Dominique de Villepin veut aménager le monde des globalistes, non en sortir

LE REGARD DES STRATEGES - Passionnante tribune accordée par Villepin au Grand Continent! L'ancien Premier ministre est plus sympathique et lucide que l'équipe actuellement au pouvoir. Mais on est déçu de constater que l'homme du discours à l'ONU de 2003 ne veut pas vraiment sortir du vieux monde globaliste. Il veut l'aménager. La pierre de touche? L'Europe! Notre pays n'a pas besoin d'un chef d'Etat se battant pour "une autre Europe" mais pour l'indépendance de la France. Au bout du texte, je suis resté sur ma faim

J'aime le titre de la tribune de Dominique de Villepin publiée dans "Le Grand Continent" pour dénoncer l'accord commercial entre l'Union Européenne et les Etats-Unis. "L'Europe après le Jour de la Dépendance". C'est spirituel et je me suis volontiers lancé dans la lecture.
Pourtant, je ne le cacherai pas, je suis resté sur ma faim.
On attend du de Gaulle et on a du Chirac
A vrai dire, rien de surprenant à ce que l'ancien secrétaire général de l'Elysée et Premier ministre de Jacques Chirac, nous fasse du Chirac. Mais on se disait que l'homme du discours de l'ONU pouvait faire mieux, se hisser, vingt ans après, encore plus haut.
Las, nous avons affaire à un altereuropéiste. Extraits:
Une telle humiliation collective ne peut qu’interpeller chaque citoyen européen, d’autant plus que l’Union avait pourtant les moyens d’agir, alors que chacun des 27 États n’aurait eu, pris individuellement, aucune chance de pouvoir résister à la pression américaine.
Villepin vit encore dans l'illusion du "grand ensemble européen", qui pourrait peser par sa seule masse.
Il est illusoire de croire que Donald Trump arrêtera là ses revendications face à une Europe dont il méprise ouvertement la souveraineté,
Mais la souveraineté européenne, chère à Macron, n'est qu'une illusion. Il n'y a pas de peuple européen! Nous ne connaissons qu'un peuple français, un peuple espagnol, un peuple italien, un peuple allemand etc....
L’Union demeure la première puissance commerciale mondiale : elle avait donc, elle aussi, de solides cartes en main. Bruxelles aurait dû comprendre qu’on ne négocie efficacement avec Donald Trump qu’en lui opposant un rapport de force clair. Au lieu de cela, l’Europe est apparue divisée et timorée. Cette différence d’attitude a pesé lourd dans l’issue des deux confrontations : Washington a traité Pékin en adversaire stratégique dangereux, mais a osé considérer Bruxelles comme une proie facile.
Mais la grande différence: la Chine est une nation. L'Union Européenne est une bande de hauts fonctionnaires qui se sont fait mandater par des peuples souverains en leur assurant qu'ils défendraient au mieux leurs intérêts.
Dominique de Villepin est bien l'ancien collaborateur de Jacques Chirac qui, lui non plus, n'envisageait pas de jouer hors du cadre communautaire européen.
Villepin en alterfédéraliste européen
Pire, enfermé dans son cadre de réflexion, Villepin ne peut pas faire autrement que proposer un approfondissement européen à quelques-uns!
Nous devons renforcer la gouvernance et l’unité politique de l’Union.
Une Europe à 27 ne parviendra jamais à parler d’une seule voix ni à réagir vite aux crises et urgences sans de profondes réformes institutionnelles. L’épreuve que nous venons de vivre a montré le prix de nos lenteurs et de nos divisions.
Dans les domaines stratégiques – commerce, sécurité, diplomatie –, nous devons imaginer des mécanismes de décision plus réactifs.
Plusieurs pistes méritent d’être explorées. D’une part, étendre les domaines où la majorité qualifiée suffirait au Conseil – par exemple pour la politique étrangère ou commerciale lorsqu’une coercition extérieure est avérée –, afin d’éviter que l’opposition d’un seul État ne puisse paralyser l’ensemble de l’Union. D’autre part, s’appuyer sur une avant-garde européenne rassemblant un petit nombre de pays moteurs, chargée de prendre les devants en cas de crise majeure. Une telle idée mérite d’être débattue lucidement : en temps de crise, la rapidité de réaction sauve des emplois, des industries, parfois des vies. Nos adversaires potentiels le savent et jouent de nos lenteurs. Il ne s’agit pas de créer durablement une Europe à deux vitesses, mais de reconnaître qu’une avant-garde décisionnelle peut, à l’occasion, servir l’intérêt de tous par son agilité, surtout face à des chocs extérieurs.
Sans évolution de notre gouvernance, la prochaine crise nous trouvera aussi impuissants et divisés que la précédente. L’Europe politique doit gagner en maturité et en capacité d’action.
Où est passée l'indépendance de la France?
Evidemment, nous sommes au cœur de la question! La France saura que l'homme de son redressement est là quand nous entendrons un aspirant à la fonction suprême expliquer que la France seule est capable de peser sur le monde. Non pas pour une ambition idéaliste ou démesurée! Mais pour protéger les Français et leur assurer un cadre où leur énergie créatrice puisse se déployer.
Evidemment, je sais que Dominique de Villepin a été plus lucide que tous dirigeants réunis sur de nombreux sujets. A commencer sur les événements de Gaza.
Précisément, ce qui se passe à Gaza devrait amener Villepin à réfléchir! L'Union Européenne n'a rien voulu faire pour les Palestiniens. Pire: un certain nombre des gouvernements partenaires ont pris parti pour Israël. Pourtant, la France aurait pu, si elle s'était comportée en nation indépendante, changer la donne. Un Villepin aurait pu, depuis la tribune de l'ONU, émouvoir le monde entier, au besoin contre tous les partenaires européens. Notre pays aurait pu monter une flotte humanitaire accompagnée par une force navale de pays riverains de la Méditerranée pour imposer l'acheminement de l'aide humanitaire. Et même sans partenaires, la France aurait imposé sa volonté. Parce qu'elle est la France "Jadis soldat de Dieu, aujourd'hui soldat de l'humanité", comme disait Clemenceau. Parce que seul un Français - Villepin l'a montré en 2003 - est capable de trouver le point d'équilibre entre intérêt national et justice universelle! C'est notre vocation, exigeante mais tellement gratifiante comme l'ont montré nos rois, Jaurès ou le Général de Gaulle!
Ce que Villepin ne voit pas, c'est que la France seule aurait négocié un meilleur accord douanier avec les Etats-Unis que ne l'a fait l'Union! A condition, bien sûr, d'avoir des gouvernants qui croient en la France.
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