????Comment l’État peut décider de ponctionner directement votre épargne sans vous demander votre avis ?

????Comment l’État peut décider de ponctionner directement votre épargne sans vous demander votre avis ?


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Une question récurrente porte sur la façon dont l’État peut ponctionner directement votre épargne sans vous demander votre avis. Certains semblent incrédules sur ce sujet et écartent l’hypothèse comme s’il s’agissait d’un mauvais rêve. En réalité, ce mécanisme est prévu par une directive européenne entrée en vigueur le 1er janvier 2015, et dument transposée en droit français. Elle a été expérimentée à Chypre en 2013…

Connaissez-vous la directive sur le redressement des banques et la résolution de leurs défaillances, entrée en vigueur le 1er janvier 2015, et transposée en droit français la même année ? Il n’est pas inutile d’en comprendre le fonctionnement, puisqu’elle indique la marche à suivre dans l’Union en cas de faillite de votre banque. Et c’est du lourd.

Oui, ponctionner directement votre épargne est possible

Avant cette directive européenne, en cas de faillite de votre banque, seuls les actionnaires et les créanciers de la banque étaient sollicités pour éponger les pertes. Grâce à cette directive sortie de la crise de 2009, les épargnants peuvent aussi être sollicités à partir de 100.000€ détenus sur un compte. Attention à l’interprétation de ce texte : il concerne les particuliers, mais aussi les entreprises (en tout cas petites ou moyennes). Et il concerne la totalité des avoirs. Donc, si vous avez dans une même banque 30.000€ sur un livret, 10.000€ sur un compte courant et 70.000€ sur une assurance-vie, mais vous n’êtes pas assuré de retrouver tous vos petits.

Certes, la directive a mis en place une série de mécanismes pour limiter les effets de cette mesure, mais on prendra bien garde à son application en cas de crise. Ainsi, si une banque a un passif d’un milliard à rembourser, les actionnaires sont sollicités à hauteur de 80 millions, puis les clients à hauteur de 50 millions.

Voilà un moment douloureux à passer.

Un mécanisme de ponction utilisé à Chypre en 2013

Pour ceux qui imaginent que ce mécanisme ne peut pas arriver et qu’il relève du fantasme, rappelons qu’il fut utilisé à Chypre en 2013, au moment de la faillite de la Bank of Cyprus. À l’époque, le gouvernement chypriote avait ponctionné 60% de l’épargne supérieure à 100.000€ pour comble le trou de la banque… Concrètement, tous ceux qui disposaient d’un compte de 200.000€ avaient dû céder 60.000 € à la banque pour la renflouer.

Voilà qui mérite réflexion tout de même…

Comment l’opération s’était passée à Chypre

Pour bien comprendre le mécanisme qui se met en oeuvre, il faut avoir à l’esprit le calendrier extrêmement court dans lequel se déroule ce genre d’opération. En l’espèce, le gouvernement chypriote était intervenu par décret un samedi, prenant tous les épargnants de court pour éviter un « bank run », c’est-à-dire une panique bancaire par laquelle tous les clients seraient partis en urgence pour éviter la saisie des comptes. Les banques ont rouvert le jeudi suivant, le temps de régler la « machinerie administrative » qui a permis de spolier les clients.

Le secret de l’opération tient donc… à son secret, et à la surprise qu’elle crée parmi ceux qui en sont victimes.

"L'Autorité bancaire européenne est arrivée à la conclusion que la résistance globale des systèmes européens de dépôts, à travers l'Union européenne (UE), est correcte", écrit l'institution basée à Paris, dans les conclusions d'une étude parue mercredi.   

La Tribune, 18 juin 2020

Cette opération pourrait-elle se passer en France ?

Bien sûr, Chypre (ancien royaume templier, c’est-à-dire français, rappelons-le), c’est loin… pour beaucoup d’entre nous. En réalité, c’est à moins de 4 heures de vol de Paris. Mais on peut avoir l’illusion que ce qui s’est passé à Chypre ne peut pas arriver en France.

Détrompez-vous ! si l’Union Européenne a transformé le mécanisme de résolution utilisé à Chypre en directive applicable à toute l’Union, c’est bien dans l’idée qu’elle puisse servir tôt ou tard. Et rien n’exclut que, dans le cas d’un « bouillon » comme la Société Générale en a connu avec l’affaire Kerviel, un mécanisme de ce genre soit appliqué en France. Y compris dans les prochains mois, voire les prochaines semaines.

Attention aux alertes répétées sur les faillites bancaires en Europe

Sur ce point, on fera bien attention à la fragilité du secteur bancaire européen, particulièrement dans une situation de crise comme celle que nous connaissons. Depuis plusieurs semaines, les autorités monétaires, qui chapeautent le secteur bancaire, multiplient les alertes dans le monde entier.

La semaine dernière, la Fed, la réserve fédérale américaine, a réglementé les dividendes des banques américaines, compte tenu de leur fragilité (la Fed anticipe plusieurs centaines de milliards de pertes dans les banques dans les prochains mois). En Europe même, des dirigeants de la BCE considèrent qu’il est inévitable que des faillites bancaires surviennent à l’automne.

Tout indique donc que le mécanisme de résolution permettant de confisquer l’épargne sera actionné dans les prochains mois en Europe. Reste à savoir où.


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