Le dernier caprice des libertins : le protectionnisme d'État

Hier, tombait une information que nous ne pouvions que relever : un patron de club libertin attaque des sites de la même "paroisse" pour concurrence déloyale. Il demande à l'Etat de sévir pour protéger les activités "sur site" et interdire l'ubérisation du marché...

Le monde marche parfois sur la tête, mais il est rare qu'il nous offre une pirouette aussi savoureuse. Voilà donc que les apôtres de la libération des mœurs, les grands prêtres du contrat volontaire et de l'échange consenti entre adultes, les tenanciers de ces temples de la liberté qu'on appelle clubs libertins, se précipitent au tribunal pour... réclamer des chaînes. Non pas pour leurs jeux, mais pour leurs concurrents.
En attaquant des sites de rencontre pour "concurrence déloyale", ces patrons ne font rien d'autre que supplier l'État, cette entité qu'ils ignorent superbement quand il s'agit de morale, de devenir leur bras armé économique. Leur plainte est un chef-d'œuvre d'ironie : ils accusent le marché libre de faire exactement ce qu'il est censé faire, c'est-à-dire permettre à l'innovation de rendre un service plus efficace et moins coûteux.
Qu'est-ce que la "concurrence déloyale" dans une perspective de liberté ? C'est le vol, la fraude, la coercition. Ce n'est certainement pas le fait de proposer un modèle économique plus agile, qui se passe de murs en dur, de velours rouge et de personnel de bar. Les applications et les sites de rencontre ne volent pas les clients des clubs ; ils en séduisent une partie en offrant une alternative que ces derniers jugent, pour leurs propres raisons, plus attractive. C'est l'essence même de la compétition. Se plaindre de cela, c'est comme si les fabricants de calèches avaient traîné Henry Ford en justice pour avoir inventé l'automobile.
Ce spectacle pathétique révèle une vérité crue : derrière le discours émancipateur se cachaient de simples commerçants, effrayés à l'idée de devenir obsolètes. Ils ont confondu la philosophie libertine, qui est une quête d'autonomie individuelle, avec leur monopole de fait sur un marché de la rencontre. Ils chérissaient la liberté tant qu'elle servait leur chiffre d'affaires. Maintenant que cette même liberté, incarnée par la technologie et le choix du consommateur, menace leurs rentes, ils la renient et appellent à la rescousse le plus grand instrument de contrainte qui soit : le système judiciaire étatique.

Cette démarche est une trahison fondamentale de l'esprit qu'ils prétendent incarner. Le libertinage authentique, s'il a un sens, est la célébration de la souveraineté individuelle. Cette souveraineté inclut le droit de choisir comment, où et avec qui l'on souhaite se rencontrer, que ce soit dans un club à 50 euros l'entrée ou via une application gratuite sur son téléphone. En demandant à un juge de fausser ce choix, les patrons de clubs ne défendent pas la "loyauté", mais le privilège. Ils ne sont plus des libertins, mais des adeptes du capitalisme de connivence.
Que le marché décide. Si les clubs offrent une expérience, une sécurité et une ambiance irremplaçables, ils survivront et prospéreront. S'ils ne sont qu'une relique d'un monde pré-numérique, alors qu'ils disparaissent. L'État n'a aucune légitimité à s'immiscer dans la chambre à coucher ; il n'en a certainement aucune à réguler les chemins qui y mènent.
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