L'association Rester libre !, cousine du Courrier, propose une alternative intelligente et constructive à la loi Zucman taxant aveuglément le patrimoine professionnel. Nous publions ici notre memorandum décrivant la mesure...
Le débat fiscal français est actuellement électrisé par une proposition simple en apparence, mais radicale dans ses fondements : la « taxe Zucman ». Portée par l'économiste Gabriel Zucman, cette idée d'un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultra-riches vise à corriger une anomalie perçue : les plus grandes fortunes contribueraient proportionnellement moins à l'effort national que le reste de la population.
L'intention affichée est celle de la justice fiscale. Pourtant, en se focalisant sur le stock de richesse, cette approche risque de pénaliser l'outil même de la prospérité des travailleurs : le capital productif.
Face à ce projet, la question n'est pas de savoir s'il faut exonérer les plus riches, mais comment concevoir une fiscalité du capital qui soit véritablement au service de l'économie réelle et, par conséquent, de l'emploi. Une loi « anti-Zucman » ne serait pas un cadeau fiscal aveugle, mais une réforme structurelle intelligente, fondée sur un principe directeur : tout capital n'a pas la même valeur pour la société.
Le diagnostic erroné : taxer la richesse sans distinguer sa nature
La principale faiblesse de l'approche Zucman est son uniformité. Elle traite de la même manière le milliard d'euros d'un entrepreneur qui dirige une ETI en pleine croissance, emploie des milliers de personnes et réinvestit chaque année ses bénéfices, et le milliard d'euros d'un héritier qui vit des rendements passifs de son portefeuille. Pour l'économie et pour les travailleurs, ces deux fortunes sont pourtant aux antipodes l'une de l'autre.
La première est un moteur. La seconde est une rente. En appliquant un impôt de 2 % sur le patrimoine, on crée un problème de liquidité majeur pour l'entrepreneur. Sa richesse n'est pas un tas d'or dans un coffre ; elle est constituée des actions de son entreprise. Pour payer cet impôt, il serait contraint de vendre une partie de son capital chaque année, ou de céder des parts à l'État, comme le suggère Gabriel Zucman lui-même. Une telle mesure affaiblit l'entreprise, dilue le contrôle de son fondateur et freine sa capacité d'investissement. À terme, ce sont les projets d'expansion, les innovations et donc les emplois qui en pâtissent. C'est une fiscalité qui punit la prise de risque et la création de valeur.
Le principe d'une loi juste : différencier pour mieux inciter
Une véritable alternative, respectueuse des travailleurs, reposerait sur une distinction fondamentale entre deux types de capital : le capital « entrepreneur » et le capital « investisseur ». L'objectif ne serait plus de taxer le stock de manière uniforme, mais d'orienter les flux de capitaux vers l'économie productive par une fiscalité différenciée.
Concrètement, cela pourrait se traduire par un système à double voie pour l'imposition des revenus du capital (dividendes et plus-values), qui remplacerait l'actuel Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) à 30 %:
- Un régime de l'« Actionnaire-Entrepreneur » à taux réduit. Cette voie serait réservée à ceux qui participent activement à la création de valeur : les fondateurs d'entreprise, les cadres dirigeants, mais aussi et surtout les salariés bénéficiant de dispositifs d'actionnariat. Pour eux, les revenus du capital ne seraient plus la rémunération d'un placement, mais le fruit d'un travail et d'un risque. Un taux d'imposition très fortement réduit, par exemple en exonérant ces revenus des prélèvements sociaux pour les ramener à 12,8 %, créerait une incitation massive à l'engagement de long terme.
- Un régime de l'« Actionnaire-Investisseur Passif » à taux standard. Ce régime s'appliquerait par défaut à tous les autres détenteurs de capital, dont l'implication est purement financière. Pour eux, le PFU à 30 % serait maintenu, voire légèrement ajusté pour garantir la neutralité budgétaire de la réforme.
Cette distinction n'est pas une utopie administrative. Des systèmes fiscaux, notamment dans les pays nordiques, savent déjà différencier la part du revenu qui rémunère le capital de celle qui rémunère le travail pour un dirigeant.En France même, le régime du « carried interest » pour les gérants de fonds de capital-investissement prouve que le législateur est capable de reconnaître et de récompenser fiscalement une gestion active.Il s'agirait d'étendre cette logique à tous les créateurs de richesse.
Le cercle vertueux pour l'emploi et la croissance
Les effets d'une telle réforme seraient profonds. En rendant le réinvestissement des bénéfices et la participation au capital plus attractifs pour les entrepreneurs et les salariés, on encourage directement l'allocation des ressources vers la croissance de l'entreprise plutôt que vers la distribution de dividendes passifs. Cela se traduit par plus d'investissements dans les usines, la recherche et la formation.
De plus, en favorisant l'actionnariat salarié, on aligne les intérêts des travailleurs avec ceux de l'entreprise. Le salarié n'est plus seulement un coût, mais un partenaire dont la réussite est liée à celle de la société. C'est le fondement d'un capitalisme plus patient, plus ancré dans les territoires et moins soumis aux exigences de rentabilité à court terme des marchés financiers.
Enfin, une telle fiscalité ferait de la France l'un des pays les plus attractifs d'Europe pour créer et développer une entreprise, sans pour autant déclencher une course au moins-disant fiscal sur le capital passif. On attirerait les bâtisseurs, pas seulement les rentiers.
En conclusion, la réponse à la légitime quête de justice fiscale ne se trouve pas dans une mesure punitive et indifférenciée comme la taxe Zucman, qui risque de scier la branche sur laquelle sont assis les travailleurs. Le véritable respect pour le monde du travail passe par une fiscalité qui encourage ceux qui créent les emplois. Une loi « anti-Zucman » bien pensée ne serait pas une loi de défense des riches, mais une loi de promotion d'un capitalisme d'entrepreneurs au service d'une économie plus dynamique et, au final, plus juste pour tous.
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