Sur l’auto-amnistie, le gouvernement a reculé face au risque de polémique

Sur l’auto-amnistie, le gouvernement a reculé face au risque de polémique


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Le gouvernement avait esquissé une manoeuvre pour faire adopter au Parlement une disposition d’auto-amnistie sur les questions liées au déconfinement. Finalement, il a fait marche arrière, face aux habiles manoeuvres de la droite au Sénat, et face au tollé qui menaçait.

Finalement, la loi d’amnistie qu’on craignait n’a pas eu lieu. Le gouvernement a fait machine arrière et a renoncé à faire voter une loi d’impunité pour les opérations menées durant le déconfinement. Le texte adopté par la commission mixte paritaire fait apparaître une rédaction beaucoup plus prudente que ce que la tribune des parlementaires LREM n’avait annoncé.

Pas d’auto-amnistie dans le texte

Finalement, après les discussions au Sénat où la droite à fait passer une rédaction de l’article 1 précisant la responsabilité des élus, l’Assemblée Nationale, comme nous l’avons disséqué la semaine dernière, était mise en position compliquée. Il était difficile pour les députés d’exiger une rédaction qui protège ouvertement les élus, et particulièrement le gouvernement, sans s’exposer à une polémique où le Premier Ministre aurait joué le rôle de celui qui veut s’affranchir de ses responsabilités.

C’est donc un texte de compromis beaucoup plus prudent, issu de la Commission Mixte Paritaire (c’est-à-dire d’une commission de « négociation » composée à parts égales de sénateurs et de députés), qui a finalement été adopté. Ce texte purement technique modifie l’article 121-3 du code pénal en précisant les conditions dans lesquelles la responsabilité pénale des élus pourra être mise en cause.

« Art. L. 3136‑2. – L’article 121‑3 du code pénal est applicable en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur.   

Loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire

La responsabilité pénale des élus à la loupe

La responsabilité des élus durant l’état d’urgence sanitaire sera donc examinée dans des conditions « tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits ». Le texte précise que la nature des missions et des fonctions est également prise en compte pour éviter des incriminations disproportionnées.

Concrètement, un maire ne pourra pas se voir reprocher la responsabilité d’une contamination dans une école, si le protocole de réouverture des locaux était clair et conforme aux dispositions admises par les pouvoirs publics. Et il ne sera pas mis en cause à la place de l’Éducation Nationale.

Inversement, Édouard Philippe ne pourra être mis en cause pour une faute commise par un maire qui ne respecterait pas les consignes gouvernementales, ou qui commettrait des imprudences.

Le gouvernement a reculé devant l’opinion

Ce recul du gouvernement s’explique d’abord par la mobilisation des réseaux sociaux et par le risque d’une vilaine polémique qui se préparait dans l’hypothèse où le ballon d’essai lancé par les parlementaires marcheurs aurait prospéré. Rapidement, en effet, la proposition d’étendre la nécessaire protection des maires au gouvernement lui-même a résonné partout comme l’annonce d’une auto-amnistie destinée à se soustraire à une enquête en bonne et due forme devant la Cour de Justice de la République.

Preuve est donc faite que les ruades des réseaux sociaux ont leur vertu et leur pouvoir, surtout lorsqu’elles sont relayées par une partie au moins de l’opposition (en l’espèce les Républicains au Sénat).

Quand un maire, un chef d’atelier, un directeur d’école, respecte les obligations particulières de prudence qui sont prévues par les lois et les règlements qui ont été mis en place pour lutter contre le Covid-19, je ne vois pas pourquoi on lui ferait courir un risque pénal. En revanche, ceux qui posent les règles, il ne s’agit pas de les mettre à l’abri.   

Phliippe Bas, Sénateur

Vers un Nuremberg à la française?

Progressivement, la responsabilité du gouvernement se dégage donc, au fil des enquêtes qui révèlent des éléments troublants. Dans la pratique, on comprend que depuis au moins une dizaine d’années, la bureaucratie et la technocratie sanitaires s’opposent à une stratégie d’équipement de la population en masques de protection. Ce choix idéologique s’explique peut-être par le traumatisme lié à la campagne qui avait suivi les commandes massives par Roselyne Bachelot.

Quelles qu’en soient les motivations, cette hostilité à l’équipement des Français en masques n’a jamais été discutée démocratiquement. Elle est le fait de l’administration qui a décidé de détruire progressivement le stock de masques existant sous Roselyne Bachelot, sans les remplacer.

Sur ce point, l’administration ne peut d’ailleurs se réfugier derrière les autorités médicales pour justifier son inertie. L’avis du comité d’experts de Santé Publique France rendu en mai 2019 est sans équivoque sur le sujet, puisqu’il recommandait un stock d’1 milliard de masques.

Tout laisse donc penser que les semaines et les mois qui viennent devraient donner lieu à une nouvelle affaire du « sang contaminé », mais avec des responsabilités bien plus larges.

Le Conseil Constitutionnel, dernier rempart contre la démocrature

Sur le fond, l’évidence montre que la France évolue progressivement vers une forme de « démocrature », c’est-à-dire de démocratie autoritaire où la technostructure prend le pouvoir au nom de la protection sanitaire des individus. Dans cet ensemble où « protéger » est le maître-mot qui justifie toutes les atteintes aux libertés, il ne reste plus guère que les Sages du Conseil Constitutionnel pour éviter le pire. Pour combien de temps ?


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