À Gaza, l'arrivée de l'hiver transforme la survie en calvaire. Les fortes pluies inondent des camps de déplacés où s'entassent près de 1,7 million de personnes. Derrière cette crise humanitaire, un mécanisme implacable se révèle : la famine devient un instrument politique dans un conflit qui ne dit plus son nom, sinon celui d’une tutelle forcée.

Le constat des agences onusiennes est sans appel : la détresse à Gaza n'est pas une simple tragédie collatérale, mais le résultat d'un contrôle délibéré. En régissant strictement l'entrée de toute marchandise, y compris les bâches, les tentes et les matériaux de construction, l'État israélien ne se contente pas de mener une guerre. Il confisque la souveraineté économique et physique des individus. Les personnes déplacées à Gaza ont actuellement du mal à trouver un abri sûr selon l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens en raison des intempéries hivernales. Les pluies abondantes ont détruit leurs campements.
1,7 million de Gazaouis sans abri pour l’hiver
Après deux ans de guerre, des milliers de Gazaouis ont dû quitter leurs maisons. Ils ont créé des abris de fortune selon l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient). Au total, 1,7 million d’individus vivent dans des zones de déplacement.

Les premières pluies d'hiver ont exposé au grand jour l'échec total des abris de fortune. Avec 80 % de la population déplacée, l'UNRWA et l'OCHA décrivent un désastre : des campements noyés, de la boue épaisse, et des familles luttant contre le froid.
Les équipes humanitaires ont déjà essayé d’anticiper le problème depuis le 10 octobre, date à laquelle le cessez-le-feu entre Israël et Hamas est entré en vigueur. Ils ont distribué des tentes, des couvertures et des bâches à 1.386 ménages à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza et à Deir al-Balah, dans le centre, avant l’hiver. Mais, leurs efforts sont loin d’être suffisants. De nombreuses familles « réutilisent des sacs de farine et de nourriture vides pour contenir les inondations dans les sites de déplacement ».
Ce n'est pas un manque de générosité mondiale qui est en cause, mais le verrouillage des frontières par Israël.

L’aide humanitaire filtrée, l’économie asphyxiée : la stratégie de la dépendance
Malgré la trêve du 10 octobre, la réalité est implacable : les humanitaires n’arrivent pas à répondre à l’ampleur des destructions. L’ONU estime que 92 % des bâtiments résidentiels ont été touchés depuis 2023.
Les chiffres sont vertigineux : 110 000 palettes d’aide ont été déchargées, mais plus de 1 800 ont été interceptées. Les trois points d’entrée restants, Kerem Shalom, Zikim et Kissufim , ne permettent pas un approvisionnement à l’échelle d’une population totalement dépendante de l’extérieur.

En pratique, Israël exerce un contrôle économique total. La population, privée de reconstruction, ne peut que survivre… jamais se relever. Cette logique de dépendance structurelle s’apparente moins à un encerclement militaire qu’à une confiscation de souveraineté.
Dans les hôpitaux saturés, les évacuations médicales constituent désormais le dernier filet de survie. Depuis 2023, 10 600 patients ont pu quitter Gaza, mais 16 500 autres attendent toujours, parfois pour des traitements vitaux.
L’OMS dénonce des délais interminables aux points de passage, où des patients fragiles restent bloqués pendant des heures. Même les évacuations vers la Jordanie ou d’autres pays sont ralenties par des procédures opaques. Tedros Ghebreyesus appelle à l’ouverture de toutes les voies, y compris via la Cisjordanie, mais la réalité administrative prime sur la détresse humaine.
Le drame de Gaza dépasse le cadre d'un conflit. Il est une démonstration terrifiante de la manière dont un État peut utiliser le contrôle total des ressources – abris, soins, nourriture – pour anéantir la souveraineté d'une population. En faisant de la pénurie organisée une stratégie, le pouvoir en place ne cherche pas seulement à vaincre un ennemi militaire ; il s'attaque aux fondements mêmes de l'autonomie et de la dignité humaines.



