Cette discrète mais embarrassante connivence entre les mutuelles privées et la Sécu

Cette discrète mais embarrassante connivence entre les mutuelles privées et la Sécu


Partager cet article

Les mutuelles et la Sécu se tiennent-ils par la barbichette, contrairement à ce que la légende forgée dans une partie de l'opinion publique fait croire ? Beaucoup nourrissent en effet le mythe d'une armée "d'assureurs privés" qui oeuvreraient dans l'ombre pour privatiser la santé des Français, grande conquête sociale de la Libération. Ces derniers mois ont donné un regain à ce fantasme, avec une vaste campagne dénigrant un prétendu néo-libéralisme qui aurait sciemment appauvri l'hôpital public pour justifier sa privatisation. Le retour du directeur général de la FNMF, temple de l'assurance santé complémentaire, au sein de l'assurance maladie, à la demande du directeur général de celle-ci, Thomas Fatome, illustre la profonde connivence qui existe en réalité entre les organismes complémentaires et la sécurité sociale.

Les mutuelles sont-elles vraiment le loup néo-libéral affamé qui rode dans les couloirs de l’hôpital public pour le privatiser et gagner enfin des milliards sur le dos des Français malades et des assurés sociaux ? Cette image d’Epinal a repris un coup de jeune ces derniers mois au fur et à mesure du naufrage de la bureaucratie sanitaire dans la gestion du COVID.

Plus les ronds-de-cuir des ARS (et autres comités Tartempion de l’avenue de Ségur où les amis de la circulaire et du coup de tampon prolifèrent comme des lapins) plongeaient le pays dans le désarroi, plus leurs alliés étatistes ont donné de la voix pour expliquer que le problème ne venait pas d’un excès de fonctionnaires dans les bureaux, mais au contraire de leur rareté insuffisance due au saccage néo-libéral qui profite aux assureurs santé.

La réalité est pourtant très loin de ce bobard fabriqué de toutes pièces.

Mutuelles et sécurité sociale, même combat

On apprend par exemple que le père tout-puissant de l’assurance-maladie, Thomas Fatome, ancien directeur de la sécurité sociale qui a récemment remplacé Nicolas Revel devenu directeur de cabinet de Jean Castex, vient de rappeler à lui Albert Lautman, directeur général de la Fédération Nationale de la Mutualité Française (FNMF) depuis 5 ans. Car Albert Lautman est directeur de caisse de la sécurité sociale, et Fatome vient de lui demander de prendre la direction de la CPAM de l’Essonne.

Si l’on cherche un démenti à la prétendue opposition d’intérêt entre les assureurs santé et la sécurité sociale, le parcours d’Albert Lautman le fournit avec évidence. Ancien cadre de la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse (CNAV), Lautman vient de faire un aller-retour de 5 ans entre le fief de la complémentaire santé qu’est la FNMF, et la sécurité sociale.

L’objet n’est pas ici de critiquer cette connivence, mais de la constater. Non, il n’y a pas une bataille rangée entre « les assureurs privés » et la sécurité sociale. Il existe même une forte porosité entre les deux univers.

Les assureurs santé ont-ils raison de ne pas contester les règles du jeu ?

On ne reviendra pas ici sur les raisons historiques qui expliquent que la mutualité française suce chaque jour la roue de la sécurité sociale. Tout le monde sait qu’en 1944, la FNMF de l’époque n’a guère eu plus le choix d’accepter la création d’une assurance maladie qui supplantait largement l’activité de ses adhérents que la famille Renault n’a pu s’opposer à la nationalisation de son entreprise au losange. Mêmes causes, mêmes effets.

Depuis cette époque, la doctrine de la FNMF a toujours consisté à privilégier le « dialogue » avec les pouvoirs publics sans jamais chercher à imaginer un système alternatif à celui qui existe aujourd’hui. C’est la doctrine du « fine tuning » qui consiste à penser que les seules réformes à proposer sont paramétriques et non systémiques.

Quoiqu’il en soit, on n’a pas entendu une seule mutuelle remettre en cause le primat de la sécurité sociale dans le financement de la santé. L’idée selon laquelle elles seraient à l’affût pour « privatiser » à leur profit ne repose que sur un grand pouvoir d’imagination peut-être alimenté par des substances psychotropes.

La réalité est qu’il existe une connivence discrète, et efficace, entre les deux mondes : celui de l’assurance-santé et celui de l’assurance-maladie.

Cette connivence est-elle profitable à l’intérêt général ?

La guerre que certains inventent entre les « assureurs privés » et la sécurité sociale est en réalité un écran de fumée qui évite de poser la question qui fâche : les assurés sociaux tirent-ils ou non profit de la connivence réelle, constante, assumée entre sécurité sociale et assurance privée ?

On peut imaginer que, sans hésiter, les mutualistes et (peut-être moins massivement) les autres assureurs « privés » répondent oui. En réalité, tous ceux (comme l’auteur de ces lignes) qui jugent utile que cette question soit posée clairement et délibérée démocratiquement sont d’ordinaire étiquetés comme ennemis du peuple (et Dieu sait que les élites françaises ne manquent pas de sobriquet dès qu’il s’agit d’imposer la ligne du parti) et sont sommés de ne pas remettre en cause la superstition dominante.

Force est de constater que les pays qui se sont offerts, sur ce sujet, le luxe du ridicule, comme l’Allemagne dans les années 90, ont mieux soigné leurs malades du COVID sans les ruiner par une pression socio-fiscale délirante. Leur choix de réformer systémiquement leur système de santé en y introduisant la concurrence a été gagnant. Le temps viendra où, en France aussi, la question sera posée.


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
L'UE meurt plus vite avec l'Ukraine qu'avec le Frexit, par Thibault de Varenne

L'UE meurt plus vite avec l'Ukraine qu'avec le Frexit, par Thibault de Varenne

Ce 16 décembre 2025 restera sans doute gravé dans les annales de l'histoire européenne non pas comme le jour où l'Union a sauvé l'Ukraine, mais comme le moment précis où elle a décidé de sacrifier ce qui lui restait de principes fondateurs — la liberté d'expression, la sécurité juridique, et la souveraineté nationale — sur l'autel d'une guerre qu'elle ne peut plus gagner, mais qu'elle s'interdit de perdre. La machine bruxelloise, cette formidable créatrice de normes devenue une machine à broyer


Rédaction

Rédaction

Bart De Wever, agent de Poutine ou seul adulte dans la pièce? par Veerle Daens

Bart De Wever, agent de Poutine ou seul adulte dans la pièce? par Veerle Daens

Le Premier Ministre belge, Bart de Wever, a déclaré lors d'une conférence universitaire, que non seulement la Russie ne perdrait pas la guerre, mais qu'il n'était pas souhaitable qu'elle la perde. Une vraie provocation vis-à-vis de l'OTAN. Sarcasme. Réalité. Et pas un seul kopeck de subvention. Ah, Bruxelles! Ses gaufres, son Manneken Pis, et ses bureaucrates non élus qui jouent au Monopoly avec votre compte en banque. C'est la saison des fêtes, et comme cadeau, la Commission Européenne a déci


CDS

CDS

En marche vers 9 milliards d'impôts supplémentaires cette semaine...

En marche vers 9 milliards d'impôts supplémentaires cette semaine...

Ce 16 décembre 2025, alors que le Sénat vient de rendre sa copie budgétaire, une vérité crue émerge du brouillard législatif : le gouvernement va devoir extorquer 9 milliards d'euros supplémentaires aux contribuables français (vous !) avant la Saint-Sylvestre. Pourquoi? Comment? Voici l'autopsie d'un mensonge d'État et d'une faillite annoncée. Tout commence, comme souvent, par une soumission. Vous vous demandiez si l'engagement d'un déficit à 5 % pour 2026 était réel? Il est bien pire que ce


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Pourquoi nous fonçons droit vers un contrôle des changes en 2026

Pourquoi nous fonçons droit vers un contrôle des changes en 2026

Et si, comme le dit désormais tout haut le FMI, le maillon faible du système financier était devenu… le marché des changes ? Vous savez, ce discret marché mondial où s’échangent pourtant chaque jour près de 10 000 Mds $ de devises et de produits dérivés sur devises, à l’instar du barbare swap cambiste, cet instrument qui permet notamment aux multinationales, ou aux plus petits exportateurs, de gérer le risque que la volatilité des changes fait courir à leur trésorerie placée en diverses monnaie


FLORENT MACHABERT

FLORENT MACHABERT