Israël et Meta : une opération de censure massive contre les publications pro-Palestine révélée

Israël et Meta : une opération de censure massive contre les publications pro-Palestine révélée

Selon des documents internes de Meta obtenus par Drop Site News, le gouvernement israélien a orchestré une censure systématique des contenus critiques envers Israël ou favorables à la Palestine sur Facebook et Instagram. Meta aurait obtempéré à 94 % des demandes de suppression israéliennes depuis le 7 octobre 2023, faisant de cette opération l’une des plus vastes campagnes de censure en ligne de l’histoire post-covid.

Pour mémoire, en aout 2024, dans une missive adressée au Congrès, le PDG Mark Zuckerberg avait exprimé ses « regrets » pour avoir banni des messages susceptibles de diffuser de fausses informations sur le Covid-19 et sur le fils de Joe Biden. Un rapport de l’organisation Human Rights Watch accusait même Meta de restreindre les contenus propalestiniens sur Facebook et Instagram depuis le 7 octobre. Les slogans comme «Palestine libre», «Stop au génocide» ou «Cessez-le-feu maintenant» sont régulièrement supprimés sur Facebook ou Instagram. Après la défaite de Biden, Meta veut désormais mettre fin au programme de fact-checking aux États-Unis, une initiative qui avait été lancée pour lutter contre la désinformation. Mark Zuckerberg a annoncé que ce dispositif serait remplacé par des « notes de la communauté », inspirées du modèle de la plateforme X (anciennement Twitter).Drop Site News a obtenu les données internes de Meta grâce à des lanceurs d’alerte. Ces informations divulguées ont révélé que le gouvernement israélien a effectué des demandes de retrait des messages critiquant l’Etat hébreu, notamment des publications pro-palestiniennes, sur Instagram et Facebook. Les mêmes données ont aussi montré que Meta s’est conformé à à ses requêtes depuis le 7 octobre 2023.

Une censure massive et automatisée

Drop Site News a obtenu des données compilées révélant le fonctionnement interne de « l’Organisation pour l’intégrité » de Meta par des lanceurs d’alerte. Il s’agit d’une organisation qui assure la sécurité et l’authenticité des sites de réseaux sociaux de l’entreprise de Mark Zuckerberg.  Elle est aussi chargée d’étudier les demandes de retrait (RDT – Removal Demand Tickets) déposées par les particuliers, les organisations et les représentants gouvernementaux. Notons que si les contenus ne respectent pas les politiques de Meta, leur suppression est acceptée.

Les données reçues par Drop Site News ont révélé que le gouvernement israélien a demandé une répression radicale des messages qui critiquent l’Etat hébreu ou les publications pro-palestiniennes sur Instagram et Facebook.

Les données divulguées montrent que les utilisateurs arabes et musulmans sont les principales cibles :

  • Égypte (21,1 %)
  • Jordanie (16,6 %)
  • Palestine (15,6 %)
  • Algérie, Yémen, Tunisie, Maroc, Arabie Saoudite, Liban, Irak, Syrie, Turquie (entre 1,5 % et 8,2 %)

Seulement 1,3 % des demandes israéliennes concernent des utilisateurs en Israël, une anomalie comparée aux autres gouvernements qui concentrent leurs efforts sur leur propre population. Ces demandes ciblent principalement des publications qualifiées de « terrorisme » ou d' »incitation à la violence », selon les catégories de modération de Meta.

Pourtant, les documents montrent que 95 % des contenus signalés par Israël concernent des posts pacifiques soutenant la Palestine, souvent publiés par des utilisateurs originaires de pays arabes ou musulmans. Meta aurait supprimé plus de 90 000 publications en quelques secondes, grâce à son algorithme d’intelligence artificielle, entraînant la suppression de 38,8 millions de posts supplémentaires depuis fin 2023.

Meta, un outil au service des objectifs diplomatiques israéliens ?

Notons que chez Meta, les publications signalées font l’objet d’une vérification. Puis, elles sont classées conformes ou non conformes par des modèles d’apprentissage automatique. Si l’IA attribue un score de confiance élevé de non-conformité, les messages sont supprimés automatiquement. En revanche, si le score de confiance est faible, des modérateurs humains doivent examiner les publications.

Pour les gouvernements ou les organisations, les TDR sont déposées via des canaux privilégiés. Par ailleurs, elles bénéficient d’une priorité absolue. En effet, les signalements sont toujours examinés par des modérateurs humains. Leurs avis sont réinjectés dans le système d’IA pour permettre une modération automatique des contenus similaires dans l’avenir.

Selon les documents reçus par Drop Site News, Meta s’est conformé aux demandes d’Israël en suivant une procédure de censure un peu spéciale. En effet, toutes les publications ont été supprimées sans vérification humaine. Selon un rapport de Human Richts (HRW), que les 1.050 publications supprimées sur Facebook ou Instagram, 1049 sont des messages pacifiques qui soutiennent la Palestine. Une seule publication soutenait l’Etat hébreu.

Plusieurs cadres clés de Meta entretiennent des liens étroits avec Israël :

  • Guy Rosen, ancien militaire israélien (Unité 8200), dirige l’équipe « Intégrité » de Meta.
  • Jordana Cutler, responsable des politiques publiques pour Israël chez Meta, est une ex-conseillère de Benjamin Netanyahou. Elle aurait personnellement supervisé la censure de contenus mentionnant des figures palestiniennes comme Ghassan Kanafani.

Ces connexions soulèvent des questions sur l’indépendance de Meta dans sa modération des contenus liés au conflit israélo-palestinien.

Les révélations sur cette collaboration étroite entre Meta et le gouvernement israélien soulèvent des questions fondamentales sur la souveraineté numérique, l’éthique des grandes plateformes, et les droits fondamentaux des utilisateurs à travers le monde. Derrière la promesse d’un Internet ouvert, se cache un système opaque de censure algorithmique, influencé par des intérêts géopolitiques. Il est urgent que les institutions internationales s’emparent de ce dossier pour garantir une modération juste, transparente, et respectueuse des droits humains.

Pour rappel, en début d’année, Mark Zuckerberg avait affirmé que des hauts responsables de l’administration Biden ont fait pression sur lui pour censurer certains contenus pendant la pandémie de COVID-19.