Les conflits modernes ne se contentent plus de détruire : ils affament méthodiquement. En ciblant champs, marchés, routes et accès humanitaires, les belligérants transforment la nourriture en instrument stratégique. Une arme implacable, que l’ONU décrit mais ne parvient jamais à empêcher.

Le constat de l'ONU est glaçant : la famine n'est plus une conséquence tragique des conflits, mais leur objectif stratégique. Au Soudan, à Gaza, au Sahel, des milices et des États détruisent délibérément les systèmes alimentaires, instrumentalisant la faim pour soumettre les populations. Cette barbarie moderne n'est pourtant que la manifestation ultime d'un principe antilibéral fondamental : la confiscation de la souveraineté individuelle par la force organisée.
Quand la faim devient une stratégie militaire
Les déclarations d’Amina Mohammed, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, sont sans ambiguïté :
« La nourriture elle-même est devenue une arme. »
Les conflits actuels ciblent directement les infrastructures agricoles, les points d’eau, les routes commerciales, les marchés, les silos. Au lieu d’affamer par ricochet, ils affament par intention.
La logique consiste à priver une population de nourriture, c’est à dire: priver l’adversaire de soutien, provoquer des déplacements massifs, déstabiliser les communautés et briser des résistances internes.
La guerre devient alors un laboratoire cynique où la famine est utilisée pour accélérer la reddition ou remodeler l’équilibre démographique.
Ce que nous observons n'est pas une nouvelle forme de guerre, mais la révélation crue de la nature profonde du pouvoir politique : son contrôle coercitif sur les moyens de subsistance des personnes. Sans ce monopole territorial, impossible d'empêcher les secours privés d'arriver, impossible de détruire méthodiquement les marchés locaux, impossible de faire de la faim une tactique militaire.

L'échec programmé de l'action collective
Le système onusien, bien que indispensable pour documenter les crises et coordonner les condamnations, bute sur son incapacité structurelle à agir. Son modèle repose sur la recherche d'un consensus entre des puissances souveraines, dont certaines sont directement impliquées dans ces stratégies de famine.
Les alertes précises du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) se heurtent ainsi au mur de la "souveraineté nationale", ce principe sacro-saint qui permet à un État d'affamer sa propre population en toute impunité.
L'approche centralisée et diplomatique échoue systématiquement à désamorcer les crises, car elle ne peut contraindre les monopoles violents qui en sont la source. Elle traite les symptômes , en organisant des distributions d'aide humanitaire souvent bloquées , sans s'attaquer à la cause : la concentration du pouvoir territorial.
L'arme de la famine est le symptôme le plus abject de la concentration du pouvoir. Elle démontre que lorsque des individus ou des groupes détiennent un contrôle exclusif sur un territoire et ses ressources, la vie des habitants devient un simple pion dans leur jeu de pouvoir.
L'ONU reste indispensable mais impuissante : elle documente, coordonne, condamne… sans pouvoir agir. Son architecture même, fondée sur le respect de la souveraineté des prédateurs, l'empêche de résoudre le problème.

