J'ai interviewé Julien Damon, dans la bonne humeur quoi qu'il soit l'auteur, aux Presses de Sciences Po, d'un très utile et instructif essai : Petit éloge de la sécu ! C'était l'occasion de débattre avec lui de l'intérêt de ce monopole d'Etat qu'est notre système de protection sociale. Et l'occasion de synthétiser et de commenter le PLFSS 2026 !
Ce projet de loi est présenté dans un contexte de défis majeurs pour le modèle social français, qui fête ses 80 ans. Le gouvernement identifie deux problèmes principaux : un virage démographique (vieillissement de la population, baisse de la natalité) qui pèse sur les dépenses et un déficit inédit des comptes sociaux, estimé à 23 milliards d'euros en 2025. L'objectif principal est de ramener ce déficit à 17,4 milliards d'euros en 2026 et de viser un retour à l'équilibre en 2029.
Pour y parvenir, le projet de loi propose une série de mesures d'économies et de réformes touchant toutes les branches de la Sécurité sociale, basées sur un "juste partage de l'effort".
🩺 Santé : maîtriser les dépenses tout en réformant l'accès aux soins
La branche maladie étant la plus déficitaire (-17,2 Md€ en 2025), elle concentre une part importante des efforts, avec un objectif d'économies de 7,1 milliards d'euros.
- Augmentation de la participation des assurés : le projet prévoit de doubler le montant des participations forfaitaires et des franchises sur les médicaments, les actes paramédicaux et les transports sanitaires. Les plafonds annuels seront également doublés, passant de 50 € à 100 €. Cette mesure devrait générer 2,3 Md€ d'économies. Les publics les plus fragiles (bénéficiaires de la C2S, femmes enceintes, mineurs) resteront exonérés.
- Réduction des prises en charge : le taux de remboursement des cures thermales sera diminué et l'exonération du ticket modérateur pour les médicaments à faible service médical rendu pour les patients en ALD sera supprimée.
- Maîtrise des arrêts de travail : face à une progression jugée insoutenable, la durée maximale d'un arrêt de travail initial sera limitée (ex: 15 jours en ville), nécessitant un suivi plus rapproché pour les prolongations.
- Régulation des tarifs et contributions :
- Le gouvernement pourra procéder à des baisses de tarifs dans les secteurs jugés à "rentabilité manifestement excessive" comme la radiothérapie ou la dialyse.
- Les organismes complémentaires santé (mutuelles) seront soumis à une taxation exceptionnelle de 1 milliard d'euros.
- Des baisses de prix de 1,4 Md€ seront imposées aux industries du médicament.
👨👩👧👦 Famille : adaptation aux nouveaux besoins et recherche d'efficience
La politique familiale est réorientée pour mieux répondre aux défis actuels, notamment la baisse de la natalité.
- Création du "congé de naissance" : un nouveau congé mieux rémunéré (indemnisé selon le salaire antérieur) sera créé pour chaque parent, d'une durée allant jusqu'à deux mois, à prendre de manière simultanée ou alternée. Il sera effectif en 2027.
- Réforme des allocations familiales : pour financer en partie le nouveau congé, l'âge de la majoration des allocations familiales sera progressivement relevé de 14 à 18 ans pour les nouveaux bénéficiaires. Cette mesure vise une économie de plus de 200 M€ dès 2026.
👴 Retraites : assurer la pérennité financière
Malgré la réforme de 2023, la branche vieillesse reste structurellement déficitaire (-6,3 Md€ en 2025). Le projet de loi acte des mesures pour maîtriser la progression des dépenses.