Mort de Rémi Fraisse: la France condamnée pour violation du droit à la vie

Mort de Rémi Fraisse: la France condamnée pour violation du droit à la vie

Plus de dix ans après la mort de Rémi Fraisse, tué par une grenade offensive lors de violents affrontements sur le site du barrage de Sivens (Tarn) en 2014, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu un arrêt. Saisie par la famille du jeune militant écologiste, la Cour a estimé que la France avait violé l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, garantissant le droit à la vie. Ce verdict s’appuie notamment sur les conclusions du Défenseur des droits, qui avait pointé en 2016 des dysfonctionnements systémiques dans la gestion du maintien de l’ordre.

Arrêt Fraisse et autres c. France – Décès de Rémi Fraisse lors des opérations de maintien de l’ordre sur le site de SivensTélécharger

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a finalement statué sur l’affaire Rémi Fraisse. Dans un arrêt rendu le 27 février dernier, elle a reconnu une violation de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme qui garantit le droit à la vie.

L’arrêt de la Cour sur l’affaire Rémi Fraisse

Dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, Rémi Fraisse, 21 ans, perdait la vie lors d’affrontements entre des opposants au projet de barrage et les forces de l’ordre. Une grenade OF-F1, lancée par un gendarme, s’était coincée entre son sac à dos et sa capuche, provoquant des blessures mortelles. Ce soir-là, près de 700 grenades, dont 42 offensives, avaient été utilisées pour défendre la « zone de vie » occupée par les forces de l’ordre, selon Mediapart. Malgré la dangerosité avérée de ces engins – composés d’explosifs mortels au contact –, leur emploi avait été jugé légal par la justice française.

Le Défenseur des droits a mené des enquêtes approfondies pendant deux ans. Le 25 novembre 2016, il a conclu que les forces de l’ordre n’étaient pas responsables du décès de Rémi Fraisse. En revanche, il a critiqué le « manque de clarté  des instructions données aux militaires » qui ont sécurisé la zone.

En s’appuyant sur les conclusions du Défenseur des droits et sur son rapport intitulé « Le maintient de l’ordre au regard des règles de déontologie » de 2017, la CDEH a rendu un arrêt qui condamne l’Etat français le 27 février. Selon la Cour, il s’agissait d’une violation de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme qui garantit le droit à la vie.

Encore des leçons non tirées ?

La CEDH a relevé une faille au niveau de l’encadrement et de la préparation des opérations. Elle a particulièrement critiqué l’absence de l’autorité préfectorale. Par ailleurs, elle a reconnu la dangerosité de l’usage de la grenade offensive qui a tué Rémi Fraisse.

Selon le Défenseur des droits, elle contenait des substances explosives dangereuses. Elles peuvent être fatales en cas de contact. Le Défenseur des droits va veiller à ce que cet arrêt de la Cour soit exécuté par la France.

Malgré ces constats, aucun procès pénal n’a jamais eu lieu. Après un non-lieu confirmé en cassation en 2018, la famille de Rémi Fraisse dénonce une justice « défaillante ». « Quand quelqu’un meurt normalement, il y a un procès », rappelle Me Claire Dujardin, avocate de la mère et de la sœur de la victime.

Dix ans après, les tensions persistent. En 2024, des affrontements similaires ont éclaté lors du chantier de l’autoroute A69, également dans le Tarn. Des militants sont tombés des arbres lors des opérations des gendarmes, relançant le débat sur les méthodes de maintien de l’ordre. « C’est comme si rien n’avait changé », déplore Me Dujardin. Pendant ce temps, un nouveau projet de retenue d’eau émerge à Lisle-sur-Tarn, ravivant les craintes des défenseurs de l’environnement.