Il y a quelque chose de tragique, voire de pathologique, dans l'obstination de l'Élysée à célébrer une alliance qui ressemble de plus en plus à un contrat de servitude. Alors que Donald Trump, fraîchement réinstallé dans le Bureau Ovale, déploie son plan de paix pour l'Ukraine par-dessus la tête des Européens et réactive sa guerre tarifaire contre nos terroirs , la question ne se pose plus en termes de diplomatie, mais de psychologie : la France est-elle devenue la soumise masochiste de l'Amérique?

L'examen clinique des huit années de présidence Macron (2017-2025) révèle un paradoxe douloureux : jamais un président n'aura autant parlé d'« autonomie stratégique » , et jamais la France n'aura été aussi techniquement, énergétiquement et militairement dépendante de Washington.

L'illusion militaire : des sables du Sahel aux steppes ukrainiennes
Le réveil est brutal. En ce mois de novembre 2025, alors que les émissaires de Trump présentent à Kiev et Moscou un plan de paix en 28 points qui entérine de facto les gains territoriaux russes, Emmanuel Macron tente d'exister. Il s'agite, téléphone au chancelier Merz, affirme que « rien ne se fera sans l'Europe ». Mais qui l'écoute?

La vérité est que notre déclassement a été méthodiquement organisé. Au Sahel, nous avons cru pouvoir jouer les « Nations-Cadres ». En réalité, nous étions sous perfusion du renseignement américain. Et quand le vent a tourné au Niger, nous avons subi l'humiliation suprême : voir le Pentagone négocier pragmatiquement avec la junte pour tenter de sauver ses bases, nous laissant seuls face à la porte de sortie, avant de plier bagage à leur tour quand leurs intérêts l'exigeaient.

L'humiliation AUKUS de 2021 n'était pas un accident, c'était un programme. En nous volant le contrat des sous-marins australiens, Washington nous a signifié notre place : celle de spectateur dans l'Indo-Pacifique. Nous avons rappelé notre ambassadeur trois jours, puis nous sommes rentrés dans le rang, dociles.
Le racket économique : "America First", France Last
Sur le front économique, la relation tient du racket pur et simple. L'arrivée de Trump 2.0 en 2025 a signé le retour des taxes punitives : 15 % sur nos vins et spiritueux dès le mois d'août. Une gifle pour nos vignerons, déjà fragilisés.
Mais le plus grave est ailleurs. C'est le siphonnage industriel orchestré par l'Inflation Reduction Act (IRA). Sous couvert de verdissement, Joe Biden a mis en place une pompe aspirante à investissements, subventionnant massivement le "Made in USA". Résultat? Nos fleurons industriels traversent l'Atlantique pour bénéficier de l'énergie bon marché et des crédits d'impôt, laissant l'Europe se désindustrialiser. Et que fait Paris? Paris demande poliment des exemptions, comme un vassal sollicite une remise de peine à son suzerain.
Ajoutez à cela l'extraterritorialité du droit américain, cette arme de destruction massive qui permet au DOJ (Département de la Justice) de mettre nos entreprises à l'amende dès qu'un dollar transite par un serveur new-yorkais. Nous vivons sous liberté conditionnelle.

La nouvelle servitude : du gaz russe au gaz de schiste américain
C'est peut-être la plus grande ironie de l'histoire récente. Nous avons rompu avec la dépendance au gaz russe au nom de la morale et de la souveraineté, pour nous jeter pieds et poings liés dans la dépendance au GNL américain. En 2024, près de la moitié de nos importations de GNL venaient des terminaux d'outre-Atlantique. La différence? Le gaz russe était bon marché et arrivait par tuyaux fixes. Le gaz américain est cher, transporté par bateaux, et soumis au bon vouloir géopolitique de la Maison Blanche. Nous avons troqué une dépendance pour une servitude, en payant le prix fort.
La colonisation numérique : le mythe du "Cloud Souverain"
Enfin, le domaine numérique achève de dresser le portrait d'une nation qui a renoncé. Le projet de "Cloud de Confiance", incarné par l'offre "Bleu" (Orange/Capgemini) ou "S3NS" (Thales), est un aveu d'impuissance terrible. Faute d'avoir su créer des champions européens, nous en sommes réduits à emballer la technologie de Microsoft et Google dans du droit français, en espérant que cela suffise à nous protéger du Cloud Act américain. C'est une ligne Maginot juridique. Dans les faits, nos données, nos entreprises, nos administrations tournent grâce aux algorithmes de la Silicon Valley. La start-up nation est devenue une filiale nation.
Sortir du déni
En cette fin 2025, la France ne fait pas face à un "allié exigeant", mais à un empire prédateur qui ne respecte que la force. Le "masochisme" diplomatique français consiste à croire qu'en étant de bons élèves de l'atlantisme, nous serons récompensés. L'histoire récente prouve l'inverse : plus nous cédons, plus nous sommes piétinés.
Emmanuel Macron avait diagnostiqué la "mort cérébrale" de l'OTAN. Il aura présidé à l'encéphalogramme plat de l'indépendance française. Il est temps de cesser de remercier ceux qui nous tondent.


