En complément du Manifeste publié aujourd'hui, je réponds ici à quelques questions bien naturelles et légitimes que beaucoup vont se poser. Les questions qui fâchent, et les réponses transparentes qui vont bien.
1) Êtes-vous pro-OTAN ?
Le Courrier est favorable à la souveraineté française, l'a toujours été et le restera. Dans ce cadre, l'appartenance à l'OTAN, et tout particulièrement depuis la Chute du mur de Berlin, est incompatible avec la haute idée que je me fais de la France et de son indépendance.
Je le répète : je crois à la souveraineté du moi, et cette souveraineté ne peut exister ni dans un régime autoritaire, ni dans une "alliance" qui donne tout pouvoir aux Etats-Unis, qu'ils soient ou non présidés par Trump, pour piller leurs alliés ou pour les engager dans des conflits qui ne servent que les intérêts américains.
Il est manifeste que "l'alliance" est une duperie. Elle n'empêche pas les USA de mener des guerres hybrides contre ses alliés (l'affaire du Rwanda ayant d'ailleurs, nous l'avons écrit et décrit, constitué la première guerre anglo-saxonne par proxy menée contre un allié, en l'espèce la France), et elle vise à affaiblir la Russie au lieu de former un nouvel ordre international durable et équilibré avec celle-ci.
A titre personnel, je considère que l'OTAN n'a plus de raison d'exister depuis la Chute du Mur de Berlin. Je souhaite que la France en sorte.
2) Êtes-vous anti-Poutine ?
Je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire.
Je ne partage pas la poutinophobie dominante dans les medias subventionnés, très largement dictée par la stratégie d'influence que les services anglo-saxons imposent plus ou moins directement dans ce qu'ils considèrent comme des organes de propagande chargés de domestiquer les opinions occidentales.
Je considère Poutine comme un remarquable chef d'Etat, parfaitement rationnel et cynique au sens politique du terme, à l'inverse du maniaque assoiffé de sang qu'on nous décrit. Il défend avec talent les intérêts de son pays, qu'il est parvenu à moderniser avec une vraie efficacité. Nombre de nos dirigeants, du point de vue de la performance politique, ne lui arrivent même pas au talon.
Je ne partage pas, en revanche, la poutinolatrie qui fait de ce chef d'Etat sans affect une sorte de chevalier blanc qui peut nous sauver de la décadence morale, ou qui incarnerait des valeurs traditionnelles que l'Occident a oubliées. Je ne suis pas dupe de ce "narratif" du "sauveur", qui sert à manipuler des esprits faibles.
Je considère Poutine comme un despote, qui agit dans le cadre d'une culture et d'un héritage russes, terreaux peu favorables à la démocratie libérale à laquelle je suis indéfectiblement attaché.
3) Que pensez-vous de la guerre en Ukraine et de la stratégie de Macron ?
La guerre en Ukraine illustre parfaitement les dangers de ce qu'est devenu l'atlantisme. Depuis sa naissance, l'OTAN vise à affaiblir la sphère russe, d'abord sous étendard soviétique, puis sous étendard proprement russe.
Lorsque le bloc communiste s'est effondré, l'Occident aurait dû rechercher un nouvel équilibre international, respectueux des intérêts fondamentaux de la puissance russe. Vladimir Poutine y était très probablement prêt. Peu de gens contestent que l'OTAN a été l'instrument d'une stratégie inverse.
En particulier, l'Ukraine a servi de terrain privilégié pour déstabiliser la Russie, de façon parfaitement cynique. Je ne vais pas reprendre l'histoire de l'Ukraine depuis la révolution de couleur téléguidée par les services anglo-saxons. Mais il était évident que l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN et la nucléarisation du territoire voulue par Zelensky étaient une ligne rouge que la Russie ne pouvait accepter.
L'invasion de l'Ukraine était non seulement inévitable, mais parfaitement prévisible. Mon intime conviction est que les services américains la souhaitaient et ont tout fait pour qu'elle intervienne.
Dans ce conflit, la Russie demande des garanties de sécurité en échange de la paix, ce qui suppose une sorte de nouveau traité de Vienne, comme en 1815.
Au lieu de rechercher ce grand équilibre, où les intérêts fondamentaux russes doivent être protégés, Emmanuel Macron mène une stratégie agressive qui rappelle son manque de vision globale. Il joue avec le feu, et nourrit les erreurs de l'OTAN que j'ai décrites ci-dessus. Un Président ne devrait pas prendre ces risques-là.
4) Pensez-vous que la France et l'Europe doivent se réarmer face à la Russie ?
Si je n'adhère pas à l'idée dominante selon laquelle la Russie serait un ours qui rêve de nous dévorer, je ne suis adepte d'aucun angélisme.
Sur la question du réarmement, j'ai une doctrine simple : la France est porteuse d'un rayonnement historique qui l'oblige. On ne peut, selon moi, aimer la France sans croire à sa grandeur naturelle, qui passe par une capacité militaire opérationnelle.
La France est grande par sa culture, mais aussi par son armée et sa capacité à vaincre. Le réarmement français est une nécessité, Russie ou pas.
J'ajoute que la puissance militaire française a vocation à dominer l'Europe et à constituer une force de dissuasion "universelle". Elle ne doit pas que dissuader la Russie. Elle doit aussi dissuader la Chine, les USA, la Grande-Bretagne et l'Allemagne.
5) Êtes-vous antisioniste ?
En tant que libertarien, je suis pour la tolérance religieuse, et contre le fanatisme.
Le judaïsme est une religion complexe, mais comme toute religion, je considère qu'elle doit rester une affaire privée et qu'elle ne peut devenir une composante de la géopolitique internationale.
Le principe du Retour qui fonde le sionisme pourrait tout à fait rester compatible avec un Etat laïque ouvert à tous, tel que la Charte de l'OLP le proposait. La création d'un Etat fondé sur le judaïsme est une violation du principe de laïcité qui me semble absolument incompatible avec les principes de laïcité auxquels je tiens.
Cette position ne me condamne à aucune forme d'angélisme vis-à-vis du monde palestinien. L'Autorité palestinienne est corrompue et sans consistance démocratrique, et je condamne sans hésitation les atrocités commises par le Hamas le 7 octobre. Je condamne dans le même temps la négation systémique du peuple palestinien par de nombreux Israéliens ou par nombre de leurs soutiens dans le monde.
6) Êtes-vous pro-Frexit ?
Je considère qu'il s'agit d'un faux problème. Je suis pour une France indépendante et prospère. J'ai la conviction que, pour retrouver sa prospérité et son rayonnement, la France doit enrayer l'avachissement qui la met sur la pente du déclin et de la pauvreté.
L'Union Européenne répond à un projet fédéral de type germanique, dont la motivation historique première est l'affaiblissement de la France. L'intelligence de l'Allemagne, après la Chute du Mur, a consisté à acheter le consentement des Français à ce projet par la mise en place de l'euro.
L'euro nous permet de nous surendetter à vil prix grâce à la signature de l'épargnant allemand. Je dénonce régulièrement cet avachissement par le confort et par l'obésité étatique. Je suis donc favorable à un Frexit, mais concomitant au retour à l'équilibre budgétaire. Les Français doivent arrêter de s'appauvrir en nourrissant l'inflation bureaucratique. Ils doivent diminuer très fortement les dépenses publiques, et reprendre leur indépendance en sortant de la zone euro.
Je suis un adepte du moi souverain. Je suis pour la liberté. Je suis donc favorable à un Frexit vertueux, qui ne consistera pas à remplacer la tyrannie germano-bruxelloise par une tyrannie française où notre gouvernement national se comporterait avec les Français comme la Commission Européenne le fait aujourd'hui avec les Etats nations. Je suis résolument hostile au contrôle de l'émission monétaire par l'Etat, qui est le levier fondamental de la tyrannie et de la prédation étatique.
Je suis pour la concurrence entre les monnaies.
Par ailleurs, je ne suis pas fermé à une autre Europe, qui serait dominée par la France.
7) Avez-vous été financés par des intérêts étrangers?
Jamais. Le Courrier ne vit que de ses abonnements. Il ne perçoit aucune aide extérieur, aucun financement.
Le Courrier est une SAS dont les comptes sont déposés et transparents.
Ses statuts prévoient explicitement une indépendance de sa ligne éditoriale. A ce titre, les rédacteurs doivent faire la transparence sur leurs relations et leur situation financière. Toute équivoque entraîne une exclusion.
8) Pourquoi ce changement maintenant?
Une entreprise n'est jamais un long fleuve tranquille. Les départs, les conflits, les différences voire divergences d'appréciation font partie de son existence normale. Une entreprise n'est pas une secte : on est toujours libre d'en sortir.
Ce recentrage du Courrier est par ailleurs une adaptation inévitable à l'évolution du monde lui-même. Lors de sa naissance en 2020, le Courrier vivait dans un monde confiné, où l'armée russe n'était pas en Ukraine, où l'armée israélienne n'était pas à Gaza, où Trump venait de perdre les élections.
Depuis 2020, des océans ont coulé sous les ponts, et les "intersections" entre libertariens et conservateurs gisent désormais sous d'épaisses couches d'eau et de boue. La rupture entre Donald Trump et Elon Musk en constitue la meilleure illustration.
Ma conviction intime est que nous ne sommes qu'au début d'un mouvement tectonique où l'échec prévisible du trumpisme va fracasser la dynamique populiste, ce qu'on appelle parfois "la résistance", et va accélérer son "hébergement" par une idéologie conservatrice binaire qui deviendra vite insupportable pour les libertariens.
Le recentrage du Courrier participe de cette dynamique.
9) Reniez-vous vos anciens contributeurs?"
Absolument pas. Nous avons considéré, à un moment précis, que nous avions des convergences qui justifiaient une collaboration. Le monde a changé, les circonstances ont changé, et la dilution de cette "affectio societatis" s'est imposée par elle-même, car les raisons de collaborer se sont amenuisées.
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