Ukraine: La diplomatie américaine vit dans une réalité parallèle

Ukraine: La diplomatie américaine vit dans une réalité parallèle


Partager cet article

Le compte-rendu américain de l'entretien entre Joe Biden et Vladimir Poutine  est digne de feu l'Union Soviétique. A en croire le communiqué, le président américain aurait signifié à son interlocuteur russe qu'il n'avait qu'un choix: se soumettre ou s'exposer à des sanctions. Mais comment croire un gouvernement arrivé au pouvoir par la fraude, ayant plongé le pays dans un marasme économique profond et dont le président est incapable mentalement et physiquement de gouverner plus de quelques heures par jour? Faisons plutôt confiance au compte-rendu russe de la conversation et essayons de comprendre la stratégie de Vladimir Poutine.

Le compte-rendu de l’entretien entre Joseph Biden et Vladimir Poutine proposé par la Maison Blanche est suspect d’emblée. Pourquoi affirmer d’emblée que la conversation a eu lieu à la demande du Président russe? C’est le premier indice que la Maison Blanche se sent en position de faiblesse. 

D’abord vis-à-vis de l’opinion démocrate et des factions parlementaires majoritairement hostiles à un accord avec la Russie.  Le compte-rendu n’en est pas un. Il répète la vulgate de Washington: 

« Le président Biden a exposé deux voies, deux aspects de l’approche américaine qui dépendront vraiment des actions de la Russie dans la période à venir. L’un est une voie diplomatique menant à une désescalade de la situation, et l’autre est une voie plus axée sur la dissuasion, incluant des coûts et des conséquences graves si la Russie choisit de poursuivre son invasion de l’Ukraine. Ces coûts comprennent des coûts économiques, des ajustements et des augmentations du dispositif de forces de l’OTAN dans les pays alliés, ainsi qu’une aide supplémentaire à l’Ukraine pour lui permettre de mieux se défendre et de mieux défendre son territoire, comme nous l’avons exposé précédemment. »

Ensuite, vis-à-vis de la Russie. Le compte-rendu pratique une langue de bois qui ne trompe pas: 

« Les dirigeants se sont mis d’accord sur la séquence suivante : dialogue sur la stabilité stratégique les 9 et 10 à Genève, conversation du Conseil OTAN-Russie le 12 et réunion de l’OSCE le 13. Ils ont tous deux discuté de l’importance d’une diplomatie pragmatique et axée sur les résultats. Et (…) le président Biden a considéré que cet appel visait à établir les conditions nécessaires à cet effet« .

En fait, derrière les apparences, les Etats-Unis sont entrés dans la négociation avec la Russie. Et lisons le compte-rendu russe de l’entretien pour avoir une meilleure idée de ce qui s’est dit entre les deux hommes: 

Le compte-rendu du même entretien par Moscou

Tout d’abord, un joli lapsus des traducteurs en anglais du texte russe:

« On December 30, Vladimir Putin had a telephone conversation with President of the Untied (sic!) States of America Joseph Biden ».

Au lieu de « United » ,’Unis », « Untied »: « Déchaîné »! Effectivement, en Europe orientale, depuis la fin des années 1990, les USA se sont déchaînés, ont déployé un évident impérialisme ! Comme ailleurs dans le monde. 

Plus sérieusement, voici le texte traduit du compte-rendu russe. C’est nous qui soulignons: 

« La conversation a porté sur la mise en œuvre de l’accord  conclu lors de la vidéoconférence du 7 décembre pour lancer des négociations sur l’octroi à la Russie de garanties de sécurité juridiquement contraignantes. Vladimir Poutine a détaillé les approches fondamentales qui sous-tendent les projets russes de traité entre la Fédération de Russie et les États-Unis d’Amérique et d’accord entre la Fédération de Russie et les États membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord. Il a souligné que les négociations devaient aboutir à de solides garanties juridiquement contraignantes excluant l’expansion de l’OTAN vers l’est et le déploiement d’armes menaçant la Russie à proximité immédiate de ses frontières. Vladimir Poutine a également souligné que la sécurité d’une nation ne peut être assurée que si le principe de la sécurité indivisible est strictement respecté.

Les deux dirigeants ont exprimé leur volonté de s’engager dans un dialogue sérieux et substantiel sur ces questions. Il a été confirmé que les négociations auraient lieu d’abord à Genève les 9 et 10 janvier, puis dans le cadre du Conseil Russie-OTAN à Bruxelles le 12 janvier. Des négociations doivent également avoir lieu à l’OSCE le 13 janvier. Les présidents ont convenu de superviser personnellement ces pistes de négociations, notamment bilatérales, en s’attachant à obtenir rapidement des résultats.

Dans ce contexte, Joseph Biden a souligné que la Russie et les Etats-Unis partageaient une responsabilité particulière pour assurer la stabilité en Europe et dans le monde entier et que Washington n’avait aucune intention de déployer des armes de frappe offensive en Ukraine.

Vladimir Poutine a donné une réponse exhaustive à la mention, une fois de plus, par Joseph Biden, de la possibilité d’imposer des sanctions « à grande échelle » en cas d’escalade de la situation autour de l’Ukraine. Il a suggéré qu’il s’agirait d’une grave erreur, comportant de facto le danger d’une rupture complète des relations russo-américaines.

Les présidents ont échangé leurs vœux de Nouvel An et leurs meilleurs souhaits.

Dans l’ensemble, la conversation s’est déroulée dans une atmosphère franche et professionnelle et a certainement été bénéfique pour les deux parties. Les dirigeants ont convenu de poursuivre des contacts réguliers au plus haut niveau« .

Là où le compte-rendu oral d’un collaborateur de la Maison Blanche ne disait rien des réactions russes aux arguments de Joseph Biden, le compte-rendu russe restitue un dialogue qui n’est pas à l’avantage du Président américain. 

Mais pourquoi faire confiance au compte-rendu russe plus qu’à l’américain? 

Les illusions de la diplomatie américaine

En fait, il y a de nombreuses raisons pour se fier plus à la présentation russe des événements: 

+ Il ne faut jamais oublier, pour commencer, que l’actuelle administration américaine est le produit d’une fraude électorale massive.  N’importe quel diplomate négociant avec les Etats-Unis doit se méfier de l’administration Biden,  qui n’a pas plus de raison d’être honnéte en diplomatie que concernant son arrivée au pouvoir. 

+ Joe Biden est depuis plusieurs années physiquement très diminué et son état se détériore depuis qu’il est à la Maison Blanche.  Il est tout au plus capable d’exercer sa charge quelques heures par jour. Ceci devrait d’ailleurs inquiéter tout dirigeant d’un pays membre de l’OTAN. Ensemble, ils devraient faire pression sur Washington car l’occasion d’une Russie prête à négocier un accord européen de sécurité ne se reproduira sans doute pas de sitôt. 

+ Le gouvernement ukrainien est rongé par la corruption et l’illusion. Andrew Korybko dressait récemment un portrait du ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmitry Kuleba, qui fait penser à la psychologie de Fidel Castro durant la crise de Cuba: ce dernier poussait Khrouchtchev de toutes ses forces à une guerre avec les Etats-Unis, au risque d’une guerre nucléaire. Eh bien Kuleba a le même comportement aujourd’hui: il voudrait enreainer les Etats-Unis dans un conflit coûte que coûte avec la Russie. Quand ils ne sont pas exaltés, les dirigeants ukrainiens sont profondément corrompus. (Au passage, l’administration Biden fera tout pour camoufler le plus longtemps possible les affaires douteuses de Hunter Biden, le fils du Président, avec l’oligarchie ukrainienne). 

+ Vladimir Poutine sait bien entendu tout cela. Et le potentiel irrationnel de la politique ukrainienne a pris de telles proportions à ses yeux qu’il juge urgent de faire entrer Washington dans le corset d’une négociation diplomatique de grande envergure. Il s’agit maintenant de chercher auprès de Washington ce que la pusillanimité de François Hollande puis Emmanuel Macron n’a pas permis d’obtenir dans le cadre des accords de Minsk. 

+ la position russe est surtout plus fiable de par sa constance dans le temps – intérêts légitimes de la Russie; accord de sécurité en Europe; équilibre des puissances au plan mondial. 

+ enfin, dernier élément, la politique russe est à la fois rationnelle et prévisible. La manière dont Vladimir Poutine a écrasé Daech, avec une grande économie de moyens devrait être un point de repère pour toutes les chancelleries européennes. C’est à l’opposé de la débauche de moyens utilisés par les Etats-Unis en Irak ou en Afghanistan, avec leur cortège de destructions et de malheurs. 


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
Trump II : l'imposture souverainiste et le triomphe de l'étatisme, par Elise Rochefort

Trump II : l'imposture souverainiste et le triomphe de l'étatisme, par Elise Rochefort

Lors de son investiture en janvier dernier, Donald Trump promettait à l'Amérique un "nouvel âge d'or". Il s'était vendu à l'électorat, et à une partie du monde fascinée par son discours, comme le champion du peuple contre les élites, le rempart souverainiste contre la dissolution mondialiste, et l'homme d'affaires pragmatique qui allait "assécher le marais" de Washington. Un Asselineau ou un Philippot américain au fond. Dix mois plus tard, le bilan est cinglant. L'Amérique est plongée dans


Rédaction

Rédaction

Meloni veut que le piège de la BCE se referme : l'heure de la grande confiscation

Meloni veut que le piège de la BCE se referme : l'heure de la grande confiscation

Le ministère italien des Affaires Etrangères Tajani a imploré la BCE de baisser ses taux directeurs pour favoriser les exportations italiennes, fragilisées par le protectionnisme de Trump. Mais la balance commerciale italienne est positive (contrairement à la France). Ne s'agit-il pas plutôt de diminuer le coût de la dette pour l'Etat italien, sur le dos des épargnants qui vont s'appauvrir ? Pour comprendre la crise systémique qui couve, il faut saisir l'interaction toxique entre trois pili


Rédaction

Rédaction

Bébéar, le parrain par qui le capitalisme à l'anglo-saxonne a combattu le capitalisme de connivence en France

Bébéar, le parrain par qui le capitalisme à l'anglo-saxonne a combattu le capitalisme de connivence en France

Le terme de « parrain », accolé par la presse et ses pairs à Claude Bébéar, n'est pas anodin. Il ne décrit pas un simple manager, aussi brillant soit-il, mais un détenteur d'autorité, un régulateur de l'ordre implicite, un arbitre des conflits du capitalisme français. Mais de quel capitalisme parle-t-on? Pour le comprendre, il faut saisir le moment de son avènement : l'après-Ambroise Roux. Le trône de la place de Paris est devenu vacant en avril 1999, au décès de Roux. Ce dernier incarnai


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Dans l’histoire, très peu de déficits budgétaires ont été réduits à coups de hausses d’impôts !
Photo by Dimitri Karastelev / Unsplash

Dans l’histoire, très peu de déficits budgétaires ont été réduits à coups de hausses d’impôts !

Croire qu’on peut réduire le déficit public en augmentant les impôts relève du réflexe maladif : seule la réduction de la dépense publique peut, dans la France de 2025, y parvenir. L'État moderne est en effet un pompier-pyromane: face à l'incendie structurel des finances publiques, le premier réflexe, pavlovien, de la caste au pouvoir est de brandir le spectre d’un impôt supplémentaire.Chaque nouveau déficit, chaque alerte de la Cour des Comptes, pourtant acquise à la doxa socialiste, est invar


FLORENT MACHABERT

FLORENT MACHABERT