Briefing – Macron déteste les deux aspirations du monde nouveau: la souveraineté nationale et la liberté individuelle

Briefing – Macron déteste les deux aspirations du monde nouveau: la souveraineté nationale et la liberté individuelle


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Au fond, depuis qu'il est président, Emmanuel Macron a au maintes occasions  de sentir la puissance d'un pays souverain et d'une société d'individus libres. Mais il les refuse obstinément. Il s'accroche aux idées des ses années de formation, celles de la "mondialisation heureuse" (pourvu qu'on fût du côté américain).  Comme il sent la société française lui échapper de plus en plus, il profite tant qu'il peut de débats sociétaux qui sont autant de leurres pour tenir à distance, le plus longtemps possible, les requêtes des Français.

Deux grandes réalités tendent à se réimposer dans un monde qui redevient complexe géopolitiquement et qui est porté par la digitalisation toujours plus poussée de l’industrie: le besoin de souveraineté nationale et de liberté individuelle. A voir l’actualité, force est de constater que la caste dirigeante française, Macron en tête,refuse absolument ces deux aspirations, en premier lieu pour leur propre pays.

Quand la Turquie fait comprendre ce qu’est la souveraineté

Avez-vous remarqué l’étonnante séquence qui s’est déployée ces dix derniers jours  entre les Etats-Unis et la Turquie, tous les deux membres de l’OTAN? Après un attentat à Ankara, ayant fait 34 morts et 120 blessés, attribué à des terroristes kurdes, le ministre turc des affaires étrangères a refusé les condoléances des Etats-Unis! Leur reprochant d’avoir, sinon armé, du moins entraîné en Syrie les terroristes, ou leurs commanditaires. Puis la même Turquie a fait savoir aux Etats-Unis son intention de frapper des centres d’entraînement du PKK, le parti indépendantiste kurde. Or dans ces centres se trouvent des instructeurs américains…qui sont donc prier de déguerpir s’ils ne veulent pas finir sous les bombes.  Mais c’est la même Turquie qui tient la dragée haute à Moscou, refusant depuis février le passage de deux bateaux de guerre à travers les Détroits (respect de la Convention de Montreux de 1936) tout en contournant les sanctions  antirusses(au détriment de la solidarité avec l’OTAN) et en négociant à la fois le développement par Rosatom de la centrale nucléaire d’Akkuyu et un soutien financier de la Russie, pour la monnaie turque, rongée par l’inflation.

La souveraineté, facteur de paix?

En fait, la Turquie fait un plein  usage de sa souveraineté. Dans un monde qui devient toujours plus complexe, les Etats ont tendance à redécouvrir que la souveraineté est une boussole bien pratique. En l’occurrence, elle contribue à pacifier les relations internationales car elle amène les Etats à dire clairement ce que sont leurs intérêts. Le monde aspire à une parole directe et franche des chefs d’Etat car le monde de l’hégémonie américaine et de la supranationalité façon Union Européenne apparaît avoir été un monde de l’insincérité, du double langage. Ainsi en est-il de Joe Biden, qui s’est présenté comme l’ami des Européens, mais fait tout, depuis l’été 2021, pour couper l’Allemagne – et donc l’Union Européenne – de la Russie, en termes économiques mais aussi politiques et culturels.

Macron ne sait pas comment ça marche, la souveraineté française

Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir comme l’homme du « post-national » triomphant. Il citait le philosophe allemand Habermas et son « patriotisme constitutionnel » à qui voulait l’entendre. Mais très vite la coqueluche des mondialistes a dû en rabattre. L’Allemagne ne suivait que ses intérêts nationaux et ne s’enthousiasmait pas pour nun « budget de la zone euro ». Le « patriotisme constitutionnel » n’impressionnait pas spécialement les Gilets Jaunes. Il ne suffisait pas, face au Covid 19, de plastronner « nous sommes en guerre! » pour que la France dispose de masques, de suffisamment de lits d’hôpitaux ou que ses chercheurs sachent faire émerger un vaccin. Et puis il y a eu l’éclatement de la guerre entre l’Ukraine et la Russie; et là encore, notre « Mozart des déficits publics » se heurte à la dure réalité de la diplomatie entre nations.  La gifle la plus remarquée qu’Emmanuel Macron ait reçue lui est donnée, dans le dernier numéro du Point par Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères lorsqu’elle dit avec une insolence nonchalante, à propos des interminables discours de médiation avortée du président français, avant et après le début de la guerre: « Macron nous a tous fatigués« .

Le fiasco de l’Ocean Viking

Complexité du monde, redécouverte de l’efficacité de la souveraineté, retour du réel. C’est aussi ce qui se passe avec les migrants de l’Ocean Viking.  Ils étaient plus de 200 à leur débarquement à Toulon. Par décision de justice, des dizaines d’entre eux ont été libérés; d’autres, mineurs, ont fugué. Aux dernières nouvelles, il n’y en aurait que quatre a être renvoyés dans leur pays d’origine. Les oppositions ont beau jeu de se moquer du gouvernement. A ce jeu, c’est Marine Le Pen qui a été la plus efficace.

A vrai dire, on ne se réjouira pas trop vite: aucune proposition, chez Marine Le Pen, pour cesser de subir notre sort. D’une manière générale, on n’a entendu aucune personnalité politique poser la question de l’envoi de la marine française pour bloquer les côtes de Libye ou arraisonner les navires des ONG – ni relier cela à la question des moyens de la marine nationale dans la prochaine loi de programmation militaire. Il vaudrait infiniment mieux, en effet, réaffirmer visiblement la souveraineté française (qui n’est que déléguée à Frontex, laquelle agence européenne ne remplit pas sa mission) plutôt que de se retrouver, impuissant, à devoir accepter une immigration non choisie sur le territoire français – avec tous les débats qui s’enveniment, sur l’identité, le racisme etc…

Les « idiots utiles » du macronisme et le leurre des débats sociétaux

Finalement, ne voulant pas renouer avec une saine notion de la souveraineté nationale, Emmanuel Macron compte sur la multiplication des débats sur des questions symboliques, identitaires, sociétales. Ce sont autant d’écrans de fumée qui sont ainsi déployés, en espérant repousser l’heure de vérité.

La gauche, en particulier, est très forte pour  jouer les « idiots utiles » du macronisme en lançant des débats qui détournent des préoccupations des Français et des enjeux de souveraineté et de liberté.

Alors que la diminution de la production française d’électricité devrait être un sujet crucial du débat politique, on apprend que les sujets de préoccupation sont autres:  les députés qui ne veulent pas voter pour l’interdiction de la corrida reçoivent de nombreux courriers et messages de menace et d’insulte.

Le débat sur la « constitutionnalisationde l’avortement » relève du même type de leurre. Et notons que Marine Le Pen est tombée, volontairement ou non, dans le piège. Ce qui lui vaut (sans qu’elle soit nommée) une réponse cinglante de Marion Maréchal dans le Figaro de ce jour.

Macron refuse autant la liberté individuelle que la souveraineté nationale

La nièce de Marine Le Pen utilise des mots que notre caste dirigeante ne trouve pas moins éculés que « souveraineté »: « prudence », « bien commun » et… liberté. En effet, selon la vice-présidente de Reconquête, en voulant constitutionnaliser l’IVG, on porte atteinte à un pilier fondamental de la société: la liberté de conscience: celle de la femme confrontée à un choix intime; celle du médecin, qui peut ne pas vouloir réaliser l’acte etc…Si la Constitution ne laisse pas d’autre choix que de pratiquer un avortement (loin de l’esprit de la loi Veil de 1975), ce sont les libertés individuelles qui sont un peu plus détruites.

En encourageant discrètement voire en suscitant de tels débats, Macron montre qu’il ne veut pas plus de la liberté individuelle que de la souveraineté nationale.  Il est arrivé au pouvoir comme l’homme du « nudge » (cette technique de pouvoir inspirée des théories dfu management moderne, qui consiste à gouverner en mettant sur la personne  une pression indirecte, qui doit amener  le gouverné non pas là où le portent ses aspirations mais là où le porte la vision du gouvernant pour l’avenir de la société.

Un quinquennat aurait dû faire comprendre à Macron l’aspiration profonde à plus de liberté et de responsabilité individuelle, plus d’autonomie locale. Et pourtant, c’est le contraire qui se passe; la loi de programmation du Ministère de l’Intérieur, dont vous parlait Eric Verhaeghe hier matin, étant le dernier avatar d’une série de lois liberticides.

Son énergie personnelle  et sa jeunesse doivent pas nous faire manquer la caractéristique principale d’Emmanuel Macron: le caractère figé de sa pensée. La modernité apparente de l’homme cache en fait une tendance profondément réactionnaire à s’accrocher aux idées à la mode dans ses années de formation.

Pendant ce temps, la puissance française décline et la société française est soumise à des pressions toujours plus liberticides.


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