Comment la Sécurité Sociale va se transformer en Big Brother

Comment la Sécurité Sociale va se transformer en Big Brother


Partager cet article

C’est passé inaperçu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais la Sécurité Sociale a désormais de grands projets pour nous simplifier la vie. En particulier, elle entend bien, dès 2021, utiliser les fiches de paie désormais informatisées pour calculer tous nos droits automatiquement, et sans nous demander notre avis. Elle entend aussi utiliser la biométrie pour mettre un visage sur chaque numéro de sécurité sociale et nous identifier par voie numérique. Ou comment un organisme unique qui fiche tous les Français va entrer au coeur de notre vie privée pour nous protéger en mode gouvernement chinois.

PLFSS 2021 – dossier de presse from Société Tripalio

La sécurité sociale s’apprête à utiliser l’immense fichage des Français pour nous « simplifier » la vie, c’est-à-dire pour calculer tous nos droits et éventuellement nous détecter comme fraudeurs à partir d’une simple photographie. Ce projet orwellien devrait passer ni vu ni connu dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

La sécurité sociale en mode Orwell

Il faut lire les « petites lignes » du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 pour comprendre qu’un projet très « chinois » de contrôle de la population par simple utilisation d’une photographie se prépare.

Nous publions ci-dessus le dossier de presse qui a servi à présenter le projet de loi. Nous vous recommandons de vous rendre aux pages 39 et 46 du dossier pour comprendre comme les premières pièces de ce puzzle orwellien sont posées. Au nom de notre protection, bien entendu, et sous couvert de lutter contre la fraude. Nous l’avons écrit à plusieurs reprises (rejoint par Hélène Strohl), le thème de la lutte contre la fraude, agité par des fonctionnaires conservateurs comme Charles Prats ou Patrick Hetzel, à l’Assemblée Nationale, constitue le meilleur prétexte pour activer un dangereux contrôle social des populations au nom de la justice et de l’intérêt national.

Utilisé pour le calcul de la revalorisation différenciée des pensions de retraite en application de la LFSS 2020, ce dispositif est au cœur de la réforme des « allocations personnalisées au logement en temps réel », et a vocation à être utilisé à terme pour l’ensemble des prestations sous conditions de ressources (prime d’activité, revenu de solidarité active, prestations familiales, etc..).   

PLFSS 2021, dossier de presse

Le projet « Dispositif de Ressources Mensuelles »

Ce projet est assez simple. Il verra le jour en 2021. Il consiste à utiliser la « DSN », déclaration sociale nominative, c’est-à-dire les fiches de paie des salariés (pour aller vite) transmises chaque mois aux URSSAF, pour calculer automatiquement les droits sociaux de chaque salarié.

Concrètement, vous demandez une allocation sous plafond de ressources ? Vous n’aurez plus besoin de demander quoi que ce soit : les URSSAF calculeront vos droits automatiquement. Le dossier de presse affiche clairement les ambitions du projet : dispenser l’administré de faire lui-même des demandes de prime d’activité, ou d’allocations familiales. Tout cela sera automatisé dans de grands algorithmes.

Faut-il préciser que la déclaration sociale nominative n’englobe que les fiches de paie des salariés relevant des URSSAF, ce qui exclut les fonctionnaires, et les non-salariés ? Bref, les wagons de tous ceux qui cotisent dans le privé seront mis en coupe réglée.

La fusion de fait fisc-URSSAF

Autre projet, permis par le prélèvement à la source : le « développement de synergies » entre la DGFIP (chargée de la collecte des impôts) et les URSSAF (qui prélèvent les cotisations sociales et l’impôt sur le revenu). En l’espèce, il s’agira de confier aux URSSAF la collecte de toutes les cotisations sociales, y compris celles qui ne relèvent pas de la sécurité sociale. On pense ici tout particulièrement à la collecte des cotisations AGIRC-ARRCO, dont l’absorption par l’Etat est désormais préparée, même si la réforme des retraites est abandonnée.

On comprend, en creux, que le projet de réforme des retraites adopté en février sera probablement remanié sous une forme simple : on récupère l’AGIRC et l’ARRCO, mais on abandonne le système par points. Astucieux, ou comment, avec Emmanuel Macron, tout restant de paritarisme, d’initiative privée, dans la protection sociale, a été aboli.

L’usage de la biométrie, qui est utilisé pour l’enrôlement des assurés dans le cadre de l’expérimentation en cours de la carte vitale dématérialisée (application sur smartphone) constitue un exemple d’usage des nouvelles technologies qui pourrait être amené à se développer. Son utilisation est notamment envisagée pour prévenir la fraude à l’usage de la carte vitale par un non assuré, ou pour contrôler de manière efficace l’existence des retraités du système de retraite français résidents à l’étranger.   

PLFSS 2021, dossier de presse

Lutte contre la fraude et biométrie

Autre innovation, citée ci-contre, mise en avant pour lutter contre la fraude : utiliser la biométrie pour vérifier l’identité des assurés sociaux.

On comprend l’intention première qui justifie de flicage en règle de la population : débusquer à grande échelle tous les Algériens qui se font passer pour leur grand-mère retournée au pays et qui continuent à touchent sa pension de retraite en cachette. Sous couvert de lutter contre ces quelques cas maladivement mis en avant par quelques fonctionnaires conservateurs, c’est l’ensemble des Français qui va désormais entrer dans une délicieuse société futuriste.

Ainsi, à partir d’une simple photographie, il sera possible, in fine, de retrouver la fiche de paie d’une personne, et tout savoir d’elle. Notamment tout savoir sur ses droits sociaux, sa consommation de soin, le montant de sa retraite ou de ses allocations familiales, et autres.

On n’en est pas encore au système chinois de notation des citoyens selon leur comportement social relevé sur les caméras de vidéo-surveillance dans les rues, mais on se donne progressivement les moyens d’y parvenir. Voilà qui fait vraiment envie.

Sécurité sociale obligatoire ou contrôle social généralisé ?

Tout ceci est bien entendu réalisé au nom de notre protection. La mise sous surveillance selon des méthodes industrielles de l’ensemble de la population, ce grand pas vers le totalitarisme, n’est pas pratiquée au nom de la haine ou de la violence. Elle est légitimée par la protection, la bienveillance, le souci de l’autre. Pour vous éviter de vous laisser vous nuire à vous-mêmes, nous vous surveillons !

Et voilà comment, en quatre-vingts ans, le gouvernement profond est parvenu à dévoiler le vrai visage de la sécurité sociale : le contrôle social généralisé, au nom du bien. Durant cette longue guerre de conquête, il a balayé toute capacité d’opposition.

Alors que de nombreux pays, comme l’Allemagne, ont mis leur système de protection sociale en concurrence, la France a curieusement fait le contraire. Et nous voici, de la naissance à la mort, surveillé par l’État, pour notre bien, jusque dans nos moindres secrets.


Partager cet article
Commentaires

S'abonner au Courrier des Stratèges

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter pour ne rien manquer de l'actualité.

Abonnement en cours...
You've been subscribed!
Quelque chose s'est mal passé
9/11 : quand un prof de Berkeley contestait le rôle de Cheney, par Thibault de Varenne

9/11 : quand un prof de Berkeley contestait le rôle de Cheney, par Thibault de Varenne

Elise Rochefort a évoqué pour nous les controverses officielles sur l'emploi du temps de Dick Cheney le 11 septembre 2001. Peter Dale Scott, diplomate canadien devenu professeur à l'Université Berkeley, en Californie, a prétendu documenter le contexte de cette affaire explosive. Et voici les thèses qu'il a défendues, accompagnées de leurs critiques, bien entendu... Peter Dale Scott (né en 1929) représente une figure intellectuelle singulière et complexe dans le paysage académique nord-améri


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Que faisait feu Dick Cheney le 11 septembre 2001 ? par Elise Rochefort

Que faisait feu Dick Cheney le 11 septembre 2001 ? par Elise Rochefort

Le 11 septembre 2001, le vice-Président de George W. Bush, Dick Cheney, décédé cette semaine, fait face seul ou presque au traumatisme du polyterrorisme qui frappe les USA. Mais qu'a-t-il fait au juste ? Près de vingt-cinq plus tard, voici le point des zones d'ombre et de controverse. L'analyse du rôle joué par le vice-président Richard "Dick" Cheney le 11 septembre 2001 est essentielle pour comprendre la réponse du gouvernement américain à la crise et l'évolution ultérieure de l'autorité e


Rédaction

Rédaction

Amis de la liberté : cessez d'être les idiots utiles du système, faites sécession !

Amis de la liberté : cessez d'être les idiots utiles du système, faites sécession !

La démocratie parlementaire se meurt dans le jeu des partis. Mais sommes-nous impuissants face à ce naufrage ? Et sommes-nous vraiment condamnés à attendre les prochaines élections ? Soyons lucides. La France n’est pas une démocratie libérale ; c’est un Moloch administratif, une machine à broyer l’individu sous le poids de la norme, de la taxe et de la morale collective. Depuis des décennies, les libertariens français s’épuisent dans un combat politique qui ressemble à une farce tragique. I


Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Doctolib: le “macronisme sanitaire”condamné pour abus de position dominante

Doctolib: le “macronisme sanitaire”condamné pour abus de position dominante

Sanctionné pour abus de position dominante, Doctolib voit enfin sa toute-puissance mise à nu. Derrière la success story encensée par Macron pendant la crise sanitaire, se cachait une machine à enfermer les praticiens, les patients et la concurrence. L'Autorité de la concurrence vient d'infliger une amende salée à Doctolib, le géant de la prise de rendez-vous médical. Cette sanction pour abus de position dominante révèle des pratiques d'exclusivité et d'acquisitions prédatrices choquantes. Plus


Rédaction

Rédaction