Virginie Joron : « Nous n’en sommes qu’au début du scandale de la corruption par le Qatar »

Virginie Joron : « Nous n’en sommes qu’au début du scandale de la corruption par le Qatar »

Virginie Joron, députée européenne bien connue des lecteurs de nos colonnes, a réagi au "Qatargate", le scandale de la corruption présumée du Parlement européen par le Qatar, qui éclate au beau milieu de la Coupe du Monde de football. Elle souligne que ce scandale n'en est probablement qu'à ses débuts... et regrette que la procédure concernant la signature des contrats sur les vaccins, en particulier sur les vaccins Pfizer, ne bénéficie pour l'instant d'aucune suite judiciaire.

Virginie Joron a bien voulu répondre à quelques questions concernant le « Qatargate », scandale où il semblerait que le Qatar ait pu « acheter des voix » au sein du Parlement européen pour bénéficier de votes favorables à ses intérêts. Virginie Joron résume efficacement les enjeux de ce dossier à tiroir… qui ne doit surtout pas faire oublier les autres dossiers.

Le groupe socialiste arrosé par le Qatar

Nous n’en sommes qu’au début de la pilote à dérouler. Mais il se trouve que le groupe impliqué, à ce stade, dans le Qatargate, est le groupe socialiste auquel appartient notamment Raphaël Glucksmann. Le fils d’André est aussi le président de la Commission INGE2, dont l’intitulé complet est :

Special Committee on Foreign Interference in all Democratic Processes in the European Union, including Disinformation (INGE)

ou Comité Spécial sur les ingérences étrangères dans tous les processus démocratiques de l’Union Européenne, Désinformation incluse. On sait le bonhomme surtout occupé à dénoncer les ingérences russes et chinoises. Cette fois, il a trouvé un boulot visiblement plus consistant : s’occuper des ingérences qataries au sein de son propre groupe. Cette mission ne paraît pas seulement salutaire. Elle sera aussi chronophage…

Dans la pratique, les donneurs de leçons semblent aussi les principaux suspects, ce qui ne surprendra pas grand monde. Mais on aurait voulu discréditer les bonnes oeuvres du fils d’André, et ses marottes d’héritier, qu’on ne s’y serait pas pris autrement.

Qatar et Pfizer : deux poids deux mesures ?

Reste que l’éclairage jeté sur le Qatar soulève quelques questions de premier ordre. Cette incrimination profite à quelques autres amis « influents » de l’Union, comme l’Arabie Saoudite… ou les USA, malencontreusement lésés dans l’organisation de la Coupe du Monde de football pour 2022, comme nous le signalions ce matin. Faut-il en déduire que le Qatar constitue le coupable idéal, statut qui explicite la célérité d’une justice belge peu connue pour cette qualité ordinaire. Il se suffit de se souvenir de la passivité des services belges pour les différentes et récentes affaires de terrorisme ou d’incitation à la haine, pour comprendre qu’Eva Kaili bénéficie aujourd’hui d’un « traitement de faveur ».

Une affaire bien plus importante, celle du contrat Pfizer négocié personnellement et en dehors de toute procédure par Ursula von der Leyen, est pour l’instant encalminée dans les méandres du Parquet européen, alors que la Cour européenne des Comptes l’a pointée du doigt sans ambiguïté. D’un côté, un dossier qatari à quelques millions ou dizaines de millions qui donne lieu à un traitement d’urgence. D’un autre côté, un dossier vaccinal à quelques milliards ou dizaines de milliards qui se fait attendre…

Allez comprendre !

Une mise sous tutelle américaine accrue ?

Faut-il voir dans cette opération foudroyante un message clair envoyé à tous les parlementaires européens : tout faux pas en faveur d’un pays qui n’est pas agréé comme allié étroit des USA est durement sanctionné, quand toute opération même très douteuse avec un allié étroit est fortement protégée ?

Toujours est-il que le retour de bâton est sans pitié. Ceux qui sont soupçonnés d’aider le Qatar sont sous les verrous. Ceux qui aident à tors et à travers l’Ukraine, ou Pfizer, bénéficient en revanche d’un sauf-conduit… Il se trouve que le Parlement tenait aujourd’hui sa dernière session plénière de l’année à Strasbourg, et devait adopter une mesure favorable à l’entrée des Qataris dans l’Union. L’affaire Kaili tombe à pic pour empêcher ce vote.

On attend que les influences étrangères fassent l’objet d’une surveillance aussi étroite dès lors qu’elles émanent d’autres pays. Mais ce ne semble pas être une préoccupation européenne pour l’instant.

Europe, la fin de l’innocence

Longtemps, les partisans de l’Union Européenne ont pu croire à une virginité de l’Europe. Il y avait d’un côté les vieilles démocraties nationales corrompues, et de l’autre le merveilleux ensemble multilatéral empli de promesses roses et pures. Il n’aura pas fallu longtemps pour que l’utopie se lézarde et ne tombe en morceaux. Finalement, la démocratie européenne ne vaut guère mieux que nos démocraties ancestrales.

Encore un argument perdu pour défendre l’émergence d’une entité supranationale qui remplacerait les Etats-nations.