Bien qu'elle ne soit pas obligatoire (sauf pour les salariés du secteur privé), souscrire à une complémentaire santé (souvent appelée "mutuelle") est considéré comme quasi indispensable. Est-ce bien raisonnable ?

La France bénéficie d'un système de santé de plus en plus contesté via l'Assurance Maladie (la Sécurité Sociale), qui est obligatoire pour tous les résidents. Elle couvre une part importante des frais médicaux.
Cependant, l'Assurance Maladie ne rembourse que très rarement 100 % des dépenses engagées. Le système est conçu pour fonctionner sur deux piliers : la base obligatoire et la couverture complémentaire.

Le "reste à charge" : ce que vous payez sans mutuelle
Lorsque vous engagez des frais de santé, l'Assurance Maladie rembourse un pourcentage basé sur un tarif de référence (le tarif de convention). Sans complémentaire santé, vous devez payer la différence, appelée "reste à charge". Ce reste à charge comprend principalement :
- Le ticket modérateur : c'est la part du tarif de convention non couverte par la Sécurité Sociale. Par exemple, pour une consultation médicale standard, l'Assurance Maladie rembourse 70 % ; les 30 % restants constituent le ticket modérateur.
- Les dépassements d'honoraires : de nombreux médecins (notamment les spécialistes en "secteur 2") facturent au-delà du tarif de convention. Ces dépassements ne sont jamais pris en charge par l'Assurance Maladie.
- Le forfait journalier hospitalier : en cas d'hospitalisation, un forfait (environ 20 € par jour) est facturé pour l'hébergement et les repas. Il n'est pas remboursé par la Sécurité Sociale.
- Les soins coûteux et mal remboursés : les frais dentaires (prothèses, implants, orthodontie), optiques (lunettes, lentilles) et auditifs sont très faiblement remboursés par le régime de base.


Est-ce légalement obligatoire ?
La situation dépend de votre statut professionnel :
- Pour les salariés du secteur privé : OUI, c'est obligatoire. Depuis la loi ANI de 2013, tous les employeurs du privé ont l'obligation de proposer une complémentaire santé collective à leurs salariés et de la financer à au moins 50 %. Le salarié est tenu d'y adhérer (sauf cas de dispense très spécifiques).
- Pour les autres (fonctionnaires, travailleurs indépendants, étudiants, retraités, demandeurs d'emploi) : NON, ce n'est pas une obligation légale. C'est un choix individuel, mais fortement recommandé.
Pourquoi est-ce important de bien choisir ?
Bien que facultative pour certains, se passer de complémentaire santé représente un risque financier majeur.
Le risque de l'imprévu : l'hospitalisation
C'est le risque le plus important. En cas d'accident ou de maladie soudaine, les coûts d'hospitalisation grimpent très vite.
L'Assurance Maladie couvre les frais de séjour à 80 %. Les 20 % restants peuvent représenter des sommes très importantes lors d'interventions lourdes. À cela s'ajoutent le forfait journalier et, fréquemment, les dépassements d'honoraires des chirurgiens ou anesthésistes, ainsi que les frais de confort (comme la chambre individuelle). Sans mutuelle, une hospitalisation peut coûter des milliers d'euros.
Les dépenses inévitables : dentaire et optique
Si vous portez des lunettes ou si vous avez besoin de prothèses dentaires, une mutuelle est essentielle si vous ne disposez pas d'une épargne. Le remboursement de base est si faible que le reste à charge se compte rapidement en centaines, voire en milliers d'euros.

Le cas du "100% Santé" et les aides
La réforme "100% Santé" permet un accès sans reste à charge à certains équipements spécifiques en optique, dentaire et audiologie. Cependant, pour en bénéficier, il faut disposer d'un contrat de complémentaire santé dit "responsable" (ce qui est le cas de la majorité des contrats). De plus, cette réforme ne couvre que des équipements standardisés ; si vous souhaitez d'autres prestations, la mutuelle reste nécessaire.
Pour les personnes ayant de faibles revenus, l'État propose la Complémentaire Santé Solidaire (CSS), qui agit comme une mutuelle gratuite ou à très faible coût.
Conclusion
Peut-on vivre sans complémentaire santé en France ? Théoriquement oui, si vous n'y êtes pas légalement obligé.
Est-ce raisonnable ? Tout dépend des cas. Si vous êtes jeune et non à risque, il peut être rentable d'économiser pour faire face à un pépin de santé sans souscrire à une complémentaire santé coûteuse. Il est dans tous les cas utile de bien évaluer le pour et le contre, et de mesurer la prise de risque.
Sans complémentaire santé, vous vous exposez à des difficultés financières majeures en cas de problème de santé imprévu ou pour des soins essentiels mais coûteux.

