Il est des rituels en politique française qui tiennent moins de la gestion de la Cité que de la danse de la pluie. Lorsque l’orage économique gronde, nos sorciers parlementaires, drapés dans leurs écharpes tricolores, s’imaginent qu’il suffit d’agiter le totem de l’État pour que le soleil de la prospérité revienne. La récente adoption par la commission des finances de l’Assemblée nationale, ce 19 novembre 2025, de la proposition de loi LFI visant à nationaliser les sites d’ArcelorMittal en France, appartient à cette catégorie de gestes magiques : inutiles, coûteux, et tragiquement déconnectés du réel.

Portée par la députée Aurélie Trouvé, cette initiative prétend "sauver la souveraineté industrielle" et les emplois de Dunkerque face aux méchants actionnaires de la famille Mittal. Le diagnostic est simple, binaire, marxiste : le capital est coupable, l’État est sauveur. Pourtant, quiconque possède quelques notions d’économie et de géographie sait que le mal qui ronge la sidérurgie française ne siège pas au conseil d’administration d’ArcelorMittal, mais bien dans les bureaux feutrés des ministères parisiens et de la Commission européenne. Dunkerque ne meurt pas du libéralisme ; Dunkerque meurt de la sclérose d’une France avachie par l’impôt et ligotée par la norme.


Le mythe du "Grand Soir" industriel
Commençons par évacuer la chimère de la nationalisation. L’idée qu’un haut fonctionnaire de Bercy, qui n’a jamais vu une brame d’acier de sa vie, saura mieux gérer un haut-fourneau qu’un industriel mondialisé relève de la psychiatrie lourde. Nous avons déjà joué cette pièce de théâtre avec Usinor-Sacilor. Le résultat est connu : des gouffres financiers comblés par le contribuable, suivis d’une privatisation inéluctable pour sauver ce qui pouvait l’être.

La vérité est cruelle mais simple : il faut laisser ArcelorMittal s'adapter. Et pour qu'il s'adapte, il faut lui enlever les boulets que nous lui avons mis aux pieds. Si la France redevient un paradis pour la production (et non un paradis pour la redistribution sociale financée par la dette), l'acier coulera à nouveau à flots à Dunkerque. Sinon, la nationalisation ne sera que l'antichambre de la fermeture définitive, et le site finira en friche industrielle, mémorial rouillé d'une classe politique qui a préféré le confort des mensonges à la rudesse de la liberté.
L'exemple britannique est encore fumant : le Royaume-Uni a dû intervenir pour sauver British Steel à Scunthorpe. Résultat? L'usine continue de perdre de l'argent (on parle de 700 000 livres par jour) car le changement de propriétaire ne change pas les lois du marché. Nationaliser Dunkerque, ce n'est pas sauver l'usine, c'est nationaliser ses pertes. C'est transférer la facture de notre incompétence collective sur les générations futures, sans régler aucun des problèmes structurels qui rendent la production d'acier en France non rentable.
Le tsunami chinois : quand la réalité frappe à la porte
Le premier de ces problèmes est une donnée que la représentation nationale semble ignorer superbe : la surcapacité mondiale. L'acier est une commodité globale. Son prix ne se décide pas à l'Assemblée nationale, mais sur les marchés internationaux.
