« L’Europe de la défense » est en lambeaux – et le courant francophile en Allemagne se réveille bien tard

« L’Europe de la défense » est en lambeaux – et le courant francophile en Allemagne se réveille bien tard


Partager cet article

Une dépêche  produite par le meilleur site d'analyse de la politique étrangère allemande fait le constat froid d'une "Europe de la défense" - au sens où l'entendent les Français - qui est en lambeaux. Et ce n'est pas une timide réaction francophile qui va changer la donne fondamentalement.

Je recommande à nos lecteurs l’excellent site german-foreign-policy.com. La dépêche en date du 28 novembre fait la point sur le dossier de défense européenne anti-missiles: 

« Le 13 octobre, 15 Etats européens ont signé une déclaration d’intention sur la création de l’European Sky Shield Initiative (ESSI) ; y participent, outre neuf Etats d’Europe de l’Est et du Sud-Est, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique, la Grande-Bretagne, la Norvège et la Finlande. La Pologne, qui développe sa défense antiaérienne en coopération bilatérale avec les Etats-Unis, n’y participe pas; l’ESSI présente donc une lacune sensible sur le flanc est de l’OTAN. Afin d’être le plus possible prêt à se défendre à l’avenir contre une éventuelle escalade du conflit de l’OTAN avec Moscou, trois types de systèmes de défense doivent être acquis. L’un d’entre eux doit assurer une protection à des distances allant jusqu’à 40 kilomètres ; il s’agit du système de défense aérienne IRIS-T SLM, fabriqué par Diehl Defence (Überlingen). Le deuxième est destiné à couvrir les distances moyennes ; il est prévu, selon certaines informations, d’utiliser le système américain Patriot (…).

Comme on le sait depuis mars, le gouvernement fédéral allemand a en vue le système israélien Arrow 3 pour les grandes distances. Le système américain THAAD (Terminal High Altitude Area Defense), fabriqué par Lockheed Martin, est considéré comme une alternative. Arrow 3 est produit par Israel Aerospace Industries (IAI) en collaboration avec Boeing. De son côté, IAI est depuis des années un partenaire de coopération de l’armurier allemand Rheinmetall, notamment pour la construction de petits drones ou encore pour la fabrication de systèmes de défense pour navires. Rheinmetall a par ailleurs adapté le drone Heron 1 de IAI aux besoins spécifiques de la Bundeswehr. IAI participe en outre au développement d’un nouveau système radar pour la Bundeswehr, sous la direction de Hensoldt, désormais quatrième groupe d’armement allemand, et a notamment obtenu le contrat de livraison de 69 systèmes radars mobiles à la Bundeswehr »

 

La défense européenne est en lambeaux

Le site allemand souligne à juste titre le mécontentement à Paris.

« En France, la décision allemande pour Arrow 3, même si sa mise en œuvre n’est pas encore certaine, a suscité un mécontentement massif. Dans les milieux militaires français, on dit qu’il existe une alternative européenne à ce système – le système franco-italien Aster Block 1 NT, qui a la capacité d’intercepter des missiles d’une portée d’un peu plus de 1 500 kilomètres, c’est-à-dire « l’essentiel de l’arsenal tactique russe ». En outre, il existe un système de défense aérienne, également franco-italien, le SAMP/T, qui est en mesure de remplacer aussi bien le système allemand IRIS-T SLM que les missiles américains Patriot. Le fait que la République fédérale ait initié la mise en place d’un système de défense aérienne européen commun, mais qu’elle ait ensuite refusé l’intégration de sous-systèmes franco-italiens et qu’elle ait préféré un modèle allemand à des systèmes israéliens et américains, prouve que Berlin tient plus à son industrie de l’armement qu’à l’indépendance des États européens. Cette opinion est aujourd’hui confirmée par le fait que, selon certains rapports, Washington ne s’oppose pas à la production de missiles Patriot en Allemagne ».

 

Timide et tardive réaction francophile

La dépêche apporte une information nouvelle. Un think tank berlinois, le SWP, plaide pour réintégrer la France au processus. 

« Les conseillers gouvernementaux berlinois insistent désormais pour que l’on n’en reste pas à des divergences avec Paris et à l’exclusion de fait de la France de l’ESSI. « Selon une nouvelle prise de position de la Fondation Science et Politique (SWP), « sans unité, la dimension militaire perd également de sa force ». Si les pays européens veulent mettre en place « une défense conséquente », alors « au moins les deux plus grandes nations européennes devraient à l’avenir agir ensemble ». Cela nécessite bien sûr une « implication de la France » ».

Mais l’auteur de la dépêche montre lui-même les limites de ce plaidoyer pro-français; 

« Toutefois, le SWP ne montre pas non plus de volonté de renoncer à l’achat de systèmes de défense aérienne de fabrication israélienne, américaine et surtout allemande et de recourir à au moins un des systèmes franco-italiens. Au lieu de cela, il est dit qu’il existe « une possibilité » d’associer la France « dans le domaine des capacités offensives », qui « assurent également en partie une meilleure défense et n’ont pas été suffisamment prises en compte jusqu’à présent dans l’ESSI ». Il s’agit donc d’étapes supplémentaires qui ne menacent pas le moins du monde le profit allemand, mais qui renchérissent encore plus le système global – dans l’intérêt de l’industrie allemande de l’armement. »


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
Veerle Daens : "Comment j'ai compris que je n'étais pas dans le logiciel parisien"

Veerle Daens : "Comment j'ai compris que je n'étais pas dans le logiciel parisien"

Je me souviens de ce dîner dans un hôtel particulier du VIIe, où j’avais été conviée par un ami banquier — disons Pierre, parce que tous les banquiers parisiens s’appellent Pierre. Autour de la table, des visages lissés par le Botox et l’autosatisfaction, des conversations qui glissaient sur l’art contemporain, les last-minute à Saint-Barth, et, bien sûr, les people qu’on avait croisés par hasard la veille. Moi, naïve Flamande que j’étais, j’avais cru qu’on parlait pour échanger des idées. Erreu


CDS

CDS

Abattage massif : Macron face à la coalition des bannis

Abattage massif : Macron face à la coalition des bannis

Il y a quelque chose de pourri au royaume de la technostructure. Alors que la France périphérique s'apprête à passer un Noël anxieux et souvent dans la gêne, le gouvernement, dans sa tour d'ivoire, a décidé d'offrir au peuple un spectacle sacrificiel digne des heures les plus sombres du « quoi qu'il en coûte » sanitaire : l'abattage massif, bureaucratique et froid de milliers de bovins sains. La crise de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), qui ravage nos campagnes depuis juin 2025, n'est


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Blanche Gardin: quand la critique d'Israël mène au boycott culturel

Blanche Gardin: quand la critique d'Israël mène au boycott culturel

L’humoriste Blanche Gardin affirme être boycottée par le milieu culturel français après un sketch sur Israël. Entre mise à l’écart professionnelle et menaces, son cas interroge sur la liberté d’expression dans le secteur culturel. Blanche Gardin, humoriste connue pour son style tranchant, affirme subir un boycott professionnel et des menaces depuis un sketch évoquant l’antisémitisme et le conflit israélo-palestinien présenté lors d’une soirée militante fin 2023. Son témoignage, livré dans Arrêt


Lalaina Andriamparany

Lalaina Andriamparany

Interdiction des réseaux sociaux aux mineurs: une dérive liberticide déguisée en protection, par Eric Lemaire
Photo by Julie Ricard / Unsplash

Interdiction des réseaux sociaux aux mineurs: une dérive liberticide déguisée en protection, par Eric Lemaire

Emmanuel Macron a récemment réaffirmé sa volonté d’interdire l’accès aux réseaux sociaux aux mineurs de moins de 15 ou 16 ans. L’objectif affiché est la protection des enfants face aux effets délétères des plateformes numériques : addiction, anxiété, harcèlement, exposition à des contenus violents ou sexualisés. Le raisonnement est désormais bien rodé, politiquement vendeur, et largement repris par une partie de la classe politique, à droite comme à gauche. profonde, et infiniment plus politiqu


Rédaction

Rédaction