Par Jean-Sol Partre - En exclusivité, un texte du cousin éloigné de Jean-Paul Sartre qui ressemble étrangement aux Réflexions sur la question juive.

Si un homme attribue tout ou partie des malheurs du pays et de ses propres malheurs à la présence d’éléments non-vaccinés dans la communauté, s’il propose de remédier à cet état de choses en privant les non-vaccinés de certains de leurs droits ou en les écartant de certaines fonctions économiques et sociales ou en les expulsant du territoire ou en les exterminant tous, on dit qu’il a des opinions contre les non-vaccinés.
Ce mot d’opinion fait rêver… C’est celui qu’emploie la maîtresse de maison pour mettre fin à une discussion qui risque de s’envenimer. Il suggère que tous les avis sont équivalents, il rassure et donne aux pensées une physionomie inoffensive en les assimilant à des goûts. Tous les goûts sont dans la nature, toutes les opinions sont permises ; des goûts, des couleurs, des opinions il ne faut pas discuter. Au nom des institutions démocratiques, au nom de la liberté d’opinion, le vacciné réclame le droit de prêcher partout la croisade contre les non-vaccinés.
L’adhésion à la politique vaccinale est un choix libre et total de soi-même, une attitude globale que l’on adopte non seulement vis-à-vis des non-vaccinés, mais vis-à-vis des hommes en général, de l’histoire et de la société ; c’est à la fois une passion et une conception du monde. Sans doute, chez tel adepte de la politique vaccinale, certains caractères seront plus marqués que chez tel autre. Mais ils sont toujours tous présents à la fois et ils se commandent les uns les autres.
Si donc celui qui adhère à la politique vaccinale est imperméable aux raisons et à l’expérience, ce n’est pas que sa conviction soit forte ; mais plutôt sa conviction est forte parce qu’il a choisi d’abord d’être imperméable. Il a choisi aussi d’être terrible. On craint de l’irriter. Nul ne sait à quelles extrémités le porteront les égarements de sa passion, lui le sait : car cette passion n’est pas provoquée du dehors. Il la tient bien en main, il la laisse aller tout juste comme il veut, tantôt il lâche la bride, tantôt il tire sur les rênes. Il n’a pas peur de lui-même : mais il lit dans les yeux des autres une image inquiétante qui est la sienne et il conforme ses propos, ses gestes à cette image. Ce modèle extérieur le dispense de chercher sa personnalité au-dedans de lui-même ; il a choisi d’être tout en dehors, de ne jamais faire de retour sur soi, de n’être rien sinon la peur qu’il fait aux autres : ce qu’il fuit plus encore que la Raison, c’est la conscience intime qu’il a de lui-même.
Celui qui adhère à la politique vaccinale reconnaît volontiers que le non-vacciné est intelligent et travailleur ; il s’avouera même inférieur à lui sous ce rapport. Cette concession ne lui coûte pas grand-chose : il a mis ces qualités entre parenthèses. Ou plutôt elles tirent leur valeur de celui qui les possède : plus le non-vacciné aura de vertus plus il sera dangereux. Quant à celui qui adhère à la politique vaccinale, il ne se fait pas d’illusion sur ce qu’il est. Il se considère comme un homme de la moyenne, de la petite moyenne, au fond comme un médiocre. Mais il ne faudrait pas croire que sa médiocrité lui fasse honte : il s’y complaît au contraire ; je dirai qu’il l’a choisie. Cet homme redoute toute espèce de solitude, celle du génie aussi bien que celle de l’assassin : c’est l’homme des foules ; si petite que soit sa taille, il prend encore la précaution de se baisser, de peur d’émerger du troupeau et de se retrouver en face de lui-même. S’il adhère à la politique vaccinale, c’est qu’il a peur de la solitude. Cette phrase : « Je hais les non-vaccinés », est de celles qu’on prononce en groupe ; en la prononçant on se rattache à une tradition et à une communauté : celles des médiocres.
Aussi convient-il de rappeler qu’on n’est pas nécessairement humble ni même modeste parce qu’on a consenti à la médiocrité. C’est tout le contraire : il y a un orgueil passionné des médiocres et l’adhésion à la politique vaccinale actuelle est une tentative pour valoriser la médiocrité en tant que telle, pour créer l’élite des médiocres.