Géopolitique de la faim : l’ONU alerte, les gouvernements manipulent
Photo by Jesse Plum / Unsplash

Géopolitique de la faim : l’ONU alerte, les gouvernements manipulent


Partager cet article

Les conflits modernes ne se contentent plus de détruire : ils affament méthodiquement. En ciblant champs, marchés, routes et accès humanitaires, les belligérants transforment la nourriture en instrument stratégique. Une arme implacable, que l’ONU décrit mais ne parvient jamais à empêcher.

Le constat de l'ONU est glaçant : la famine n'est plus une conséquence tragique des conflits, mais leur objectif stratégique. Au Soudan, à Gaza, au Sahel, des milices et des États détruisent délibérément les systèmes alimentaires, instrumentalisant la faim pour soumettre les populations. Cette barbarie moderne n'est pourtant que la manifestation ultime d'un principe antilibéral fondamental : la confiscation de la souveraineté individuelle par la force organisée.

Quand la faim devient une stratégie militaire

Les déclarations d’Amina Mohammed, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, sont sans ambiguïté :

« La nourriture elle-même est devenue une arme. »

Les conflits actuels ciblent directement les infrastructures agricoles, les points d’eau, les routes commerciales, les marchés, les silos. Au lieu d’affamer par ricochet, ils affament par intention.

La logique consiste à priver une population de nourriture, c’est à dire: priver l’adversaire de soutien, provoquer des déplacements massifs, déstabiliser les communautés et briser des résistances internes.

La guerre devient alors un laboratoire cynique où la famine est utilisée pour accélérer la reddition ou remodeler l’équilibre démographique.

Ce que nous observons n'est pas une nouvelle forme de guerre, mais la révélation crue de la nature profonde du pouvoir politique : son contrôle coercitif sur les moyens de subsistance des personnes. Sans ce monopole territorial, impossible d'empêcher les secours privés d'arriver, impossible de détruire méthodiquement les marchés locaux, impossible de faire de la faim une tactique militaire.

L'échec programmé de l'action collective

Le système onusien, bien que indispensable pour documenter les crises et coordonner les condamnations, bute sur son incapacité structurelle à agir. Son modèle repose sur la recherche d'un consensus entre des puissances souveraines, dont certaines sont directement impliquées dans ces stratégies de famine.

Les alertes précises du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) se heurtent ainsi au mur de la "souveraineté nationale", ce principe sacro-saint qui permet à un État d'affamer sa propre population en toute impunité.

La faim à Gaza : une mort sans balles, par Abdel Rahman Mahani
Voici le deuxième article que nous publions, sous la plume du jeune journaliste palestinien Abdel Rahman Mahani. Témoignage poignant et clinique à la fois de la réalité de la vie à Gaza sous les bombes et l’occupation de l’armée israélienne. Notre auteur a pu partir par Rafah, au sud de

L'approche centralisée et diplomatique échoue systématiquement à désamorcer les crises, car elle ne peut contraindre les monopoles violents qui en sont la source. Elle traite les symptômes , en organisant des distributions d'aide humanitaire souvent bloquées , sans s'attaquer à la cause : la concentration du pouvoir territorial.

L'arme de la famine est le symptôme le plus abject de la concentration du pouvoir. Elle démontre que lorsque des individus ou des groupes détiennent un contrôle exclusif sur un territoire et ses ressources, la vie des habitants devient un simple pion dans leur jeu de pouvoir.

L'ONU reste indispensable mais impuissante : elle documente, coordonne, condamne… sans pouvoir agir. Son architecture même, fondée sur le respect de la souveraineté des prédateurs, l'empêche de résoudre le problème.


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
Covid : les apprentis sorciers se retrouvent au chômage

Covid : les apprentis sorciers se retrouvent au chômage

Quelle ironie ! l'ancien gourou d'EcoHealth Alliance, le Dr Peter Daszak, jadis grassement payé par l'argent public, se retrouve aujourd'hui "sans argent" et "sans emploi" et ose poursuivre en justice l'organisation qu'il dirigeait. Pendant près de 25 ans, le Dr Peter Daszak était à la tête d’EcoHealth Alliance. Mais sa carrière scientifique a pris fin d’une manière brutale lorsque l’ONG américaine qu’il dirigeait était accusée d’avoir collaboré avec l’Institut de virologie de Wuhan en Chine


Rédaction

Rédaction

Pendant que la France débat du "sociétal", son prolétariat se meurt en silence

Pendant que la France débat du "sociétal", son prolétariat se meurt en silence

Un réquisitoire contre l'échec de la Sécurité Sociale, la perversité du "compte pénibilité" et l'oubli de la seule véritable lutte : l'espérance de vie en bonne santé. Le débat public français est aujourd'hui saturé. Une cacophonie de revendications "sociétales", de luttes "intersectionnelles" et de "complexifications" de la question sociale domine l'espace médiatique et politique. De doctes analyses néo-marxistes, important des concepts nés outre-Atlantique, nous expliquent la nécessité d'


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Les drones et ChatGPT : le monde libertarien en devenir, par Eric Lemaire
Photo by Emiliano Vittoriosi / Unsplash

Les drones et ChatGPT : le monde libertarien en devenir, par Eric Lemaire

L’époque a ceci d’étonnant qu’elle avance masquée. On annonce partout l’avènement d’un monde dystopique dominé par l’intelligence artificielle, la surveillance totale, les oligarchies numériques et le contrôle algorithmique des populations. Pourtant, à y regarder de près, un autre phénomène se produit en parallèle, comme une évolution inattendue et presque subversive : l’IA agentique donne à chaque individu des moyens d’action qui, hier encore, n’appartenaient qu’aux États souverains. Le monde


Rédaction

Rédaction

Le nouveau « fonds Défense » lancé par BPI peut-il remplacer votre livret A ?

Le nouveau « fonds Défense » lancé par BPI peut-il remplacer votre livret A ?

Depuis sa réélection, Donald Trump a annoncé réévaluer l'engagement des États-Unis au sein de l’OTAN, expliquant que son pays ne garantirait plus automatiquement la sécurité de l’Europe. Cette incertitude croissante a poussé les pays européens à reprendre en main leur propre défense et à renforcer leur indépendance stratégique. L’UE a ainsi lancé le plan ReArm, doté de plus de 800 Mds €, pour moderniser ses capacités de défense et réduire sa dépendance militaire envers les USA. Les budgets m


FLORENT MACHABERT

FLORENT MACHABERT