????Hydroxychloroquine, masques : les manquements accablants de Jérôme Salomon apparaissent


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Que ce soit sur l’hydroxychloroquine ou sur les masques FFP2 (ou autres d’ailleurs) l’audition de Jérôme Salomon, dont nous rapportons ici les moments les plus significatifs, le 16 juin à l’Assemblée Nationale a surtout mis en évidence les manquements personnels du directeur général de la Santé. Qui ne semble exprimer, malgré les demandes répétées des députés, aucun regret sur les nombreux ratés de l’État. Cette culture du déni, typique des élites, pose un vrai problème démocratique.

Que ce soit sur l’hydroxychloroquine ou sur les masques, ou encore sur les tests, Jérôme Salomon a répondu aux députés membres de la Commission d’enquête parlementaire présidée par l’ex-socialiste (devenue LREM) Brigitte Bourguignon, et dont Éric Ciotti est le rapporteur (très bon dans l’exercice, au demeurant), avec une langue de bois affligeante qui a épuisé la représentation nationale. Trop peu de questions ont trouvé des réponses. Cet exercice d’esquive est emblématique du mépris de la haute fonction publique pour la démocratie.

Jérôme Salomon, incarnation et porte-parole de la technostructure

Tout au long des 4h30 d’audition par la commission parlementaire, Jérôme Salomon ne s’est pas départi une seule fois de son style de haut fonctionnaire : technique, neutre, froid, sans opinion personnelle assumée, retranché en permanence derrière des considérations en apparence objective, mais soigneusement triées pour perdre l’auditeur et l’induire dans un flou artistique à l’avantage du locuteur.

On notera que si le directeur général de la santé a adressé des pensées (mais pas des regrets) aux victimes du coronavirus, il a surtout rendu hommage à la poignée de hauts fonctionnaires de la cellule de crise, qu’il a trouvés très à l’écoute du terrain, très efficaces, et particulièrement exemplaires. On a cru rêver.

Mais le ton était donné : Salomon est venu dire tout le bien de son action, et tout le bien de l’action de son administration, sans exprimer de regrets, ni de remords, ni de remarque négative explicite sur les différents désastres qui ont émaillé ces trois ou quatre mois de pandémie virulente. Il était là pour rendre justice aux technocrates injustement attaqués par de mauvais coucheurs. Pour le reste, il a systématiquement refusé de donner une opinion personnelle. Comme si faire l’apologie d’une administration défaillante n’était pas un déni personnel apporté aux évidences qui ont exaspéré les citoyens au service desquels il devrait se situer.

Comment Éric Ciotti a ferré le poisson

Ces esquives permanentes, pointées avec agacement par de nombreux députés de tous les partis (LREM comprise) n’ont finalement rien pu contre l’obstination courtoise d’Éric Ciotti qui a, avec beaucoup d’habileté, replacé Jérôme Salomon devant ses contradictions. En revenant aux faits, Ciotti a fait dire à Jérôme Salomon qu’il avait effectivement pris note de la recommandation des experts réunis par Santé Publique France en 2019 de porter le stock à 1 milliard de masques. Il a fait reconnaître à Jérôme Salomon qu’entre octobre 2018 et février 2020, aucune commande de masques n’était intervenue, alors même que, en octobre 2018, une expertise portant sur l’état des 700 millions de masques restant en stock a conduit à la destruction de ceux-ci.

C’est à peine si Jérôme Salomon, en janvier 2020, a estimé les besoins en masques pour les soignants à 1 million, chiffre ridiculement bas…

L’obstination de Ciotti à mettre Salomon devant ses contradictions a permis de faire apparaître les faiblesses d’un directeur général très beau parleur, mais dont les qualités managériales et décisionnelles ont tardé à se manifester…

Une responsabilité écrasante de Jérôme Salomon dans le désastre ?

Sur la seule affaire des masques, qui est au coeur de l’exaspération des Français dans la gestion de la crise, la commission parlementaire n’a pas permis d’apporter la preuve indiscutable de l’hostilité personnelle de Jérôme Salomon à un équipement large de la population. Mais on a bien senti que l’idée de doter tous les Français de masques, comme le recommandaient les experts de Santé Publique France, ne le ravissait pas non plus.

Surtout, Salomon n’est pas parvenu à donner des raisons satisfaisantes à son indifférence manifeste pour la constitution recommandée officiellement par Santé Publique France de la constitution d’un stock d’1 milliard de masques. Il a beaucoup argumenté sur le principe d’un stock tournant de quelques centaines de millions de masques. Mais personne n’avait entendu jusqu’ici parler de cette doctrine, et le directeur général de la santé n’est guère parvenu à convaincre les députés qu’elle était partagée par d’autres décideurs que lui-même.

De là à penser que Salomon a pris tout seul dans son coin l’initiative de modifier la doctrine collective de la France arrêtée depuis plusieurs années… il n’y a qu’un pas.

« L’objectif de la France n’est pas de créer une immunité collective en créant une deuxième puis une troisième vague, ça nous paraît trop dangereux. L’objectif est d’empêcher la circulation du virus, et d’avoir des conditions favorables pour gagner du temps par rapport à l’arrivée de médicaments efficaces ou de vaccins. »   

Jérôme Salomon

Salomon a cherché à embourber la représentation nationale

Le plus gênant, dans les images de l’audition parlementaire, tient au sentiment que ce haut fonctionnaire a cherché à se soustraire au contrôle démocratique en éludant les questions qui l’embarrassaient. On retiendra par exemple que Jean-Christophe Lagarde, député UDI, lui a demandé s’il avait, en 2016, informé Marisol Touraine (dont il était conseiller) aussi bien qu’Emmanuel Macron à qui il avait envoyé une note sur l’impréparation de la France face aux pandémies. Cette question de la loyauté d’un conseiller de cabinet vis-à-vis de sa ministre n’était pas inintéressante. La réponse de Salomon est restée vaseuse et floue.

Plus globalement, les députés ont régulièrement demandé au directeur général de la Santé d’exprimer ses opinions personnelles sur les dossiers. L’intéressé a systématiquement esquivé les demandes, comme s’il était une machine, ou un simple exécutant appliquant sans marge de manoeuvre des procédures scientifiques.

Ce manque de sincérité dans son rôle exact n’a pas joué en sa faveur. Il devrait être auditionné une nouvelle fois.

Une caricature du haut fonctionnaire

Le seul fait que le directeur général de la santé ait, en permanence, plaidé qu’il n’avait pas d’opinion personnelle et qu’il avait parfaitement fait son travail se comprend au regard des contraintes imposées par les procédures pénales engagées contre lui. Il peut difficilement reconnaître aujourd’hui des torts qui ne manqueront pas d’être rappelés devant les juges d’instruction.

Il n’en reste pas moins que, au-delà de cette circonstance, les Français qui ont regardé l’audition parlementaire ont découvert ce qu’était un haut fonctionnaire dans toute sa splendeur. Derrière le parfait phrasé du bourgeois éduqué, ils ont senti une personnalité capable de conserver jusqu’au bout la langue de bois, produisant de façon spontanée des contre-vérités sans broncher, et contestant des évidences indiscutables. Salomon a en réalité livré une guerre de mots : il a refusé de dire les choses qui n’entraient pas dans son story-telling.

Et c’est cette capacité à escamoter la réalité qui gêne qui se trouvera sans doute au coeur des débats à venir.


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