Le plan de relance de Castex est-il complètement hors sol ?

Le plan de relance de Castex est-il complètement hors sol ?


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Le Premier Ministre a présenté hier les grandes lignes de son plan de relance à la presse, qu’il doit détailler aujourd’hui. Déjà fortement contesté par de nombreux économistes, une question se pose à propos de ce programme à 100 milliards, dont une parte (les 40 milliards de l’Union) ne sera pas débloquée avant un an : est-il un plan d’affichage politique hors sol ou correspondra-t-il aux besoins de l’économie française ?

Les grandes lignes du plan de Jean Castex sont connues depuis longtemps, et elles n’ont pas vraiment bougé depuis leur présentation par le Premier Ministre. Sur une enveloppe totale de 100 milliards €, 30 milliards iront à la transition écologique, dont un compartiment de 11 milliards destinés au rail (c’est-à-dire à la SNCF…), et 35 milliards iront à la « souveraineté économique », c’est-à-dire à la relance industrielle. Le reste sera constitué d’interventions sociales. Ces grands axes stratégiques soulèvent en eux-mêmes de nombreuses questions.

Plan de relance ou plan de zombification ?

Comme en Allemagne, où la Deutsche Bank pose la question dans les mêmes termes, la question de fond est de savoir si l’argent du plan de relance va profiter aux entreprises d’avenir ou s’il va être englouti dans des activités sans avenir que le gouvernement se contente de maintenir artificiellement en vie avec l’argent du contribuable. En posant la question, la réponse vient assez vite, évidemment.

Ainsi, lorsque l’État annonce son intention d’investir dans le train à hydrogène, on peut penser qu’il favorise une activité qui peut avoir un avenir industriel. Lorsqu’il annonce son intention de financer la rénovation énergétique des logements, on en déduit qu’il se prépare à subventionner manifestement le secteur du bâtiment, sinistré par la crise. Ces projets stratégiques peuvent avoir un sens et dégager des externalités positives durables pour l’économie française.

Mais consacrer plusieurs milliards à la relance des petites lignes de chemin de fer ou des trains de nuit ? Sommes-nous bien sûrs, dans ce cas de figure, que nous ne sommes pas en train de nous endetter, et surtout d’endetter nos enfants, pour relancer des activités abandonnées parce qu’elles ne profitaient guère qu’à quelques agents de la SNCF et à quelques retraités bien sympathiques, certes, mais qui ne créeront pas le moindre emploi et rechigneront à voir leur retraite baisser pour rembourser ce qu’ils reçoivent ?

Il faudra soigneusement passer en revue les secteurs et les entreprises qui bénéficieront de ces aides. Mais entendre le gouvernement avoir d’ores et déjà annoncer que 2 milliards bénéficieraient à la culture… donne un exemple de plus de la zombification en cours. Car, la culture, c’est large, mais on comprend que 2 milliards serviront à maintenir en activité artificielle des kyrielles d’intermittents du spectacle qui sont autant de bombes à retardement politiques lorsqu’ils ne sont pas sur les planches.

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Plan de relance ou plan de réélection ?

Si l’on prend le plan de relance à l’envers, et si l’on s’interroge, par grandes masses, sur ses bénéficiaires prioritaires, le doute enfle sur sa visée profonde : s’agit-il réellement de relancer l’activité du pays ? Ou s’agit-il plutôt d’éteindre les plus gros incendies qui menacent ou qui brûlent déjà ?

Le doute sur la question est entretenu par la durée d’action du plan : deux ans… soit 100 milliards injectés dans l’économie d’ici à l’élection présidentielle. Comme disait Chirac, plus c’est gros, mieux ça passe. Et l’examen des dépenses poste par poste confirme ce sentiment d’électoralisme à la petite semaine.

On a déjà évoqué les 2 milliards de la culture qui permettront d’aider les 120.000 intermittents du spectacle. L’intérêt pour la création artistique et pour le rayonnement international de la France est quasi-nul, mais cette mesure évite de voir le climat social se dégrader avec de bouillonnants intermittents qui agiteraient les rues à l’approche des élections.

Cette somme de 2 milliards est à comparer aux trois petits milliards budgétés pour aider les entreprises surendettées. Le gouvernement entend mettre en place un mécanisme de prêt participatif et de recapitalisation, pour lesquels Bercy estimait le besoin à 10 milliards. Mais comme cette mesure est très technique… la financer à hauteur des besoins paraît peu pertinent.

La baisse des impôts de production, à hauteur de 10 milliards par an, servira essentiellement à aider les grandes entreprises (l’impact des impôts de production sur les petites entreprises étant limité). On comprend l’intérêt de cette mesure. Castex et Le Maire en ont d’ores et déjà amorcé l’usage : elle permet de culpabiliser les entreprises bénéficiaires en leur enjoignant de ne pratiquer aucun plan social massif à l’approche des élections. Dussent-ils y perdre leur trésorerie !

Et que dire des 45 milliards d’intervention sociale prévus pour mettre de l’huile dans les rouages du climat collectif, en France, dont le gouvernement sent bien qu’il est explosif. Là encore, il faudra lire en détail les mesures prévues, ligne à ligne. Mais cet effort colossal ressemble bien à une main tendue en direction de l’électorat pour apaiser les tensions. Ce n’est pas qu’il s’agisse d’une mauvaise idée, mais de là à s’endetter à hauteur de 45 milliards…

Le gouvernement lui-même croit-il à son plan ?

Avec 70 programmes, ce plan donne plus l’impression d’un saupoudrage d’urgence que d’un plan de relance réfléchi et cohérent. Comme c’est la crise, il faut montrer aux Français qu’on réagit et qu’on se bouge. Mais quelqu’un a-t-il une vraie vision ? Un responsable politique a-t-il eu l’intuition de ce qu’il fallait vraiment faire ? Ou alors, dépassés par les événements, les gens du pouvoir exécutif ont-ils fait la tournée des bureaux, à Bercy, pour savoir quoi faire et pour demander si quelqu’un avait une idée ?

Les appels répétés de Bruno Le Maire et maintenant de Jean Castex à la « solidarité » des entreprises pour éviter la catastrophe ont déjà montré qu’aucun d’entre eux ne croyait à la réussite de l’opération. Et que tous deux attendaient la solution des entreprises, et non de l’État.


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