Urbi et Orbi n°1: vers une alliance du « Great Reset » et de l’autel? Quand l’Eglise fréquente les ennemis de la liberté

Le Courrier des Stratèges lance une lettre confidentielle hebdomadaire consacrée aux nouvelles de l'Eglise catholique: "Urbi et Orbi". Nous sommes frappés de voir combien les questions qui se posent pour l'ensemble de la société concernant la destruction des libertés se pose aussi de manière aiguë pour l'Eglise. Elle avait été au XXè siècle le fer de lance de la lutte contre les totalitarismes; et elle semble devenir aujourd'hui un fervent supporteur des pouvoirs en place et du nouvel ordre mondial. Que s'est-il passé? La question mérite d'autant plus d'être posée que l'on manque aujourd'hui - en langue française - de médias qui rendent compte de cette crise de l'Eglise. Les médias existants sont soit ralliés au Great Reset soit prisonniers d'un respect exagéré du Pape - comme si l'infaillibilité pontificale n'était pas limitée à la foi et aux moeurs et liée à la fonction, non à la personne du Souverain Pontife. Aujourd'hui, nous commençons d'ailleurs ce numéro 1 d' "Urbi et Orbi" par une exploration impertinente du style de gouvernement de François, premier du nom. Et nous nous interrogeons plus largement, à propos de la succession de Monseigneur Aupetit sur la tentation "néo-concordataire" qui menace l'Eglise. Il y aurait pourtant urgence à sortir de l'alliance malsaine entre le "Great Reset" et une partie de la hiérarchie épiscopale.
Qui est le vrai François? L’homme qui sourit aux foules (comme en 2014 en Corée sur la photo ci-dessous), dont on a encensé lors de son élection au Souverain Pontificat le sens du contact, la proximité avec les gens? Peut-être la vidéo ci-dessous, datant du 31 décembre 2019, dit-elle beaucoup de cet homme aux humeurs changeantes: alors qu’il était tout sourire en saluant la foule, une femme lui agrippe la main et lui parle en le suppliant – voulant attirer son attention, d’après ce qu’ont décryptés certains internautes, sur les chrétiens persécutés en Chine; François passe du sourire à la méchante humeur et tape sur la main de la femme pour se dégager. Quelques heures plus tard, le Saint-Siège publiait un communiqué d’excuses…..

Ou bien l’homme au visage fermé – « de pierre » disent certains avec un très mauvais jeu de mots -, que ses anciens collaborateurs à Buenos Aires décrivent comme irascible; et dont on dit au Saint-Siège qu’il pousse des colères phénoménales en jurant comme un charretier? .
Un pape jacobin? La mise au pas de l'Ordre de Malte
Les derniers jours de janvier sont venus confirmer que François pouvait avoir mauvais caractère. Vendredi 28 janvier il semblait qu’un accord avait été trouvé entre l’Ordre de Malte et le représentant du Saint-Père, le Cardinal Tomasi, chargé de la réforme de l’Ordre. Remontant à l’époque des croisades, l’Ordre est souverain, même s’il prête obéissance au Pape; c’est-à-dire qu’il a sa juridiction propre. Les instances de l’ordre sont prêtes à accepter des réformes demandées par le Saint-Siège, pourvu que la souveraineté qu’elles ont la charge de mettre en oeuvre soit préservée. Or François ne l’entend pas de cette oreille. Le samedi 29 janvier, il a suspendu l’accord que son représentant avait conclu avec l’Ordre et annoncé qu’il déciderait seul de la réforme ultime de l’Ordre.
Ira-t-on ainsi au point d’aboutissement d’un coup de force amorcé en 2017 lorsque le même Pape François avait contraint Matthew Festing, grand-maître de l’Ordre, à la démission?
Il semble bien qu’il y ait une constante dans le gouvernement de l’Eglise par François. Mettons bout à bout: la mise au pas des Franciscains de l’Immaculée, celle de l’Ordre de Malte, la limitation visant à l’extinction, de la messe tridentine; et mettons en face l’accord avec la Chine populaire, le soutien à un ordre écologique mondial, le soutien à la censure sur les réseaux sociaux, la vaccination obligatoire pour les personnes travaillant au Saint-Siège….
Ce n’est pas seulement que le Pape préfère la modernité à la tradition: il il est porté spontanément vers tout ce qui permet une centralisation du pouvoir, qui abolit la subsidiarité, les libertés associatives et le « self-government » – contre les habitudes catholiques.
Un pape franciscain? Non, un pape jacobin !
Monseigneur Ravel est-il le prochain archevêque de Paris?

Après avoir parlé du pape très jacobin qu’est François, premier du nom, parlons d’un personnage très napoléonien. Monseigneur Luc Ravel, archevêque de Strasbourg, sera-t-il le prochain archevêque de Paris? C’est en tout cas le nom qui circule souvent actuellement quand on essaie de savoir qui pourrait succéder à Monseigneur Michel Aupetit, dont le Pape a accepté la démission le 2 décembre dernier.

Monseigneur Aupetit avait été mis en cause dans un article du Point paru le 22 novembre 2021 qui mentionnait une possible liaison – furtive – avec une femme, contre les voeux de célibat du prêtre. Rien n’a été prouvé en l’occurrence. Mais de façon très étonnante, l’archevêque de Paris quittait ses fonctions le 2 décembre 2021, soit dix jours après l’article, après avoir remis sa charge entre les mains du Pape François, qui, à la surprise générale, l’a acceptée.
Pour expliquer ce tsunami, on a invoqué la publication récente du rapport Sauvé sur les crimes de pédophilie commis par des prêtres et des laïcs au service de l’Eglise; cela faisait mauvais genre – en tout cas si on ne respecte pas la présomption d’innocence ! – d’avoir un archevêque en contravention avec le célibat sacerdotal, surtout chez un homme connu pour son intransigeance sur les sujets bioéthiques; on a imaginé aussi qu’une vengeance avait eu lieu du fait du comportement autoritaire de l’archevêque qui avait mené, en 2021, à la démission de deux vicaires généraux; mais aussi à des conflits avec des communautés aussi différentes que la paroisse Saint Merri, l’école libre Saint Jean de Passy et les fidèles adeptes de la messe tridentine. Et puis il y a cette très curieuse déclaration du Pape François pour justifier son acceptation de la démission de l’archevêque de Paris:
Pour ceux qui connaissent bien le Pape François, il s’agit d’une méthode de pouvoir typique de l’ancien cardinal-archevêque de Buenos-Aires: commenter, comme s’il était spectateur, une démission qu’il n’était pas obligé d’accepter. En tout cas, le départ de Monseigneur Aupetit a causé un grand trouble dans le diocèse de Paris, parmi les prêtres et les fidèles, choqués qu’une simple campagne de presse puisse avoir raison d’un évêque.
C’est pourquoi la question du successeur agite les esprits. Alors, pourquoi parle-t-on de Monseigneur Ravel, archevêque de Strasbourg depuis 2016, après avoir été évêque aux armées? En 2019, l’archevêque avait publié un livre remarqué sur la meilleure manière pour l’Eglise de surmonter la crise causée par des abus sexuels: Comme un coeur qui écoute. Un livre critiquant un certain cléricalisme ayant conduit à l’absence de mise en cause sérieuse dans de nombreux diocèses de prêtres ayant commis des abus – aussi peu nombreuses fussent ces brebis galeuses.
Cependant, même si la parole de Monseigneur Ravel sonne juste dans une Eglise sonnée par ce qu’elle a déclenché avec le rapport Sauvé, cela ne suffirait pas à justifier qu’on s’intéresse autant à l’archevêque de Strasbourg comme un possible successeur de Monseigneur Aupetit.
Pour comprendre ce qui est en jeu, rien ne vaut de regarder attentivement la vidéo de la cérémonie en petit comité au cours de laquelle, en janvier 2021, Monseigneur Ravel s’est vu remettre la Légion d’Honneur par Madame Brigitte Klinkert, ministre déléguée en charge de l’Insertion.
On y voit un homme brillant, bon orateur, assez pince sans rire. Et l’on se dit qu’il possède sans doute une onctuosité ecclésiastique qui fait défaut à Monseigneur Aupetit. On imagine aussi que cet ancien évêque aux armées saurait séduire un publique catholique parisien majoritairement conservateur.
Cependant le plus frappant du discours archiépiscopal tient à la délectation avec laquelle l’archevêque de Strasbourg évoque l’implication de l’Eglise aux origines de la Légion d’Honneur et, plus généralement l’atmosphère post-concordataire du Consulat et de l’Empire. Et l’on se dit qu’il y a de quoi ravir le régime macronien.
Au fond Monseigneur Ravel témpoigne bien d’une dérive de la hiérarchie ecclésiastique, que l’on peut faire remonter au Cardinal Lustiger, prônant dès les années 1980 une sorte de relation néo-concordataire entre l’Eglise et l’Etat. L’Alsace comme laboratoire d’une nouvelle relation entre l’Eglise et la République? Ecoutez comme Monseigneur Ravel est heureux de lire la description de l’insertion de la cérémonie fondatrice de la Légion d’Honneur dans une messe à Saint Louis des Invalides en 1804. Ou comme il rappelle que l’Eglise prie pour la République. Et rapprochez cela du zèle avec lequel il a plaidé pour la vaccination dans son diocèse:
En septembre 2021, Monseigneur Ravel se faisait ainsi le double relais du Pape François – présentant la vaccination comme un « acte d’amour » – et du gouvernement poussant depuis le discours présidentiel du 12 juillet 2021 à la vaccination obligatoire de certains métiers et à un nudge vaccinal pour le reste de la société.
Au fond, le style est différent mais Monseigneur Ravel ne se sent pas en phase seulement sur le sujet de la vaccination avec François. La crise est plus large: les deux hommes partagent la même envie d’une nouvelle alliance du trône et de l’autel. Le trône est aujourd’hui occupé par des hommes et des idées progressistes – incompatibles avec le christianisme – mais qu’importe: dans l’Eglise aux dimensions du monde léguée par le pontificat de Saint Jean-Paul II (1978-2005), il est rassurant pour un successeur du pape polonais et pour bien des évêques de s’appuyer sur le pouvoir politique pour continuer à exister plutôt que d’affronter les deux défis que l’Eglise doit relever: la baisse de la pratique et la sécularisation (au moins dans la vieille « chrétienté » européenne); le surgissement de communautés nouvelles ou traditionnelles mais toujours actives et qui donnent du fil à retordre à leurs évêques – ne serait-ce que parce qu’elles aiment la continuité de l’Eglise et se méfient du progressisme.
Monseigneur Aupetit avait certainement des défauts; mais n’est-il pas tombé aussi parce qu’il ne flattait pas les puissants et qu’aucun d’entre eux n’a volé au secours d’un évêque qui avait dit plus clairement que d’autres ses désaccords sur la loi bioéthique?
En tout cas il ne fait aucun doute que si le successeur devait être Monseigneur Ravel, il le devrait largement à son enthousiasme néo-concordataire.
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