier ouvre cette séquence. Désormais à la retraite, le colonel était l’un des officiers français les plus prometteurs. Mais ses divergences de vue avec l’état-major sur la façon de mener la guerre lui ont valu une mise à l’écart très regrettable.

L’incident rappelle très opportunément que notre appartenance au commandement intégré de l’OTAN ne nous condamne pas seulement à nous « coordonner » avec l’ami américain, mais aussi à adopter ses conceptions tactiques et stratégiques. En l’espèce, l’armée américaine, qui dispose de moyens colossaux, a un mode opératoire ancien et parfaitement rôdé : ménager les hommes, et mobiliser une puissance de feu maximale pour écraser l’ennemi, au risque, en zone urbaine, de causer de nombreuses pertes civiles et de dévaster le champ de bataille.

Cette tactique permet de réduire les pertes dans la troupe, mais contribue à aliéner pour longtemps les populations locales, tout en créant un ressentiment durable contre l’occupant.

Adepte de la théorie de la contre-insurrection développée par l’officier français David Galula durant la guerre d’Algérie, le colonel Legrier a défendu à son retour d’Irak une vision diamétralement opposée de la guerre de contre-insurrection, recommandant à l’état-major français des tactiques moins destructrices pour les civils. Visiblement, la ministre Florence Parly n’a guère apprécié, à l’époque, cette différence de vue et a exercé de fortes pressions sur la Revue de la Défense Nationale pour que l’article du colonel Legrier soit retiré…

Le problème, pourtant, reste entier. Les événements récents en Syrie ont montré l’importance des ressentiments dans les populations civiles qui subissent des guerres brutales. Sans même parler de la situation à Gaza…

Ne manquez pas nos prochaines capsules destinées à alimenter la réflexion sur l’affirmation mondiale de la puissance française, que nous devons relever.