Les influenceurs générés par IA, entre innovation et tromperie marketing

Les influenceurs générés par IA, entre innovation et tromperie marketing


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Milla Sofia, Lil Miquela ou encore les avatars de Taobao ne sont ni réels ni humains, mais ils séduisent des millions d’internautes et attirent les grandes marques. Créatures numériques générées par l’IA, ces influenceurs virtuels posent une question fondamentale : jusqu’où iront le remplacement de l’humain dans les frontières entre le réel et le virtuel, l’humain et la machine, le marketing et la manipulation émotionnelle.

Le monde du marketing d’influence a beaucoup évolué suite au développement de la technologie d’IA. De plus en plus de créateurs sur les réseaux sociaux choisissent actuellement de recourir aux personnages créés par l’IA pour vendre des produits. Les influenceurs synthétiques leur permettent de gagner des contrats de marque et de toucher à d’énormes revenus.

Les influenceurs IA, un business florissant

Il n’est plus nécessaire d’être un influenceur réel et authentique pour gagner des contrats de marque. De plus en plus de créateurs font actuellement recours à des personnages créés par l’IA. Milla Sofia compte parmi ces influenceurs synthétiques. Ce mannequin numérique possède une page sur Instagram et elle compte déjà près de 324.000 abonnés. Elle a aussi des milliers d’abonnés sur X.

Pour les internautes et les consommateurs, Milla Sofia est une jolie jeune femme qui vit à Helsinki et qui passe ses weekends sur des Yachts de luxe. Sa page Instagram est inondée de photos de tenues stylées, de magnifiques photos de plage et de légendes pleines d’assurance. Le mannequin IA affirme qu’elle est « toujours à la page » grâce à ses formations à « l’Université de la Vie ». Elle est spécialisée en « apprentissage auto-adaptatif et maîtrise des données ».

Réelle ou non, Milla Sofia a décroché un contrat de mode avec une boutique finlandaise d’accessoires pour téléphones. En effet, elle a été conçue pour représenter cette marque de e-commerce électronique. Le projet a connu  réel succès si on tient du nombre d’abonnés, de commentaires.

Lil Miquela, un autre influenceur fictif, compte également plus de deux millions d’abonnés sur Instagram. Elle a décroché des partenariats avec des grandes marques de technologie et de mode grâce aux chansons qu’elle a partagé sur Spotify. Miquela gagne des dizaines de milliers de dollars par publication. Bien d’autres personnages IA produits par des développeurs, des équipes marketing ou des artistes numériques ont apparu ces derniers temps.

Les avantages pour les marques sont nombreux : ces avatars ne tombent jamais malades, ne réclament pas d’augmentation, n’ont pas de convictions politiques gênantes. Ils obéissent à 100 % au brief marketing et affichent un comportement irréprochable. C’est l’influence sans influenceur : pas de caprices, pas de controverses, juste de la performance.

300 millions d’emplois menacés

En Chine, les plateformes comme Taobao poussent le concept encore plus loin. Les émissions de « live shopping » — une sorte de téléachat en direct en streaming — sont désormais animées par des avatars IA. Ces animateurs virtuels, souvent présentés comme des personnages sympathiques et dynamiques, vendent des produits à la chaîne, sans fatigue ni erreurs. Pour les marques, c’est un contenu à la fois « nouveau, innovant et économique », selon MIT Technology Review.

Mais derrière l’innovation se cache une réalité bien plus inquiétante. Selon Goldman Sachs, plus de 300 millions d’emplois à travers le monde pourraient être menacés par l’automatisation via l’intelligence artificielle, y compris dans les domaines jusqu’ici très humains comme le marketing, la vente et la communication.

Pour autant, les influenceurs virtuels posent une question éthique majeure : peut-on entretenir une relation sincère avec une entité qui ne ressent rien ? De nombreux internautes commentent encore les posts de Milla Sofia comme s’ils s’adressaient à une vraie personne. Que ressentiront-ils en apprenant qu’ils ont complimenté une silhouette générée par un prompt Midjourney ou DALL·E ? Un simple effet « waouh » ou une forme de trahison émotionnelle ?

Alors que le discours autour de l’authenticité revient en force sur les réseaux sociaux, la fascination actuelle pour les avatars IA pourrait bien s’éroder. Le jour où le public percevra ces influenceurs numériques comme de simples produits marketing déguisés en humains, la magie pourrait se dissiper.


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