Un nouveau missile russe pourrait frapper New York en échappant aux radars, par Elise Rochefort
L'annonce par la Russie de la maîtrise et du succès des essais du missile 9M730 Burevestnik (Code OTAN : SSC-X-9 Skyfall) représente une évolution potentiellement majeure dans le domaine des armements stratégiques. Ce missile, l'une des six "super-armes" présentées par Vladimir Poutine en 2018, introduit un concept radicalement différent des systèmes existants.

Voici une description de ses fonctionnalités et une analyse de son impact sur l'équilibre stratégique mondial, notamment vis-à-vis des États-Unis.
1. Fonctionnalités du 9M730 Burevestnik
Le Burevestnik est un missile de croisière intercontinental. Ce qui le distingue fondamentalement, c'est qu'il est à la fois à charge nucléaire (il transporte une ogive nucléaire) et à propulsion nucléaire (son moteur est un réacteur nucléaire miniaturisé).
A. Propulsion nucléaire : le cœur du système
La caractéristique révolutionnaire est son moteur. Au lieu de dépendre de carburants conventionnels qui limitent la durée de vol, le Burevestnik utilise l'énergie nucléaire.
- Mécanisme (supposé) : après un lancement initial par un booster conventionnel, le réacteur nucléaire s'active. Il fonctionnerait probablement comme un statoréacteur (ramjet) nucléaire : l'air est aspiré, surchauffé par le cœur du réacteur (au lieu de la combustion de carburant), puis expulsé à grande vitesse pour générer la poussée.
B. Portée théoriquement illimitée
C'est l'avantage principal conféré par la propulsion nucléaire.
- Endurance : le missile pourrait théoriquement rester en vol pendant des jours, voire des semaines. Sa portée est souvent décrite comme "illimitée", bien que les estimations réalistes dépassent largement les 20 000 km.
- Capacité de rôder (Loitering) : il pourrait être lancé lors d'une crise et rester en vol dans une zone éloignée, en attente d'un ordre de frappe.
C. Profil de vol évasif et furtivité
Le Burevestnik combine la portée d'un missile balistique intercontinental (ICBM) avec la manœuvrabilité d'un missile de croisière.
- Basse altitude : il est conçu pour voler très bas (potentiellement entre 50 et 100 mètres) afin de rester sous la couverture des radars terrestres et d'utiliser le relief pour masquer sa présence.
- Trajectoire imprévisible : grâce à sa portée illimitée, le missile n'a pas besoin de suivre la route la plus directe. Il peut emprunter des itinéraires complexes pour contourner les systèmes de défense. Par exemple, il pourrait éviter les défenses américaines orientées vers le nord (trajectoire polaire des ICBM) et attaquer les États-Unis par le sud ou l'est.
D. Vitesse subsonique
Contrairement aux armes hypersoniques, le Burevestnik est relativement lent (probablement moins de 1000 km/h). Son avantage ne réside pas dans la rapidité, mais dans l'endurance et la capacité d'évasion radar.
2. Défis et controverses : le "Tchernobyl volant"
Le développement de cette arme est extrêmement complexe et controversé.
- Défis techniques et fiabilité : miniaturiser un réacteur nucléaire fiable et assez léger pour voler est un défi d'ingénierie immense. Le programme a connu de nombreux échecs rapportés par les services de renseignement occidentaux.
- Émissions radioactives : pour rester léger, le réacteur est probablement peu blindé et utilise un cycle direct (l'air traverse le cœur). Cela signifie que le missile laisse très probablement une traînée de particules radioactives dans son sillage tout au long de son vol.
- Accidents : en août 2019, une explosion sur une plateforme d'essai à Nyonoksa, en mer Blanche, a tué plusieurs scientifiques nucléaires et provoqué un pic de radioactivité local. Cet accident est largement attribué aux essais du Burevestnik.
3. Est-ce un "Game Changer" dans les relations internationales ?
L'impact du Burevestnik sur l'équilibre stratégique entre la Russie et les États-Unis est significatif. Il s'agit indéniablement d'un élément perturbateur, mais son statut de "game changer" absolu est débattu.
Pourquoi il modifie l'équilibre stratégique :
- Il neutralise les défenses antimissiles actuelles : c'est l'objectif principal de Moscou. Les systèmes américains actuels (comme le GMD - Ground-based Midcourse Defense) sont optimisés pour intercepter des ICBM aux trajectoires balistiques prévisibles dans l'espace. Ils sont largement inefficaces contre un missile de croisière manœuvrant à basse altitude.
- Le défi de la surveillance à 360° : le Burevestnik oblige les États-Unis et l'OTAN à défendre toutes les directions possibles. Cela nécessiterait des investissements colossaux dans de nouveaux systèmes de détection (spatiaux, aéroportés, radars trans-horizon) pour couvrir l'ensemble des approches.
- Renforcement de la dissuasion russe : il offre à la Russie une assurance supplémentaire de sa capacité de seconde frappe, garantissant la destruction mutuelle assurée (MAD) même face aux avancées technologiques américaines.
- Contrôle des armements : cette nouvelle catégorie d'arme n'est pas couverte par les traités de contrôle des armements existants (comme New START), compliquant les futures négociations.
Pourquoi son impact est à nuancer :
- Vulnérabilité à la vitesse subsonique : sa lenteur est son principal inconvénient. S'il est détecté (par un avion de patrouille ou par ses émissions), il devient une cible vulnérable pour les avions de chasse modernes et les systèmes de défense aérienne de point. Plus son temps de vol est long, plus les chances de détection augmentent.
- Redondance stratégique : la Russie dispose déjà d'un arsenal nucléaire massif et de nouveaux vecteurs (comme les missiles hypersoniques Avangard) qui garantissent déjà sa capacité à pénétrer les défenses américaines. Le Burevestnik pourrait être redondant.
- Coût politique et environnemental : l'utilisation d'une arme "sale" qui contamine radioactivement les territoires survolés (y compris des pays neutres) poserait des risques écologiques majeurs et entraînerait une condamnation internationale massive.
Une menace nouvelle pour les USA
Le 9M730 Burevestnik est une arme technologiquement audacieuse et stratégiquement déstabilisatrice. Si la Russie parvient à le rendre fiable et opérationnel, il ne changera pas les fondements de la dissuasion nucléaire, mais il constituera un "game changer" pour la planification défensive occidentale. Il force une réévaluation coûteuse et complexe des stratégies de détection et d'interception, en introduisant un vecteur d'attaque imprévisible conçu pour garantir que la capacité de riposte russe reste incontestable.
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