Briefing – La réouverture de la centrale au charbon de Saint-Avold et la Grande Régression du monde occidental

Briefing – La réouverture de la centrale au charbon de Saint-Avold et la Grande Régression du monde occidental


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La réouverture de la centrale thermique au charbon de Saint-Avold devrait couvrir de ridicule le gouvernement. Le président de la "start-up nation" qui faisait la leçon à Donald Trump en parlant de "Make Our Planet Great Again" a suffisamment mal anticipé les besoins énergétiques du pays pour devoir prendre des mesures à l'opposé de ses ambitions écologiques. Rien ne dit mieux la tendance du progressisme à produire de la régression.

Quel symbole! La centrale au charbon de Saint-Avold, en Moselle, a recommencé à fonctionner. Le gouvernement et les médias qui leur servent de service de presse se sont bien gardés de le crier sur les toits. Peut-on imaginer, en effet, plus claire illustration de l’échec flagrant de la politique énergétique menée en France depuis la présidence Hollande? On nous rebat les oreilles avec la « transition énergétique », l’énergie décarbonée etc…Mais le résultat concret de l’arrêt partiel du parc de centrales nucléaires (qui produisent de l’énergie décarbonée, non?) et du manque d’investissements dans le secteur, c’est que la France est obligée de faire comme l’Allemagne: rouvrir des centrales à charbon. Le prétendu progressisme politique de la « start-up nation » nous procure un retour direct dans les années 1960. Le progressisme est régressif!  

On savourera rétrospectivement le déni de réalité du précédent gouvernement? Voici un tweet de 2020 qui ne manque pas de sel à être relu aujourd’hui. Le ministre de la « Transition écologique » de l’époque expliquait, promis-juré: 

Enfin, beaucoup de contre-vérités circulent actuellement. Il n’est aucunement question en France d’ouvrir des centrales à charbon (au contraire nous les fermons) mais bien de rééquilibrer un mix décarboné, afin de le rendre plus résilient.

— Barbara Pompili (@barbarapompili) June 30, 2020

Etre complotiste c’est… anticiper les régressions que produit le progressisme

Ah! Ces contre-vérités qui circulent! Mais deux ans plus tard, elles sont devenues réalité. En fait, on comprend que ceux qui se font traiter de menteurs ou de complotistes ont tout simplement le tort de supposer que les politiques progressistes arriveront au résultat opposé de ce qu’elles annoncent.  Notons qu’au moment où la France rouvre Saint-Avold, l’Allemagne nous montre où conduit l’obsession de la « transition écologique » combinée à la rupture des relations avec la Russie: 

Mhhhhh pic.twitter.com/4j7L6k6XoV

— Emmanuelle Ducros (@emma_ducros) November 29, 2022

Comme chacun sait, la coalition gouvernementale allemande avait expliqué à l’automne dernier qu’elle pourrait se passer des centrales à charbon dès 2030 – et non 2038 comme envisagé précédemment. Et, en pleine polémique sur le Qatar et « les valeurs », le ministre allemand de l’Economie, Robert Habeck, est content d’annoncer un accord d’approvisionnement en gaz naturel liquéfié, depuis le Qatar, pour quinze ans.  

Une revue de presse assez vintage

Le progressisme débouche sur une régression! Et l’actualité a une coloration bien vintage! Imaginez un homme parti quelques années voir s’il se trouve une exoplanète habitable et revenant sur terre. Sa revue de presse du 30 novembre au matin lui indiquerait, entre autres nouvelles, que: 

+ le Premier ministre français reprend la ritournelle de ses prédécesseurs sur le danger de l’épidémie de COVID-19  et appelle à porter le masque dans les transports. 

+ Le gouvernement français s’apprête à lancer le cinquième débat en vingt ans sur une réforme du système de retraites et tout le monde anticipe un mouvement de grève en janvier. 

+ le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, mis en examen en septembre dernier, a été auditionné sur un possible conflit d’intérêts, il y a une décennie, entre son activité de haut fonctionnaire et sa participation à des arbitrages industriels ayant pu bénéficier à l’armateur italoèsuisse MSC, dont un membre (par alliance) de sa famille est actionnaire. Le capitalisme de connivence fait des progrès!   . 

+ Pour ajouter un brin d’humour, notre spectateur revenu sur terre constatera qu’Alain Duhamel est toujours très présent à la télévision et fait plus que jamais profiter les téléspectateurs de sa profondeur de vues: 

Rencontre entre Joe Biden et Emmanuel Macron: « Les États-Unis sont de vrais amis, mais des amis égoïstes, et de vrais alliés mais des alliés dominateurs » pic.twitter.com/eImIyOFaXI

— Alain Duhamel (@AlainDuhamel) November 29, 2022

Gérontocratie+ connivence =régression

Il est vrai que le doyen du journalisme politique français a un sérieux concurrent quand il s’agit d’enfoncer des portes ouvertes. Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN (qui doit prendre la tête de la Banque Centrale de Norvège,) vient de faire une découverte stratégique majeure:

Pour le patron de l’Otan, Poutine veut utiliser l’hiver comme « une arme de guerre »https://t.co/detXydAtXV pic.twitter.com/NmQq5GrmnG

— BFMTV (@BFMTV) November 29, 2022

En réalité, cette actualité aide à mieux saisir le mal (politique) qui nous assaille. Le système de renouvellement des élites est largement bloqué par un mélange de gérontocratie et de de connivence renforcée des grands décideurs du secteur public et du secteur privé. La politique mise en place est un mélange d’incompétence, d’immobilisme et même, dans certains secteurs de régression pure et simple. Tandis que Jean Castex, quit fut l’artisan de la réforme de l’hôpital , il y a quinze ans, auprès de Nicolas Sarkozy, avant d’être Premier ministre d’Emmanuel Macron, prend la présidence de la RATP, son successeur à Matignon, Elisabeth Borne, est obligé d’agiter le retour de la menace du COVID pour camoufler la n-ième surcharge hivernale de l’hôpital public. 

Gagnants et perdants de la Grande Régression

On connaît la célèbre formule de Lampedusa dans Le Guépard: « Il faut que tout change pour que rien ne change ». En l’occurrence, les progressistes occidentaux président plutôt à une détérioration de la situation. The Economist décrit l’Europe comme un continent « congelé »:  

Il vaut la peine de lire l’article – dont nous citons ici un extrait:

« Alors même que la crise énergétique fait rage, la guerre a révélé une vulnérabilité du modèle économique européen. Un trop grand nombre d’entreprises industrielles européennes, notamment allemandes, dépendent de l’abondance d’énergie en provenance de Russie. De nombreuses entreprises sont également devenues plus dépendantes d’une autre autocratie, la Chine, en tant que marché final. La perspective d’une rupture des relations avec la Russie, d’une augmentation structurelle des coûts et d’un découplage entre l’Occident et la Chine a fait réfléchir de nombreux conseils d’administration.

Cette crainte a été amplifiée par le nationalisme économique des États-Unis, qui menace d’attirer l’activité de l’autre côté de l’Atlantique dans un tourbillon de subventions et de protectionnisme. La loi sur la réduction de l’inflation du président Joe Biden prévoit 400 milliards de dollars de subventions pour l’énergie, l’industrie manufacturière et les transports, ainsi que des dispositions relatives à la fabrication en Amérique. À bien des égards, ce dispositif ressemble aux politiques industrielles menées par la Chine depuis des décennies. Alors que les deux autres piliers de l’économie mondiale deviennent plus interventionnistes et protectionnistes, l’Europe, avec son insistance pittoresque à faire respecter les règles de libre-échange de l’Organisation mondiale du commerce, fait figure de pigeon.

Les entreprises réagissent déjà aux subventions. Northvolt, une start-up suédoise très prisée dans le domaine des batteries, a déclaré qu’elle souhaitait développer sa production en Amérique. Iberdrola, une société énergétique espagnole, investit deux fois plus en Amérique que dans l’Union européenne. De nombreux patrons avertissent que la combinaison d’une énergie chère et de subventions américaines fait courir à l’Europe le risque d’une désindustrialisation massive. basf, un géant allemand de la chimie, a récemment dévoilé ses plans pour réduire ses opérations européennes de manière « permanente ». Le fait que l’Europe vieillisse plus vite que l’Amérique n’aide pas non plus ».

L’analyse est intéressante parce qu’elle dit – le déclin accéléré de l’Europe – mais aussi parce qu’il ne dit pas: les Etats-Unis, qui furent une grande puissance industrielle, ne savent plus faire qu’une chose, désormais pour maintenir leur richesse et leur prépondérance – de plus en plus relative: aspirer les ressources des autres.  La régression est générale en Occident, ce qui n’empêche pas qu’elle fasse des gagnants et des perdants. Emmanuel Macron devrait s’en souvenir avant de faire de grands discours lors de sa visite américaine. 


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