Programme nucléaire iranien: l’Iran soupçonne Trump de jouer double jeu

Programme nucléaire iranien: l’Iran soupçonne Trump de jouer double jeu

Les négociations nucléaires entre les Etats-Unis et l’Iran ont repris depuis le 12 avril dernier. L’administration Trump et le gouvernement réformiste iranien sont censés trouver un accord pouvant remplacer le Plan d’action global commun (JCPOA) de 2015. Le nouveau traité devrait garantir l’allègement ou la levée des sanctions internationales qui pèsent sur l’Iran. Cependant, les diplomates iraniens soupçonnent l’administration Trump d’utiliser les négociations nucléaires comme un outil de sabotage, pour déstabiliser l’économie iranienne et attiser les tensions sociales.Les diplomates iraniens dénoncent également une équipe Trump divisée.

Les pourparlers nucléaires à Mascate, en Oman, entre l’administration Trump et le gouvernement iranien réformateur se sont déroulés dans un climat de méfiance. Selon des diplomates iraniens expérimentés, l’équipe de négociation américaine, dirigée par Steve Witkoff, un avocat immobilier, manque de cohérence. Les diplomates iraniens décrivent une équipe Trump divisée, incapable de maintenir une position stable, oscillant entre des échanges prometteurs à Oman et des déclarations belliqueuses dès le retour à Washington.Cette incohérence est illustrée par les propos publics de Witkoff, qui a exigé l’arrêt total de l’enrichissement d’uranium, même à des fins civiles, une position alignée sur les demandes israéliennes mais en contradiction avec le droit international reconnu par l’Iran. Cette exigence, perçue comme une provocation, a renforcé les soupçons iraniens selon lesquels les États-Unis ne cherchent pas un accord viable, mais plutôt à prolonger l’incertitude pour affaiblir davantage l’Iran économiquement et politiquement.

Tentatives de sabotage de l’accord nucléaire par l’équipe de Trump

L’administration Trump et le gouvernement réformiste iranien ont repris les dialogues pour parvenir à un nouvel accord nucléaire permettant l’allègement des sanctions qui pèsent sur l’Iran. Quatre réunions ont déjà eu lieu depuis le 12 avril et on peut dire que les négociations s’éternisent.

Deux diplomates iraniens, ayant une connaissance détaillée des pourparlers à Mascate, à Oman, soupçonnent que l’administration Trump a un motif caché pour s’engager dans les pourparlers. Elle se servirait des réunions à Oman comme un instrument de sabotage. Selon les diplomates iraniens, l’équipe de Trump tenterait de générer l’instabilité dans le but d’affaiblir l’économie iranienne et de susciter des conflits sociaux.

La déclaration de ces diplomates résonne avec un avertissement clair lancé par le guide suprême de la République islamique d’Iran, l’ayatollah Khamenei, au mois de mars dernier. Il a déclaré que « négocier avec l’administration américaine ne mènera pas à la levée des sanctions ». Cela ne fera que resserrer le système de sanctions et accroître la pression », a-t-il ajouté.

Cette stratégie américaine, si elle est intentionnelle, rappelle la campagne de « pression maximale » de la première administration Trump, qui a culminé avec l’assassinat du général Qasem Soleimani en 2020. Les propos de l’ayatollah se sont révélés prémonitoires, car le gouvernement réformiste iranien risque de répéter les erreurs du passé en signant le Plan d’action global commun de 2015.Les diplomates iraniens craignent une répétition de l’échec du JCPOA de 2015, où les promesses de levée des sanctions n’ont jamais pleinement abouti, laissant l’Iran vulnérable à une escalade des tensions.

Les deux diplomates iraniens qualifiaient l’équipe de Trump, dirigée par l’avocat spécialisé en immobilier Steve Witkoff, d’hésitante, distraite et divisée. Elle est incapable de maintenir une position cohérente. Selon les diplomates, Witkoff est trop préoccupé par sa rivalité avec le secrétaire d’Etat Marco Rubio. Cette lutte de pouvoir pourrait nuire à sa capacité de mener les négociations et à permettre à son équipe de parvenir à un consensus sur la question nucléaire.

A chaque échange, les négociateurs iraniens ont présenté des propositions concrètes afin d’aplanir les désaccords. Mais ils doivent attendre une semaine ou même plus avant d’obtenir une réponse de la part de l’équipe de Trump. De plus, chaque fois que les négociations semblent progresser, les négociateurs américains font des déclarations provocantes aux médias dès leur retour à Washington.

Selon les deux diplomates iraniens, l’objectif de l’équipe de Trump n’est pas de trouver un accord limitant les activités nucléaires en Iran en contrepartie de la levée des sanctions. L’administration Trump se rallie à la position d’Israël qui vise la fin de tout enrichissement d’uranium, même à des fins civiles. La déclaration de Witkoff dans  l’émission « This Week » sur ABC, semble confirmer ce soupçon. « Nous avons une ligne rouge très claire : l’enrichissement. Nous ne pouvons pas autoriser ne serait-ce que 1% de notre capacité d’enrichissement », a-t-il déclaré.

Une stratégie de déstabilisation économique et sociale?

Depuis le début des pourparlers, la valeur du rial iranien a fluctué de manière imprévisible, influencée par les déclarations contradictoires de Trump et de son équipe. Par exemple, l’annonce par Trump d’un possible accord a fait chuter les prix du pétrole, tandis que des menaces ultérieures d’attaques contre les installations pétrolières iraniennes ont provoqué une flambée des prix. Ces oscillations ont amplifié les pressions économiques sur l’Iran, où l’inflation et la dévaluation monétaire pèsent lourdement sur la population.

Lorsque Trump a affirmé le 16 mai la possibilité de conclure un accord avec l’Iran, le prix du pétrole a chuté de 3,4%. Le 20 mai, après que Witkoff a demandé l’arrêt de l’enrichissement, les services de renseignement américains ont révélé qu’Israël comptait attaquer les installations pétrolières iraniennes. Les prix du pétrole ont alors explosé.

Au-delà des négociations, les déclarations de Trump, comme sa proposition de renommer le golfe Persique en « golfe Arabique », ont suscité la colère des iraniens, unifiant même les factions opposées dans leur rejet de cette atteinte à la souveraineté nationale. Cette rhétorique, combinée à des discours à Riyad dénigrant les dirigeants iraniens, a attisé les tensions sociales et renforcé la méfiance envers les intentions américaines.

Les diplomates soulignent également que la gestion chaotique des négociations, marquée par des rivalités entre Witkoff (avocat immobilier devenu diplomate) et le secrétaire d’État Marco Rubio, complique toute perspective d’accord. Cette perception d’un manque de sérieux de la part des États-Unis alimente un sentiment de frustration à Téhéran, où les espoirs d’un accord durable s’amenuisent.

Par ailleurs, selon l’Iran, l’énergie nucléaire est un pilier du développement national.  Le programme nucléaire civil iranien, au cœur des négociations, est perçu comme un pilier de l’indépendance technologique et nationale. Lors d’une visite au Centre de recherche nucléaire de Téhéran, l’Organisation iranienne de l’énergie atomique a mis en avant les applications médicales et agricoles du programme, soulignant son importance pour le développement national. Pour les Iraniens, renoncer à l’enrichissement, comme l’exige Witkoff, équivaudrait à capituler face aux pressions étrangères, une perspective inacceptable, d’autant plus après les assassinats de scientifiques iraniens comme Massoud Ali-Mohammadi et Mohsen Fakrizadeh, attribués à Israël.

Les négociations nucléaires entre l’administration Trump et l’Iran resteront dans l’histoire comme l’exemple emblématique d’un processus diplomatique vidé de son sens, utilisé non pour résoudre un conflit mais pour miner la stabilité régionale et creuser davantage la méfiance entre l’Iran et l’Occident.