L’Inquisiteur du Monde accuse l’Institut de France de fachosphère

L’Inquisiteur du Monde accuse l’Institut de France de fachosphère


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Veerle Daens évoquait pour nous la paranoïa complotiste du Monde qui voit désormais un extrémiste de droite derrière chaque Français qui ne récite pas chaque soir son bréviaire progressiste. L'article consacré par le quotidien de révérence aux inclinations extrêmes-droitistes de l'Institut de France confirme cette obsession qui rappelle des heures sombres.

Les excès du Monde : quand l'ex-quotidien de référence verse dans l'inquisition idéologique

Dans le paysage médiatique français, Le Monde occupe une place singulière. Fondé en 1944 par Hubert Beuve-Méry avec l'ambition d'être un "journal honnête", il s'est imposé comme le phare du journalisme rigoureux, distant des pouvoirs, et attaché à une neutralité factuelle qui en faisait la référence incontestée pour les élites intellectuelles, politiques et économiques.

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Pendant des décennies, ses colonnes ont décrypté les soubresauts de la Ve République, les scandales d'État, les crises internationales, avec une plume acérée mais mesurée, capable de critiquer sans lyncher, d'analyser sans excommunier.

Pourtant, au fil des ans, et plus particulièrement depuis les années 2010, un glissement s'est opéré. Ce qui était un quotidien d'information est devenu, pour beaucoup, un organe de combat idéologique, où la nuance cède la place à la condamnation a priori, et où le débat public se mue en tribunal médiatique.

Un procès en hérésie à rebours de la déontologie journalistique

L'article publié le 9 décembre 2025, intitulé « Anne Coffinier, la pasionaria réactionnaire de l'école hors contrat, lâchée par l'Institut de France », en est un exemple flagrant.

À travers ce portrait assassin d'une figure controversée de l'éducation alternative, Le Monde illustre parfaitement comment il déroge à son statut de référence pour sombrer dans une inquisition politique sans nuance, où les faits sont étouffés sous les qualificatifs péjoratifs, et où l'orthodoxie progressiste devient un dogme intouchable.

Rappelons d'abord le contexte de cet article, qui cristallise les tensions actuelles autour de l'éducation en France. Anne Coffinier, fondatrice et directrice de l'association Créer son école, est une militante de longue date pour l'école hors contrat – ces établissements privés indépendants de l'Éducation nationale, souvent critiqués avec malice et arrière-pensées pour leur opacité et leurs dérives potentielles.

Nommée en novembre 2025 au conseil d'administration de la Fondation de l'Académie des sciences, sous l'égide de l'Institut de France, elle incarne pour ses détracteurs le spectre d'une "dérive réactionnaire" dans un bastion de la science et de la raison.

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L'article relate son éviction, validée le 9 décembre par l'Institut, suite à une pétition de 1 500 scientifiques et intellectuels protestant contre sa présence. Mais au lieu d'un reportage équilibré sur cette affaire, Le Monde opte pour un réquisitoire implacable, transformant une nomination contestée en une chasse aux sorcières collective.

Dès le titre, le ton est donné : "pasionaria réactionnaire". Ce terme, emprunté à Dolores Ibárruri, la figure emblématique de la guerre d'Espagne, est une arme rhétorique lourde de sens. Il assimile Coffinier non pas à une militante ordinaire, mais à une fanatique totalitaire, une "passionaria" au féminin, doublée d'un adjectif "réactionnaire" qui la relègue d'emblée au camp des obscurantistes.

Journalisme ou caricature digne du Grand Inquisiteur ?

Est-ce du journalisme, ou de la caricature ? Dans un quotidien qui se targue d'être "le journal de la démocratie", un tel choix éditorial interroge : où est passée la présomption d'innocence, même pour une personnalité clivante ?

Ce n'est pas un accident isolé, mais le symptôme d'une dérive plus profonde.

Le Monde, jadis pilier du journalisme d'investigation – pensons aux révélations sur l'affaire Ben Barka ou sur les écoutes de l'Élysée sous Mitterrand –, a vu son ADN muter sous la pression des vents idéologiques contemporains. Depuis l'ère Sylvie Kauffmann, puis celle de Jérôme Fenoglio, le journal s'est aligné sur une doxa progressiste qui tolère de moins en moins la dissidence. Les thèmes comme l'éducation, l'immigration, le genre ou l'écologie sont devenus des champs minés, où toute position conservatrice est suspecte par essence.

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L'article sur Coffinier en est l'illustration parfaite : au lieu d'exposer les faits – sa nomination par un décret présidentiel, les arguments pour et contre l'école hors contrat, les motivations des pétitionnaires –, les auteurs (ici, une plume anonyme typique du Monde) optent pour une narration binaire, où les "bons" (scientifiques laïcards) triomphent des "méchants" (réseaux traditionalistes). On y lit des descriptions venimeuses : Coffinier est présentée comme une "fervente catholique" qui "prône une éducation libérée des contraintes républicaines", avec des sous-entendus sur des liens supposés avec des "milieux intégristes".

Pas un mot sur les 500 écoles hors contrat qui fonctionnent sans scandale, ni sur les familles qui y voient un refuge face à un système public en crise. Au contraire, l'article insinue une menace globale : "l'école hors contrat, terreau de l'obscurantisme".

Inquisition ?

Absolument, car il s'agit ici de purger l'espace public de toute altérité idéologique, sous couvert de défense de la laïcité.

Pour comprendre cette bascule, il faut remonter aux racines historiques de Le Monde.

Beuve-Méry, dans son testament éthique, insistait sur l'indépendance : "Le Monde doit être le journal des honnêtes gens." Honnêteté qui impliquait une distance critique vis-à-vis de tous les camps.

Or, aujourd'hui, cette distance semble rompue.

Prenez les années 2010 : la couverture des manifestations contre le mariage pour tous. Le Monde n'hésitait pas à qualifier les opposants de "réacs homophobes", minimisant leurs arguments éthiques au profit d'une célébration unilatérale de la loi Taubira.

Plus récemment, lors des Gilets jaunes, le journal a oscillé entre condescendance ("ces pauvres ignorants") et une focalisation sur les violences, occultant les griefs socio-économiques légitimes.

Et que dire de l'écologie ? Les critiques envers les mesures gouvernementales, pourtant nécessaires, sont souvent édulcorées, tandis que les figures comme Extinction Rebellion sont encensées comme des prophètes.

Dans l'affaire Coffinier, cette partialité culmine : l'article cite abondamment les pétitionnaires – "Nous ne pouvons tolérer qu'une militante anti-république siège au cœur de la science française", lance un académicien anonyme –, mais accorde à peine une ligne à la défense de la principale intéressée. Elle est renvoyée dos à dos à ses "thèses extrêmes", sans que le lecteur ne puisse juger sur pièces.

Le triomphe de l'opinion sur le fait, de l'émotion sur l'enquête

Cette inquisition n'est pas anodine ; elle a des conséquences concrètes sur le débat démocratique. En diabolisant des figures comme Anne Coffinier – qui, rappelons-le, défend une liberté pédagogique ancrée dans l'article L. 442-5 du Code de l'éducation, et non une théocratie –, Le Monde contribue à polariser la société. L'école hors contrat, qui accueille 100 000 élèves en France (chiffre en hausse de 20 % depuis 2020, selon l'Observatoire de la liberté d'enseignement), n'est pas un monolithe d'extrémistes. Elle inclut des Montessori laïques, des écoles Steiner inspirées d'Anthroposophie, ou des initiatives parentales face à la saturation des classes publiques.

Coffinier, avec son parcours d'énarque et de présidente d'association, a milité pour la régulation plutôt que l'interdiction, plaidant en 2021 pour un "contrôle renforcé sans stigmatisation".

Mais dans l'article, ces nuances s'évaporent : elle devient la "meneuse" d'un "réseau occulte", écho à des fantasmes complotistes que le journal reprocherait pourtant à d'autres.

Résultat ? Les lecteurs, biberonnés à cette rhétorique, perçoivent toute critique de l'école publique comme une attaque contre la République elle-même. C'est un cercle vicieux : en monopolisant le récit, Le Monde étouffe les voix alternatives, favorisant un conformisme intellectuel qui rappelle les pires heures de l'intelligentsia parisienne.

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Les problèmes financiers du Monde l'obligent à la caricature racoleuse

Pire encore, cette dérive interroge le modèle économique et éditorial du journal. Avec un tirage en baisse (environ 300 000 exemplaires quotidiens en 2025, contre 400 000 en 2015), Le Monde mise sur le numérique et les abonnements "premium", attirant une audience urbaine, diplômée, et majoritairement de gauche. Les algorithmes des réseaux sociaux amplifient les contenus clivants, car ils génèrent du clic et de l'engagement. Un titre comme "pasionaria réactionnaire" est un aimant à réactions : indignation chez les progressistes, grogne chez les conservateurs.

Mais au prix de quoi ? De la crédibilité.

Des sondages Ifop de 2024 montraient déjà que 58 % des Français doutaient de l'impartialité des grands médias, Le Monde en tête. À l'étranger, le journal est perçu comme un relais de la "bien-pensance française", ce qui affaiblit sa voix diplomatique. Imagine-t-on le New York Times titrant sur un conservateur comme "le führer réactionnaire de l'éducation alternative" ? Non, car même dans un paysage polarisé, la nuance reste une valeur refuge.

Et si l'affaire Coffinier révélait un malaise plus large sur la laïcité ?

L'Institut de France, cet aréopage d'immortels où siègent des prix Nobel et des artistes, n'est pas un monastère aseptisé. Il a accueilli des figures controversées, de Chateaubriand le royaliste à Lévy l'intellectuel engagé. La nomination de Coffinier, impulsée par le ministère de l'Enseignement supérieur, visait à diversifier les profils, intégrant des acteurs de terrain dans la réflexion sur l'éducation scientifique.

Son éviction, sous la pression d'une pétition relayée par Le Monde, pose une question : qui décide de la légitimité ? Une minorité bruyante d'académiciens, ou un processus démocratique ?

L'article, en choisissant son camp sans ambages, cautionne une forme de cancel culture institutionnelle. Coffinier elle-même, dans une rare réaction citée (et tronquée) dans le texte, dénonce une "chasse aux sorcières laïcarde". Ignorer cela, c'est priver le lecteur d'éléments pour se forger une opinion – l'antithèse du journalisme.

Bien sûr, critiquer Le Monde n'implique pas de le discréditer en bloc. Le journal excelle encore dans ses enquêtes sur le climat ou les finances publiques, et ses éditoriaux sur l'Europe restent des modèles de clarté.

Mais sur les questions sociétales, l'excès guette. Prenons un parallèle : les articles fréquents qualifiant Éric Zemmour d'extrémiste de droite, notamment parce qu'il évoque les questions migratoires. Là encore, les faits (statistiques migratoires) sont noyés sous les jugements moraux.

Ou, plus tôt, la couverture des débats sur la PMA, où les opposants catholiques étaient caricaturés. Cette récurrence trahit un biais structurel : une rédaction majoritairement issue des grandes écoles parisiennes, sensible aux vents du pouvoir macronien, qui oscille entre progressisme social et libéralisme économique.

Résultat ? Une bulle idéologique qui, loin d'éclairer, obscurcit.

Jacobinisme étriqué

Pourtant, il est temps de sonner l'alarme. L'affaire Coffinier pourrait être un électrochoc : imagine-t-on un suivi, avec un portrait nuancé de l'école hors contrat, incluant témoignages de parents et d'enseignants ? Ou un débat contradictoire dans les colonnes ? Ce serait un retour aux sources, à ce Monde qui osait confronter les idées sans les excommunier.

En conclusion, l'article du 9 décembre 2025 n'est pas qu'un portrait raté ; c'est un miroir tendu à un journal en crise d'identité. En lâchant la bride à ses pulsions inquisitoriales, Le Monde ne défend plus la République des Lumières, mais un jacobinisme étriqué qui tolère mal l'ombre.

À 80 ans, il est urgent de se rappeler que la vraie référence n'est pas dans la condamnation hâtive, mais dans le doute cartésien : dubito, ergo cogito. Faute de s'en souvenir, le quotidien risque de n'être plus que l'écho d'une élite déconnectée, reléguant le débat public à un monologue vertueux.


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