Un ensemble de signaux puissants mais disparates indique une augmentation tangible du risque de conflit entre grandes puissances en Europe. Jusqu'où cette montée des tensions peut-elle aller ?
Coup sur coup, plusieurs informations sont tombées, qui relancent les spéculations sur une possible confrontation entre la Russie et l'OTAN. Tout d'abord, Donald Trump a officiellement retourné sa veste, et incite désormais l'Ukrainien Zelinsky a mené la guerre contre la Russie et à ne pas accepter de compromis. Parallèlement, les pays de l'OTAN préparent activement une confrontation meurtrière.
La position russe
La doctrine stratégique russe perçoit l'OTAN comme une menace existentielle, justifiant une politique étrangère agressive visant à démanteler l'ordre de sécurité européen et à rétablir une sphère d'influence. La guerre en Ukraine est une étape dans cette lutte plus large contre l'Occident, où le rapport de forces devient central.
Malgré des pertes importantes, la Russie a placé son économie sur un pied de guerre, augmentant massivement sa production de défense et ses effectifs militaires, notamment terrestres. Moscou mise sur la masse et une tolérance élevée aux pertes pour obtenir un avantage, notamment dans les phases initiales d'un conflit. L'effort de guerre russe est soutenu par un « axe du bouleversement » incluant la Corée du Nord (munitions), l'Iran (drones), la Chine (technologie à double usage) et la Biélorussie (base logistique). Cette coalition vise à contester l'ordre international dirigé par l'Occident.
Parallèlement, Moscou mène une « guerre de l'ombre » permanente contre l'OTAN, combinant des sabotages physiques dirigés par le GRU contre des infrastructures critiques, des cyberattaques, de la désinformation et des violations de l'espace aérien.Cette campagne vise à affaiblir la cohésion et la résilience de l'Alliance, constituant une agression multidomaine déjà en cours.
La réponse de l'OTAN et la posture de dissuasion
Face à la menace, l'OTAN a fait preuve d'une unité renouvelée, abandonnant toute idée de partenariat avec Moscou pour se recentrer sur la défense collective de l'article 5. L'Alliance a renforcé sa posture sur le flanc oriental, passant d'une « dissuasion par représailles » à une « dissuasion par interdiction » (deterrence by denial), qui vise à défaire une attaque dès son commencement avec des forces pré-positionnées.

Pour financer cette posture, les Alliés se sont engagés à consacrer 5 % de leur PIB à la défense et à la sécurité d'ici 2035 (3,5 % pour la défense traditionnelle, 1,5 % pour la sécurité élargie), afin de combler les lacunes capacitaires et de stimuler la base industrielle. Cependant, la sécurité européenne reste dépendante des États-Unis, rendant la cohésion politique de l'Alliance sa principale vulnérabilité. L'incertitude politique américaine pourrait être perçue par Moscou comme une opportunité. Le risque de conflit est donc maximal dans la « fenêtre de vulnérabilité » actuelle de trois à cinq ans, période durant laquelle la Russie pourrait avoir reconstitué ses forces avant que le réarmement de l'OTAN ne soit pleinement effectif.
Scénarios d'escalade et points de friction
Plusieurs points de friction pourraient mener à un conflit. Le flanc nord-est, incluant les pays Baltes et la brèche de Suwałki, est le plus vulnérable. Un scénario plausible est une attaque russe limitée et rapide — un fait accompli —, comme la prise de Narva en Estonie, visant à créer un « dilemme de l'Article 5 ». L'objectif serait de fracturer politiquement l'OTAN en rendant le coût d'une réponse militaire totale disproportionné par rapport à l'agression initiale, pariant sur l'hésitation de certains Alliés.
La mer Noire est un autre « théâtre de conflits géopolitiques » où un incident impliquant des navires ou des infrastructures énergétiques pourrait rapidement dégénérer. La Russie utilise également son arsenal nucléaire tactique comme outil de coercition, avec une doctrine ambiguë d'« escalade pour désescalade » qui abaisse le seuil d'emploi pour forcer un adversaire à négocier. Bien qu'un emploi délibéré soit peu probable, le risque d'escalade involontaire existe si le régime russe se sentait menacé. Enfin, un conflit pourrait être déclenché involontairement par des incidents tels que la destruction d'un aéronef russe lors d'une violation de l'espace aérien de l'OTAN, ou une cyberattaque majeure contre une infrastructure critique alliée.
Évaluation globale du risque et recommandations
Le risque d'un conflit direct OTAN-Russie est à son plus haut niveau depuis la Guerre Froide, plausible dans une fenêtre de trois à dix ans. Le scénario le plus probable est une agression limitée sur le flanc oriental pour fracturer l'Alliance, tandis que la « guerre de l'ombre » est une agression déjà en cours.
Pour renforcer la dissuasion, l'OTAN doit accélérer la mise en œuvre de la « dissuasion par interdiction », stimuler sa base industrielle de défense avec des commandes à long terme, et développer une stratégie offensive pour contrer la guerre hybride russe en imposant des coûts inacceptables à Moscou. La gestion de l'escalade exige de clarifier les lignes rouges qui déclencheraient une réponse collective et de maintenir des canaux de communication de crise avec la Russie pour éviter les erreurs de calcul.
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