Avant d'être élu, Macron avait publié un livre intitulé "Révolution", qui annonçait son intention de moderniser le pays. En bout de course, le macronisme se réduit dans la trahison, et non dans la révolution, un peu comme des oignons réduisent dans une poêle à frire. Tant pis pour ceux qui y ont cru...

Il y a des moments, en politique, qui capturent l'essence d'une époque. Des instants de vérité crue où les masques tombent et où la comédie du pouvoir s'expose dans toute sa nudité. L'examen du budget de la Sécurité Sociale 2026, dans la nuit du 5 novembre 2025, fut un de ces moments.
Nous y avons vu Amélie de Montchalin, pur produit de la technocratie et ministre des Comptes Publics, se lever pour donner l'onction du gouvernement à un amendement socialiste. Pas n'importe lequel : une hausse de la CSG sur les revenus du capital. En un seul vote, par 168 voix contre 140, le macronisme venait de dévorer publiquement son propre acte de naissance.

Ceux qui, en 2017, ont cru à la "révolution" libérale , à la "politique de l'offre" et à la fin de la punition fiscale, doivent aujourd'hui regarder la vérité en face : le roi est nu. Le gouvernement de Sébastien Lecornu, pour assurer sa simple "survie" parlementaire, a finalisé la grande liquidation de toutes les promesses fondatrices.
Le destin du macronisme, ce n'est plus la transformation, c'est la gestion. Et sa logique n'est plus celle de l'entrepreneur, mais celle, éternelle, de l'État bureaucratique et de ses inévitables compromis.

Le "grand marché" : la survie contre la doctrine
Comprenons bien la scène, car elle est un cas d'école de la faillite politique. Le gouvernement Lecornu 2, nommé le 12 octobre 2025 , ne tient qu'à un fil. Sans majorité absolue, il est à la merci d'une motion de censure. Sa seule assurance-vie est le Parti Socialiste, qui, en ne joignant pas ses voix à celles de LFI et du RN, permet au "système" de se maintenir.
Mais cette protection a un prix. Et le PS, sentant l'odeur du sang, a fait monter les enchères.
Le "pacte" est aussi simple que cynique : la survie du gouvernement Lecornu contre la suspension de la réforme des retraites de 2023. L'unique réforme structurelle du second quinquennat, la "mère des batailles" d'hier, est sacrifiée sans cérémonie. Mais ce reniement spectaculaire coûte cher : 400 millions d'euros en 2026, 1,8 milliard en 2027.

Comment financer cette capitulation? C'est ici que la trahison devient totale. Le PS, par la voix de Jérôme Guedj, a exigé son trophée : une hausse de 1,4 point de la CSG sur les revenus du capital. Et le gouvernement a payé.
Le rôle d'Amélie de Montchalin fut pathétique. Son "avis favorable mais particulièrement réservé" est une perle de lâcheté politique. C'était un double langage parfait : "oui, nous cédons au chantage, mais non, nous n'aimons pas ça". Peu importe : une "bonne partie du camp gouvernemental" , les députés Renaissance et MoDem, a voté la mesure.

Le destin de ce macronisme finissant est bien de "défendre sans sourciller la logique étatiste et bureaucratique". Non par conversion idéologique, mais par défaut.
Ce vote n'est pas un détail technique. C'est un sacrilège. Il brise le totem absolu de 2017, qui importait tant aux électeurs de Macron : le Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU), la "flat tax". Ce PFU sanctuarisait la taxation du capital à 30%. En passant la CSG sur ces revenus de 9,2% à 10,6% , le gouvernement vient de faire passer le taux global de la "flat tax" à 31,4%.
La brèche est ouverte. Le signal est dévastateur. Comme l'a hurlé Laurent Wauquiez, dans un rare éclair de lucidité, ce ne sont pas les "ultra-riches" qui paient, mais l'épargne populaire : "vous avez taxé l'assurance-vie, vous avez taxé les PEL". Jean-Philippe Tanguy (RN) a résumé l'opération d'une formule : "le financement des magouilles entre le Parti socialiste et le gouvernement".
Le macronisme, qui se voulait "pro-business", sacrifie l'épargnant de la classe moyenne sur l'autel d'un accord de survie avec la gauche.

L'hydre de Bercy : le retour de la logique bureaucratique
Si la hausse de la CSG était une concession tactique à un adversaire, l'affaire de la taxation des holdings patrimoniales est une maladie auto-immune. Elle révèle l'autre tenaille qui étouffe ce gouvernement : sa propre administration.
Pendant que les ministres s'agitaient à l'Assemblée, l'État profond, le vrai, celui de Bercy, n'a jamais cessé de travailler. Dans le Projet de Loi de Finances (PLF) 2026 , ses ingénieurs fiscaux avaient glissé une nouvelle "usine à gaz" : une taxe sur la trésorerie et les actifs "dormants" des holdings patrimoniales.

