[ABONNES] Droites: défaite à la présidentielle mais victoire aux législatives?
30.05.1968, manifestation de soutien au général de Gaulle.

[ABONNES] Droites: défaite à la présidentielle mais victoire aux législatives?


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A droite, de quelque côté qu'on se tourne, les machines à perdre sont construites, livrées même, et les moteurs ont commencé à tourner. Il ne s'agit pas de dénigrer ni de vouloir décourager qui que ce soit. Mais il faut regarder la réalité en face. En fait il n'existe que deux scénarios. Celui, improbable, d'une candidature capable de bouleverser la donne en quelques mois. Soit prendre date pour commencer à reconstruire la droite de fond en comble et construire les conditions d'une conquête du pouvoir. Y compris en ayant en ligne de mire un premier combat, celui des législatives.

La farce des primaires de la droite et du centre

Elles aident à noircir les colonnes des journaux papier qui subsistent ou à multiplier les notifications sur les smartphones. Il s’agit des « primaires » de la droite et du centre. Auront-elles jamais lieu? Les deux candidats qui sont en tête dans les sondages , Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, ne font plus partie, formellement de LR; Laurent Wauquiez, dont la candidature aurait pesé dans la primaire, s’est retiré; tout comme Bruno Retailleau, qui comptait sur elle pour imposer une ligne plus conservatrice. Alors, organisera-t-on des primaires pour départager ceux que n’ai pas encore nommés? Eric Ciotti, Philippe Juvin, David Lisnard (qui n’a pas encore annoncé ses intentions), Denis Payre chercheraient-ils à partir en lice contre Michel Barnier? Et ce dernier a-t-il intérêt à faire autre chose qu’à se tenir en embuscade, au cas où la guerre entre Pécresse et Bertrand tournait mal et une candidature de rassemblement devenait nécessaire? 

Plus grand monde ne croit aux primaires, par conséquent. Valérie Pécresse commence à faire entendre une musique qui ressemble furieusement à celle de Xavier Bertrand: elle est candidate à l’élection présidentielle, non aux primaires. Elle compte furieusement sur la dynamique des sondages, qui montre qu’elle rattrape Xavier Bertrand – ou que celui-ci s’essouffle, comme on voudra. Quant à Christian Jacob, le président de LR, il entretient l’ambiguïté. Les primaires auront lieu, assure-t-il mais il y aura un processus d’étude préalable de l’opinion – lequel, pour autant, ne testera pas le score potentiel des candidats – mais lesquels? Tout cela tourne à la farce et révèle l’incapacité à incarner une opposition à Emmanuel Macron. 

Rien de nouveau, à vrai dire. La galaxie des Républicains laisse passer les unes après les autres les occasions pourtant tendues sur un plateau par Emmanuel Macron: affaire Benalla,  crise des Gilets Jaunes, incompétence révélée lors de la (non-)réforme des retraites, gestion désastreuse de la crise sanitaire, effondrement de LREM aux élections régionales, autoritarisme du gouvernement à l’occasion du passe sanitaire.…Eh bien, rien de tout cela n’est exploité par les candidats à la candidature. Ils préfèrent se succéder chez Nicolas Sarkozy, pour espérer un adoubement de sa part. 

A vrai dire, la compétition de Xavier Bertrand et Valérie Pécresse pour savoir qui dépassera l’autre autour de 15% n’est pas étonnante: l’électorat sent bien que l’on aurait, avec eux, une version plus sympathique du macronismeet un dirigeant plus équilibré serait déjà un progrès, nous en conviendrons. Mais l’opinion française, dans ses profondeurs, sent bien que le sursaut ne peut pas venir de deux chiraquiens s’efforçant de faire du sarkozysme électoral et dont les noms ont circulé pour succéder à Edouard Philippe à Matignon

Ailleurs à droite: Marine Le Pen est usée mais Eric Zemmour a encore des problèmes de rôdage

Au Rassemblement national, on est prêt à le reconnaître sous le sceau de l’anonymat. Le ressort est cassé. En fait, les élections régionales ont révélé l’échec de toute la stratégie de Marine Le Pen. Elle a tellement joué le jeu de la « normalisation » que l’électorat populaire est resté chez lui aux élections régionales. Le parti paie l’exclusion ou la marginalisation de la ligne Marion Maréchal, l’obsession de Marine Le Pen d’y arriver sans alliances en même temps que son enfermement dans un phénomène de cour permanent: avant les régionales, dans l’entourage de la Présidente, on se répartissait à l’avance les maroquins ministériels; à présent on explique que le rebond est pour la fin de l’année, quand la campagne commencera vraiment. Et on se rassure en disant qu’Eric Zemmour mord plutôt sur l’électorat LR que sur l’électorat RN. 

Eric Zemmour, justement, entretient le suspense: ira, ira pas? Il peut se féliciter de l’audimat (une pointe à presque 700 000 téléspectateurs lors de la reprise de Face à l’info sur CNews le 30 août dernier). Et le polémiste s’apprête à savourer la sortie de son livre, à la mi-septembre, La France n’a pas dit son dernier mot. Mais on est encore loin de la capacité à démarrer une vraie campagne politique.

D’abord, Eric Zemmour n’est pas sûr de vouloir définitivement larguer les amarres: ses actuels employeurs – Le Figaro, CNews, n’ont pas donné d’assurances au chroniqueur quant à l’avenir dans le cas où il franchit le Rubicon de la candidature. Les signes envoyés sont…ambigus. Eric Zemmour se met en congé du Figaro le temps de la promotion de son livre. La question de son avenir à CNews en cas de retour après une candidature ,’est pas clarifiée. Et l’ombre de la mésaventure subie chez Albin Michel avant l’été porte encore. 

 De plus, d’après nos informations, le candidat peine à trouver les parrainages de maires pour une candidature. Quel que soit son audimat et ses succès de librairie, les maires ruraux apolitiques, qui pourraient constituer un réservoir de signataires, connaissent peu ou mal Eric Zemmour. Les maires étiquetés LR ne souhaitent pas signer. Et les maires proches de la majorité présidentielle, qui pourraient avoir intérêt à pousser une candidature Zemmour hésitent: même s’il ne mordait qu’à la marge sur l’électorat de Marine Le Pen , n’y a-t-il pas le risque de priver cette dernière de second tour – et donc de rendre plus difficile la réélection d’Emmanuel Macron?

Ajoutons, en plus, que la pré-campagne du candidat a du mal à établir des fidélités et des réseaux solides. On se sert beaucoup des carnets d’adresse de la droite « hors les murs » ou des réseaux de Sarah Knafo – jeune énarque  qui avait déjà tenté une campagne en présidant Les Jeunes avec Guaino en 2016 –  mais on oublie de renvoyer l’ascenseur – le B–A-BA  de la politique. Et puis, plusieurs personnes contactées (hauts fonctionnaires, industriels, universitaires) m’ont dit, dans des styles différents, être déconcertées par le manque de lisibilité: absence de clarté sur qui fait quoi dans la campagne; incertitude sur l’utilisation qui sera faite d’un soutien ou d’un contact transmis; incapacité à répondre sur un éventuel rebond aux législatives etc...

Peut-être le moteur Zemmour se mettra-t-il à tourner au régime souhaitable. mais il a encore besoin de rodage. 

Les élections législatives, première occasion à saisir?

La question posée par plusieurs interlocuteurs à Eric Zemmour est la bonne: en admettant qu’il fasse un bon score au premier tour de la présidentielle ( les sondages le créditent actuellement de 7%, en augmentation de 2 points depuis juin et mes échanges avec deux instituts de sondage donnent à penser que, s’il professionnalise sa campagne, le candidat pourrait créer une surprise à 10%), il faudra transformer l’essai et structurer une force pour les élections législatives afin de participer à la reconstruction de la droite. 

En fait, nous sommes face à un constat plus large. Emmanuel Macron a, pour l’instant, les meilleures chances de gagner l’élection présidentielle. Le bouleversement des règles du jeu à l’occasion de son discours du 12 juillet 2021 pour imposer le passe sanitaire n’y est pas pour rien.  Cependant, les difficultés commenceront pour lui au soir de l’élection présidentielle. Le second tour de l’élection présidentielle ayant lieu avant la fin avril, il s’écoulera environ 50 jours entre l’élection du président et les élections législatives. Plus que lors des trois derniers débuts de quinquennats. C’est-à-dire que le temps d’une vraie campagne existe. Et elle pourrait voir émerger une majorité qui ne soit pas alignée complètement sur le Président réélu: la première cohabitation en quinquennat. 

C’est d’ailleurs la carte que joue une partie des milieux économiques. A l’université d’été du MEDEF, on a beaucoup entendu parler, dans les couloirs, de la cohabitation à venir entre un Emmanuel Macron réélu  et une vraie majorité au centre-droit, multipartisane. C’est d’ailleurs ce qui explique que plusieurs poids lourds du patronat aient renoncé à essayer de remplacer Macron. Ils préfèrent se dire qu’à la différence de ce quinquennat, il existera inévitablement (voir le faible score de LREM aux régionales) un contrepoids parlementaire. 

Nous partageons l’analyse sur un point: si Emmanuel Macron devait être réélu, il aurait mangé son pain blanc. Les difficultés commenceront aux lendemains de l’élection. Et les législatives pourraient le priver d’une majorité propre. En revanche, il nous semble que ce scénario devrait être utilisé autrement: Edouard Philippe et Jean Castex sont là pour prouver qu’une expérience où Valérie Pécresse ou Xavier Bertrand seraient Premier ministre d’un deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron n’aurait rien d’original. En revanche, on pourrait imaginer qu’une droite plus offensive puisse créer la surprise et causer de réelles difficultés au Président réélu. 

Dans le cas où Emmanuel Macron serait réélu, il faut préparer dès maintenant les conditions d’une réunion à droite de tous ceux qui voudraient – et pourraient empêcher l’installation du système de réassurance d’un quinquennat Macron II: « Les Républicains En Marche ». Si cohabitation il devait y avoir, elle devrait être une cohabitation de combat. 

C’est un scénario que nous développerons en détail dans notre prochain numéro.  


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