Il faut parfois rendre grâce à nos dirigeants. Non pas pour leur efficacité, faut pas pousser, mais pour ces rares moments de lucidité involontaire où, pris de panique, ils lâchent le morceau. Merci donc, infiniment, à Yaël Braun-Pivet.

Les personnels de l’Assemblée nationale font preuve d’un dévouement et d’une neutralité exemplaires au service du mandat confié par les français aux députés.
— Yaël Braun-Pivet (@YaelBRAUNPIVET) November 27, 2025
Je condamne fermement les propos tenus à leur encontre. Nourrir la défiance envers nos institutions et ceux qui les… pic.twitter.com/Yp6t64xLn3
L’affaire est entendue : Pascal Praud, dans son style inimitable de tonton flingueur du PAF, a osé remarquer que l’hémicycle était vide. Shocking. Il a parlé de "classe de chahut" et d’absentéisme. Le crime de lèse-majesté était consommé.
Mais la réponse de la Présidente de l’Assemblée Nationale est un bijou que tout libertarien devrait encadrer au-dessus de sa cheminée. Pour défendre son institution, a-t-elle vanté la qualité des débats? La pertinence des amendements? Que nenni. Elle a sorti l'argument ultime : le personnel.

« Touche pas à ma bureaucratie! »
En substance, Madame Braun-Pivet nous dit : "C’est indigne d’attaquer l’institution car nos fonctionnaires sont dévoués". Ah! Le voilà, le grand secret! Elle avoue, candide, que la boutique tourne très bien sans les élus. Que les députés soient à la buvette, en circonscription ou chez Pascal Praud, peu importe : l'administration, elle, est là.

C’est l’aveu magnifique du parlementarisme contemporain : une démocratie Potemkine. La façade est élue, mais l'arrière-boutique, celle qui rédige, qui gère et qui décide de la recevabilité technique de vos espoirs, est une bureaucratie inamovible. Comme le théorisait Ludwig von Mises (que Yaël n'a sans doute pas lu entre deux rappels au règlement, mais dans lequel elle pourrait utilement se plonger), la bureaucratie finit toujours par devenir sa propre finalité.
Le Député, cet accessoire coûteux
Si l'institution repose sur son administration "dévouée", à quoi servent les 577 intermittents du spectacle qui siègent (parfois) sur les bancs rouges? Ils sont devenus l'interface utilisateur (UI) buggée d'un système d'exploitation (OS) technocratique. Ils sont là pour la photo, pour l'invective, pour le théâtre. Mais le script, lui, est écrit par des gens que personne n'a jamais choisis.
Le contribuable, ce grand cocu de l'histoire, paie donc deux fois : une fois pour l'administration qui fait le travail, et une fois pour l'élu qui fait semblant de le faire. C'est ce que Hans-Hermann Hoppe appellerait poliment une expropriation parasitaire.
Vivement la démocratie liquide!
Alors, que faire? Continuer à pleurer devant CNews? Non. Il faut prendre Yaël Braun-Pivet au mot. Puisque la présence physique des élus est accessoire, supprimons-la.

C'est là qu'Éric Verhaeghe et le Courrier des Stratèges ont vu juste avant tout le monde. L'avenir, c'est la démocratie liquide. Imaginez un monde sans hémicycle vide, sans indemnités de frais de mandat, sans "classe de chahut". Un monde où vous votez vous-même vos lois depuis votre smartphone grâce à la blockchain. Un monde où, si vous avez la flemme de lire le projet de loi de finances (on vous comprend), vous déléguez votre vote, non pas à un parti pour 5 ans, mais à un expert de confiance, pour 5 minutes ou 5 jours. C'est la transitivité du vote.
- Je donne ma voix à mon voisin pour l'écologie.
- Je la donne à Éric Verhaeghe pour l'économie.
- Et si Éric Verhaeghe dit une bêtise (ça peut arriver, même aux meilleurs), je reprends ma voix en un clic.
Plus de chèque en blanc, plus de trahison post-électorale, et surtout : plus besoin de cette armée mexicaine administrative que Mme Braun-Pivet défend avec tant de zèle.
Alors merci, Madame la Présidente. En voulant clouer le bec à Pascal Praud, vous avez planté le dernier clou dans le cercueil de la démocratie représentative. Le Roi est nu, et il est temps de le remplacer par un réseau pair-à-pair.


