L’époque a ceci d’étonnant qu’elle avance masquée. On annonce partout l’avènement d’un monde dystopique dominé par l’intelligence artificielle, la surveillance totale, les oligarchies numériques et le contrôle algorithmique des populations. Pourtant, à y regarder de près, un autre phénomène se produit en parallèle, comme une évolution inattendue et presque subversive : l’IA agentique donne à chaque individu des moyens d’action qui, hier encore, n’appartenaient qu’aux États souverains.

Le monde qui s’esquisse est peut-être moins un cauchemar totalitaire qu’un rééquilibrage silencieux entre les individus et les structures de pouvoir. Un monde paradoxalement libertarien, non pas idéologique, mais technologique - issu non d’un manifeste, mais des contraintes mêmes du réel.
L’individu augmenté : le retour de la souveraineté personnelle
L’idée peut sembler provocante : un simple citoyen peut désormais s’appuyer sur des IA capables d’agir pour lui — écrire des documents juridiques, analyser des marchés, négocier des contrats, coder des applications ou interpréter des données complexes.
Ce que l’on appelle IA agentique n’est pas seulement un chatbot bavard, mais un ensemble d’outils capables de mener des tâches entières :
- trouver un avocat pertinent,
- rédiger une défense,
- analyser un risque fiscal,
- produire un plan d’entreprise,
- superviser une flotte de drones,
- ou même lancer une usine automatisée miniature dans un garage.
On s’en rend encore peu compte, mais chaque individu, chaque PME acquiert les ressources fonctionnelles d’un “micro-État” :
- un cabinet d’expertise,
- un service juridique,
- un organe de communication,
- un état-major technique,
- une force d’action robotisée.
Ne manque à cette panoplie que le secret, ultime capital monopolistique des États. Mais même celui-ci s’effrite : nos vies privées deviennent des territoires inexplorés dont les codes échappent aux institutions traditionnelles. L’être humain, paradoxalement, retrouve une intimité stratégique que les bureaucraties ne comprennent plus.
Il ne s’agit pas d’angélisme : il y aura des abus, des erreurs, des accidents. Mais le rapport de force se modifie. L’individu devient un acteur stratégique, non plus un simple administré.

Une transition culturelle : quand les machines ressemblent à des humains
Chaque révolution technique produit un changement culturel profond.
Celui qui se met en place aujourd’hui a une particularité fascinante : l’apparition de machines “humaines” pourrait affaiblir le pouvoir de ceux qui s’étaient “déshumanisés” pour mieux dominer.
