La condamnation de Sarkozy à de la prison ferme donne lieu à une comédie particulièrement savoureuse... puisque l'exécution provisoire est une mesure adoptée... sous Sarkozy en 2011, pour en finir avec la justice laxiste ! Et lorsque la justice sévit contre lui, il trouve la blague beaucoup moins drôle...
L'affaire du financement libyen, qui a abouti à la condamnation de Nicolas Sarkozy à une peine de prison assortie d'une exécution provisoire, a provoqué une onde de choc politique et médiatique. Au-delà du verdict lui-même, c'est la réaction de ses plus fervents soutiens et du microcosme droitier qui offre une fascinante étude de cas sur la nature du discours politique. Des figures comme Henri Guaino, ancienne plume de l'ex-président, et Marine Le Pen, qui ont bâti leur carrière sur l'exigence d'une justice implacable et d'une "tolérance zéro", se sont soudainement muées en critiques acerbes d'un système judiciaire qu'elles accusent de dérive tyrannique.
Ce revirement spectaculaire illustre à la perfection l'adage de "l'arroseur arrosé". Les architectes et les promoteurs d'un durcissement pénal, qui ont longtemps fustigé le "laxisme" des juges et réclamé des sanctions rapides et certaines, se retrouvent aujourd'hui à dénoncer les effets d'un outil qu'ils ont eux-mêmes contribué à renforcer. Ce paradoxe révèle une conception de la loi à géométrie variable, où la fermeté est une vertu lorsqu'elle s'applique aux "autres", mais devient une "humiliation" et un "coup d'état judiciaire"lorsqu'elle touche l'un des leurs.
Le silence assourdissant qui a accompagné ces milliers de cas contraste violemment avec le tollé provoqué par l'affaire Sarkozy. Il révèle une conception inquiétante de la justice, où l'indignation semble dépendre du statut social du condamné. Pour les "puissants", l'application de la loi devient un scandale d'État ; pour les autres, elle est une procédure de routine.
Cette situation met en lumière une contradiction plus profonde, qui dépasse le simple opportunisme politique pour toucher à une ambivalence très française : un appel constant à l'autorité pour mater la délinquance, couplé à une méfiance viscérale envers les institutions dès lors qu'elles exercent ce pouvoir sur les puissants. En analysant la genèse de l'exécution provisoire, le discours historique de ses promoteurs et leur volte-face actuelle, on découvre une illustration parfaite du principe "faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais", et une indifférence criante au sort des milliers de justiciables anonymes qui, depuis des années, subissent en silence les conséquences de cette politique de fermeté.
L'exécution provisoire : une arme voulue par les partisans de la fermeté
L'exécution provisoire d'une peine de prison, qui permet l'incarcération d'un condamné sans attendre l'issue de son appel, n'est pas une innovation récente. Cependant, son usage et sa légitimité ont été au cœur des politiques sécuritaires menées sous la présidence de Nicolas Sarkozy. C'est dans ce contexte que la loi du 10 août 2011 a été adoptée, visant notamment à "améliorer la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale". Cette loi, qui a entre autres modifié l'article 465 du Code de procédure pénale régissant le mandat de dépôt à l'audience, s'inscrivait dans une philosophie plus large de renforcement de la réponse pénale. L'objectif était clair : garantir que la sanction soit immédiate et tangible, pour lutter contre le sentiment d'impunité.