Alors que la France périphérique s'apprête à passer un Noël de gêne et d'angoisse, le spectacle offert par l'exécutif en cette fin 2025 n'est plus celui de la gestion, mais de la panique organisée.

Pour comprendre la nature profonde du moment politique que nous vivons, il faut cesser d'écouter le bruit de fond médiatique et relier deux faits que la technocratie s'efforce de présenter comme distincts : la militarisation de la crise agricole par Sébastien Lecornu et l'adoption discrète, mais fébrile, de la « garantie émeutes » dans le projet de loi de finances. Mis bout à bout, ces éléments dessinent le portrait d'une caste aux abois, qui ne cherche plus à gouverner, mais à survivre à l'inévitable explosion.

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L'armée comme ultime rempart
Le recours à l'armée pour vacciner les bêtes n'est pas une mesure sanitaire, c'est un aveu d'effondrement. En dépêchant les vétérinaires militaires au chevet des éleveurs, le Premier ministre ne fait pas que pallier une pénurie logistique. Il acte la faillite de l'administration civile et du ministère de l'Agriculture, devenus des coquilles vides incapables d'assurer le « dernier kilomètre » de l'action publique.

Symboliquement, le message est dévastateur : face à la colère paysanne, face à la détresse du réel, l'État n'a plus d'autre réponse que l'uniforme. C'est la militarisation rampante de la gestion de crise. Le pouvoir sait que la digue est friable. Il sait que derrière la dermatose bovine et les bilans comptables dans le rouge, c'est une insurrection des campagnes qui gronde. L'armée est là pour vacciner, certes, mais sa présence rappelle surtout que l'ordre républicain ne tient plus que par la force régalienne, là où le consentement a disparu.

La « taxe émeutes » : l'assurance-vie du régime
Mais le cynisme atteint son paroxysme au Parlement. Pendant que les tracteurs chauffent les moteurs, le Sénat et le gouvernement s'activent pour faire passer, dans la loi de finances pour 2026, cette fameuse « surprime émeutes ».

Ne nous y trompons pas : il ne s'agit pas de protéger les commerçants ou les maires. Il s'agit d'une socialisation des coûts de la guerre civile. En institutionnalisant le risque d'émeute dans les contrats d'assurance, l'État admet deux choses terribles. Premièrement, il considère que l'explosion sociale n'est plus un accident, mais une probabilité statistique forte, une nouvelle normalité. Deuxièmement, il organise son impunité financière : ce n'est pas l'État failli qui paiera pour son incompétence à maintenir la paix civile, c'est l'assuré, le citoyen, la victime. On vous demande de cotiser pour payer les dégâts de la colère que ce même pouvoir a engendrée. C'est la privatisation des profits politiques et la mutualisation des pertes du chaos.
La coalition des bannis
Cette fébrilité s'explique par une hantise qui traverse les couloirs de Matignon : la convergence des colères. Le pouvoir a peur car il sent que le cloisonnement sociologique ne tient plus.
La crise agricole n'est plus corporatiste. Elle agrège le rejet du parlementarisme — ce théâtre d'ombres où des députés hors-sol votent des budgets de rigueur pendant que le pays réel s'effondre — et le désespoir des classes moyennes déclassées. Nous assistons à la naissance d'une coalition des bannis. Ceux que la mondialisation heureuse a spoliés, ceux que les normes écologiques punitives étranglent, et ceux qui voient leur culture méprisée, se retrouvent dans une détestation commune de l'élite dirigeante.

Sébastien Lecornu a compris le danger. Il ne s'agit plus de gérer une manifestation, mais d'anticiper une sédition. La « grande peur » est de retour. Mais contrairement à 1789, ce ne sont pas les paysans qui ont peur des brigands ; c'est le château qui tremble face à ceux qui le nourrissent. Le gouvernement prépare les blindés et les contrats d'assurance, car il sait une chose : quand la faim et l'injustice se rencontrent, aucune « communication » ne peut éteindre l'incendie.
La question n'est plus de savoir si le peuple va se soulever, mais quand la facture de l'assurance émeutes nous sera présentée.




