L'Assemblée Nationale vient d'adopter à une courte majorité (247 voix pour, 234 contre, et 93 abstentions) le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026. Nous en listons ici les mesures exhaustives qui vont changer votre vie quotidienne.

On notera qu'il reste à Sébastien Lecornu à faire adopter la loi de finances, c'est-à-dire le budget de l'Etat. Nous resterons mobilisés, bien entendu, pour vous rendre intelligibles ces procédures opaques et confuses.


Liste des mesures de recettes (partie I)
La partie recettes du PLFSS 2026 marque une rupture avec la politique de l'offre et de baisse des prélèvements obligatoires menée lors des législatures précédentes. Sous la pression du déficit et des amendements parlementaires, le texte final intègre une série de hausses de prélèvements ciblées, dessinant une nouvelle carte fiscale sociale.

1. La refonte des allègements de cotisations patronales
C'est l'une des mesures les plus techniques et structurelles du texte. Face à la critique sur l'inefficacité des "aides aux entreprises" et leur coût exorbitant (plus de 75 milliards d'euros), l'Assemblée a validé une réforme paramétrique des allègements généraux (ex-réduction Fillon).
● Le mécanisme de "désmicardisation" : le système antérieur concentrait les allègements massifs au niveau du SMIC, créant une "trappe à bas salaires" (désincitation à augmenter les salaires juste au-dessus du SMIC).
● La nouvelle formule (2026) : le texte adopté modifie la formule de calcul du coefficient de réduction. Selon les détails techniques validés :
○ La réduction s'étend désormais jusqu'à 3 SMIC (contre 1,6 SMIC pour certaines réductions spécifiques précédentes ou des bornes différentes selon les dispositifs).
○ La formule intègre un paramètre de dégressivité plus lisse pour encourager la progression salariale.
○ Impact : cette mesure vise à redonner des marges de manœuvre budgétaires (rendement attendu de plusieurs milliards d'euros par moindre dépense fiscale) tout en incitant à la hausse des salaires moyens.
2. Fiscalité du capital et des hauts revenus
Le dogme de la stabilité fiscale sur le capital a été entamé lors de cette lecture, fruit d'un compromis entre l'aile gauche de la macronie et le Parti Socialiste.
● Hausse "allégée" de la CSG sur le capital :
○ Dispositif : une augmentation des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et de placement.
○ Compromis : initialement, des amendements visaient une hausse massive. Le texte final retient une hausse plus modérée (le taux global passerait de 17,2% à un taux supérieur, potentiellement 18,6% ou via une surtaxe spécifique selon les derniers arbitrages de séance), mais avec des exclusions notables.
○ Exclusions : les revenus fonciers des petits propriétaires, les Plans Épargne Logement (PEL) et l'Assurance-vie (sous certains seuils) ont été exclus de l'assiette pour ne pas pénaliser l'épargne populaire.

● Contribution Différentielle sur les Hauts Revenus (CDHR) :
○ Bien que discutée en PLF, son impact est pris en compte dans l'équilibre global. Elle vise à assurer que les ménages aux très hauts revenus (250 000 € pour un célibataire, 500 000 € pour un couple) s'acquittent d'un taux moyen d'imposition minimal de 20%. Le PLFSS intègre les recettes sociales afférentes.
3. Fiscalité comportementale : le tournant santé publique
Le PLFSS 2026 se distingue par une agressivité accrue sur la fiscalité dite "comportementale" ou "vices", justifiée par des impératifs de santé publique.
3.1. La "taxe soda" (boissons sucrées)
L'Assemblée nationale a validé un durcissement drastique de la fiscalité sur les boissons sucrées.
● Multiplication par trois : pour les boissons contenant les taux de sucre les plus élevés, le montant de la taxe est triplé. Concrètement, sur une bouteille de 1L de soda standard, la taxe passe d'environ 15 centimes à 35-45 centimes.
● Objectif : contraindre les industriels à la reformulation (baisse du taux de sucre) sous peine de perdre en compétitivité prix.

3.2. Le cas du vapotage : suppression de la taxe
C'est un revirement majeur par rapport au projet initial du gouvernement.
● Projet initial : création d'une accise sur les e-liquides (avec ou sans nicotine) de l'ordre de 0,15 €/ml.
● Adoption finale : face à la mobilisation des professionnels de santé (addictologues) et de la filière, l'Assemblée nationale a validé la position du Sénat consistant à supprimer la taxe ou à fixer son taux à 0 € pour 2026.
● Explication : les parlementaires ont considéré que taxer un produit de réduction des risques (95% moins nocif que le tabac) enverrait un signal sanitaire contradictoire et freinerait le sevrage tabagique. Les e-liquides sans nicotine et le CBD sont explicitement exclus de toute taxation.
3.3. Tabac
● Indexation : le prix du tabac continue sa trajectoire de hausse via une indexation sur l'inflation, garantissant le maintien des recettes fiscales malgré la baisse des volumes de vente.
2.4. Contribution exceptionnelle des organismes complémentaires (mutuelles)
Pour financer le dérapage des dépenses de santé (ONDAM), une nouvelle ressource a été créée.
● La mesure : une "contribution exceptionnelle" demandée aux Organismes Complémentaires d'Assurance Maladie (OCAM).
● Rendement : estimé entre 1 et 1,1 milliard d'euros.
● Impact consommateur : bien que les députés aient voté des amendements interdisant la répercussion de cette taxe sur les cotisations des assurés, les acteurs du secteur (Mutualité Française) ont averti que cette mesure entraînerait mécaniquement une hausse des tarifs en 2026, l'équilibre technique des contrats étant contraint.

2.5. Autres mesures significatives de recettes
● Franchises médicales (le "non-doublement") : c'est une mesure en creux. Le gouvernement s'est engagé formellement à ne pas augmenter les franchises médicales (reste à charge sur les médicaments, actes paramédicaux), renonçant au projet de doublement (de 0,50€ à 1€ par boîte) qui devait rapporter 2,3 milliards d'euros. Ce gel constitue un manque à gagner qu'il a fallu compenser par ailleurs (taxe mutuelles).
● Exonérations heures supplémentaires : extension de la déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires aux entreprises de plus de 250 salariés (auparavant réservée aux TPE/PME). C'est une mesure de soutien au pouvoir d'achat et à la flexibilité du travail.
● Apprentis : maintien de l'exonération des cotisations salariales pour les apprentis, annulant la suppression prévue pour les nouveaux contrats. L'Assemblée a sanctuarisé ce dispositif pour préserver la dynamique de l'apprentissage.
● Management packages : adoption d'un cadre fiscal et social clarifié pour les gains issus des instruments d'intéressement des dirigeants (management packages), visant à sécuriser ces pratiques tout en assurant leur juste contribution.
Analyse des mesures de dépenses (partie II)
La partie dépenses est celle qui porte la charge politique la plus explosive. L'Assemblée nationale a profondément réécrit la copie gouvernementale, imposant des choix sociaux forts qui remettent en cause la trajectoire de redressement budgétaire.
1. La suspension de la réforme des retraites : le séisme politique
C'est la mesure phare, symbolique et politique, de ce PLFSS 2026. L'article (45 ou 45 bis selon les versions) adopté par l'Assemblée nationale prévoit la suspension de l'application de la réforme des retraites de 2023.
● Le mécanisme de suspension :





