Lors de son investiture en janvier dernier, Donald Trump promettait à l'Amérique un "nouvel âge d'or". Il s'était vendu à l'électorat, et à une partie du monde fascinée par son discours, comme le champion du peuple contre les élites, le rempart souverainiste contre la dissolution mondialiste, et l'homme d'affaires pragmatique qui allait "assécher le marais" de Washington. Un Asselineau ou un Philippot américain au fond.

Dix mois plus tard, le bilan est cinglant. L'Amérique est plongée dans la plus longue paralysie budgétaire de son histoire (36 jours), l'inflation résiste, la Cour Suprême examine la légalité de sa politique commerciale, et un scandale de favoritisme pharmaceutique éclate. Ces crises nous obligent à poser la question fondamentale : Donald Trump est-il vraiment le leader populiste et souverainiste authentique qu'il a "vendu" aux électeurs ?
Pour l'observateur libertarien, la réponse est un non catégorique. Son mandat révèle une réalité bien plus sombre : le triomphe de l'étatisme, du capitalisme de connivence (crony capitalism) et de l'autoritarisme exécutif.

Le protectionnisme : l'économie dirigée par décret
Le cœur de la stratégie "America First" réside dans un protectionnisme agressif. C'est précisément ce qui est contesté aujourd'hui devant la Cour Suprême dans l'affaire Learning Resources v. Trump. L'enjeu dépasse la simple économie ; il est constitutionnel.
Le président utilise une loi d'urgence de 1977 (IEEPA) pour imposer des tarifs douaniers massifs, s'arrogeant de facto le pouvoir de taxation qui appartient explicitement au Congrès. Ici, le souverainisme sert de prétexte à une expansion dangereuse du pouvoir exécutif.
D'un point de vue libertarien, les tarifs douaniers ne sont rien d'autre qu'un impôt déguisé payé par les consommateurs et les entreprises nationales. Loin de libérer les forces du marché, la politique de Trump soumet le commerce international aux caprices du Prince. C'est une forme d'économie planifiée, où la Maison Blanche décide quels secteurs doivent être protégés et lesquels peuvent être sacrifiés. La prétendue défense de l'industrie nationale masque une dérive vers l'arbitraire étatique.

Le "Shutdown" : le mythe du défenseur du peuple
L'image populiste de Trump, celle d'un défenseur de l'homme ordinaire contre la bureaucratie, vole en éclats face à la réalité du "shutdown". Cette lecture, populaire chez certains de ses soutiens en France, est d'une naïveté confondante.
Dans son bras de fer politique, Trump n'hésite pas à prendre en otage 800 000 fonctionnaires fédéraux. Ces agents – contrôleurs aériens, garde-côtes, employés de la sécurité – ne sont pas le "Deep State" fantasmé. Ce sont des travailleurs ordinaires, dont beaucoup sont désormais contraints de travailler sans salaire.
Si Trump souhaitait réellement réduire la taille de l'État – un objectif libertarien louable –, il proposerait des réformes structurelles, pas une asphyxie chaotique. Forcer des individus à travailler sans rémunération n'est pas un acte de bonne gestion ; c'est un acte coercitif typique d'un État qui se croit tout permis. Cela démontre un mépris flagrant pour la sécurité contractuelle et l'État de droit, piliers de la philosophie libertarienne. Ce shutdown ne vise pas à moins d'État, mais à un État plus docile à la volonté présidentielle.

"TrumpRx" : le scandale du capitalisme de connivence
La révélation la plus accablante est sans doute l'accord négocié avec les géants pharmaceutiques Novo Nordisk (Ozempic) et Eli Lilly, révélé par le Wall Street Journal. C'est un cas d'école de ce que les libertariens dénoncent depuis toujours.
Pour obtenir des rabais limités sur les médicaments anti-obésité via une plateforme baptisée "TrumpRx", l'administration s'apprête à commettre un acte de corruption institutionnelle majeur. La contrepartie est exorbitante : l'extension de la couverture de l'assurance publique Medicare à ces médicaments.
Il s'agit d'une trahison absolue des principes de marché libre et de responsabilité fiscale :
- Expansion massive de l'État-Providence : cela représente des dizaines de milliards de dollars de dépenses publiques nouvelles. Trump, loin de réduire le poids de l'État, l'augmente massivement.
- Crony Capitalism caractérisé : l'accord enrichit spécifiquement deux entreprises en leur garantissant un marché captif financé par le contribuable. L'État choisit les gagnants, dont une entreprise directement détenue par le Président ! On en reste les bras ballants !
- Capture réglementaire : l'administration offrirait en prime des faveurs réglementaires (accélération des approbations de la FDA) et prévoit de contourner le Congrès pour imposer cette dépense.
Loin d'"assécher le marais", Trump l'irrigue avec de l'argent public pour favoriser des intérêts privés en échange d'un bénéfice politique personnel. C'est la négation absolue du marché libre.

Conclusion : l'étatiste démasqué
Les faits sont têtus. Le souverainisme de Donald Trump n'est pas synonyme de liberté économique ou de gouvernement limité. C'est un étatisme nationaliste, où le pouvoir centralisé dicte la politique commerciale, intervient dans les marchés pour favoriser ses alliés et méprise les principes constitutionnels de séparation des pouvoirs.
Les défaites électorales cinglantes subies hier en Virginie, dans le New Jersey et à New York montrent que les Américains commencent à percevoir le décalage entre la rhétorique populiste et la réalité d'une gouvernance erratique et corrompue. Pour ceux qui chérissent la liberté individuelle et la responsabilité fiscale, le mirage de "l'âge d'or" s'est dissipé, laissant place à une forme d'autoritarisme chaotique qui est, en soi, une menace pour la République.
Par la même occasion, ce naufrage de l'imposture trumpiste soulève la question de l'imposture souverainiste et statophile en France, telle qu'elle est défendue par un Asselineau ou un Philippot. Je veux la souveraineté du peuple pour le mettre sous la domination d'une bureaucratie d'Etat. On comprend la musique.

