La Tour Eiffel est l'un des monuments les plus visités du monde. Mais Anne Hidalgo en fait un gouffre financier... Il n'en fallait pas plus pour que Veerle Daens réagisse vigoureusement.

Il faut un talent certain, une forme d'art presque, pour prendre l'un des monuments les plus visités et les plus rentables au monde et le plonger dans une crise financière. Cet art, la Ville de Paris le maîtrise à la perfection. Le récent rapport de la Chambre régionale des comptes sur la gestion de la Tour Eiffel est un cas d'école, une démonstration éclatante de l'incurie qui frappe toute entreprise dès que la main de l'administration s'en mêle.
La Tour Eiffel n'est pas un service public, c'est une attraction commerciale de classe mondiale, une véritable machine à cash qui devrait crouler sous les bénéfices. Pourtant, sous la houlette de sa société d'exploitation, la SETE, contrôlée à 99% par la Mairie, le bilan est catastrophique. Le rapport parle d'un "effet ciseau" de 305 millions d'euros, combinant 149 millions de pertes de recettes et 156 millions de surcoûts d'investissements. Bien sûr, les crises externes ont bon dos. Mais le document pointe aussi une "mauvaise anticipation de la société" et l'abandon de projets mal ficelés.
Face à ce gouffre, quelle fut la solution? L'innovation? La rigueur? Non, la méthode étatique classique : la fuite en avant et l'appel au contribuable. Une recapitalisation de 75 millions d'euros a été nécessaire pour éponger les pertes. De l'argent public injecté pour sauver une structure qui devrait en rapporter. C'est le monde à l'envers.

Le plus accablant est la faillite de la gouvernance. Le rapport souligne que le contrôle exercé par la Ville de Paris, actionnaire quasi unique, est "insuffisant". Les comités spécialisés, comme le comité d'audit, sont restés "inactifs" pendant que les coûts dérapaient. Imagine-t-on un conseil d'administration privé faire preuve d'une telle nonchalance? Pendant que le navire prenait l'eau, les capitaines regardaient ailleurs.
Pendant ce temps, la structure de coûts, elle, prospérait. Le rapport épingle le poids d'un "modèle historique coûteux", une "politique de rémunération généreuse" et des "primes qui ne sont pas toujours liées à l'accomplissement d'une prestation effective". En clair, une culture de l'acquis où les dépenses de personnel explosent, déconnectées de la performance et de la réalité économique.
La conclusion logique de cette gabegie est tombée en juin 2024 : une hausse brutale des tarifs de 29%. Le touriste, client final, devient la variable d'ajustement pour combler les erreurs d'une gestion politique. On ne lui demande pas de payer pour un meilleur service, mais pour l'incompétence passée.
La gestion de la Tour Eiffel est la preuve par l'absurde que l'État est le pire des gestionnaires. Il a réussi l'exploit de rendre précaire un monopole en or massif. La question n'est plus de savoir comment la SETE va survivre, mais quand on aura le courage de soustraire ce joyau à ses gardiens dispendieux.
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