En France, les discours sur la vie privée oscillent souvent entre furieuse défense des libertés individuelles et acceptation passive, quotidienne, d’un traçage numérique sans précédent.

Cette schizophrénie collective, où l’on réclame la protection des données tout en adoptant massivement des plateformes ultra-intrusives, aboutit à des contradictions vertigineuses — et parfois tragiques. Le cas récent du pont de Saint-Nazaire / barrage entre Saint-Nazaire et Saint-Brévin, où une caméra de prévention fait l’objet d’un long contentieux, est emblématique de cette contradiction.
Le pont de Saint-Nazaire : une mise en scène dramatique de l’échec bureaucratique
Le département se proposait d’installer des caméras autour du pont/joint au barrage sur l’estuaire de la Loire — un lieu hélas associé à plusieurs suicides — pour détecter en temps réel les personnes en détresse, alerter les secours et potentiellement sauver des vies.
Ce projet ne visait pas la surveillance policière, ni la vidéosurveillance de foule, ni l’idéologie sécuritaire. Il visait l’humain : la prévention du suicide.
Et pourtant, la préfecture a rejeté l’installation. Toute vidéosurveillance de l’espace publique est en effet soumise à autorisation. Le préfet a attaqué la collectivité : les règles de protection des données, les procédures CNIL, la crainte de la “surveillance arbitraire”, la peur de la revente des images… Bref : tout ce que l’État brandit comme principes supérieurs s’est retrouvé utilisé pour… bloquer un dispositif de sauvetage. C’est ce que certains appellent le maximalisme de la vie privée.

La schizophrénie numérique des Français : RGPD d’un côté, TikTok& cookies de l’autre
Cette contradiction ne concerne pas que les institutions. Elle est aussi profondément ancrée dans notre comportement collectif.
🔹 Le RGPD et les cookies : un simulacre de protection
Le RGPD a imposé aux sites web de soumettre le consentement des internautes avant d’activer les traceurs. Le résultat ? Les utilisateurs, quotidiennement saturés, cliquent quasi systématiquement sur « OK, accepter » — non par adhésion, mais par automatisme. Le consentement devient une formalité mécanique. L’illusion de protection règne, tandis que le pistage continue à plein régime.
Beaucoup de temps est accordé au RGPD et au DPOs dans les PME… Généralement sur des enjeux qui n’en sont pas.
🔹TikTok et l’avachissement numérique
Pendant ce temps, les Français se ruent sur les réseaux sociaux les plus intrusifs — notamment TikTok. En 2025, la plateforme dépasse les 27 millions d’utilisateurs mensuels en France et ce malgré les alertes récentes — notamment les travaux d’une commission d’enquête parlementaire ayant montré que TikTok pousse les plus jeunes vers des spirales addictives, voire suicidaires.