Le rideau tombe sur un énième acte du théâtre de l'absurde qu'est devenue la vie politique française. L'usage mécanique du 49.3 et la menace d'une dissolution qui ne changerait rien à l'équation du chaos, tout concourt à un spectacle d'une sidérante vacuité. Pendant que la nation assiste, éberluée, à cette comédie du pouvoir, ses prétendus représentants s'enferment dans des éléments de langage déconnectés.

Un Premier ministre s'imagine pouvoir renverser la table si « les Français, dans la semaine qui vient, disent : "Mais tout ça est dingue!" », ignorant que c'est précisément ce que les Français pensent de lui et de ses pairs. L'antienne « Qui aurait pu prédire? » est devenue le mantra d'une caste qui a fait de l'irresponsabilité sa seule ligne politique.
Ce fossé est un abîme. Les Français ne sont pas désintéressés ; ils sont lucides. Leur verdict est sans appel : seuls 26 % d'entre eux font encore confiance à la politique, tandis que la méfiance (37 %) et le dégoût (26 %) sont devenus les sentiments dominants. Ce n'est pas une crise passagère, c'est un jugement de fait sur un système qui a inversé le principe de souveraineté. Le chaos parlementaire n'est pas un dysfonctionnement, mais le symptôme d'un système qui fonctionne parfaitement selon sa nouvelle logique : non pas traduire la volonté du peuple, mais isoler la classe dirigeante de cette même volonté. Le désordre est un écran de fumée qui justifie l'autoritarisme de l'exécutif, laissant le Parlement jouer son rôle de bouffon du roi, grassement payé pour amuser la galerie pendant que le véritable pouvoir, celui de la bureaucratie, poursuit son œuvre.
Anatomie d'un hold-up légal : le coût de la caste
Au-delà du théâtre politique, il y a la réalité matérielle d'un pillage organisé. Le budget du Parlement n'est pas une simple ligne de dépense ; c'est le financement du train de vie d'une citadelle qui a perdu contact avec le pays qu'elle est censée servir.

Le train de vie de la République : une citadelle à un milliard d'euros
Les chiffres sont une insulte au contribuable. Pour 2024, le budget de l'Assemblée nationale s'élève à 620,05 millions d'euros. Celui du Sénat, pour 2023, atteint 328,74 millions d'euros. Le coût annuel de notre bicamérisme frôle ainsi le milliard d'euros. Cette somme finance bien plus que le travail législatif. Elle couvre des privilèges purs : à l'Assemblée, 7,6 millions pour les voyages et 5,5 millions pour les frais de « représentation » ; au Sénat, 1,65 million pour les « activités internationales ». Pendant que la caste parlementaire voyage, l'État qu'elle est censée contrôler opère des coupes claires dans des services essentiels, comme les 29 millions d'euros en moins pour la sécurité alimentaire.
Tableau 1 : le coût annuel réel d'un député pour le contribuable (estimation 2024)
L'avance de frais de mandat : une caisse noire légale
Le cœur du système de privilèges est l'Avance de Frais de Mandat (AFM), une enveloppe mensuelle de 5 845 euros nets d'impôts, versée sans exigence de justificatifs systématiques. Le rapport 2024 du déontologue de l'Assemblée est un monument d'impuissance : les contrôles sont aléatoires et symboliques. C'est un système à deux vitesses qui scandalise. Tandis qu'un chef d'entreprise est soumis aux contrôles stricts de l'URSSAF, les députés évoluent dans une opacité qui encourage les abus. Pire, la jurisprudence parlementaire est celle de l'impunité : en cas de fraude, il suffit de rembourser pour échapper aux poursuites, consacrant une justice d'exception pour les élus.

L'absentéisme : le mépris ultime
L'absentéisme parlementaire est une culture. Les chiffres sont accablants : le taux de participation moyen aux votes en séance publique n'est que de 25 %. Il grimpe à 43 % pour les votes importants, et n'atteint 89 % que pour les « votes solennels », scrutins médiatisés connus à l'avance. Cet hémicycle vide est le symbole de la dévitalisation du pouvoir parlementaire. Pourquoi siéger, quand les débats sont un simulacre et que le résultat est scellé par la menace du 49.3? Comme l'a relevé un observateur, lors des débats sur le budget, les députés de la majorité étaient tout simplement « absents », leur présence étant devenue inutile.